Liz Truss nous replonge dans une économie de contes de fées des années 1980

Toujours les mêmes discours de la part des néolibéraux: “marre” de redistribuer aux pauvres, politiques d’assistance et tous les clichés utilisés pour contrer les mouvements de gauche. Pourtant une analyse des faits montre que la redistribution de richesses en Grande-Bretagne a plutôt servi la partie de population déjà plus riche. La nouvelle première ministre entend bien recycler les mêmes recettes qui ont conduit a plus d’inégalités et de pauvreté. (IGA)

L’inégalité exorbitante et la redistribution des ressources aux riches ont anéanti l’économie. La « Truss économie » n’améliorera pas les choses. Notre nouvelle première ministre a d’ores et déjà annoncé ses grandes lignes en matière d’économie. Bien qu’un plan de secours de 90 milliards de livres sterling pour aider les ménages et les entreprises à faire face à la crise énergétique semble être prévu, Liz Truss a clairement indiqué que « faire l’aumône » n’était pas sa façon préférée de diriger.

Truss n’a guère d’autre choix que de prendre des mesures draconiennes pour ne pas aller vers une catastrophe des conditions de vie. Mais elle a aussi publiquement admis de ne pas mener une économie via le « prisme de la redistribution ». À cet égard, elle déclare aller à l’encontre de la bataille des inégalités. En effet, elle mettra plutôt l’accent sur la croissance quand celle-ci « profite à tout le monde ». Ces deux déclarations illustrent une grande méconnaissance de l’histoire politique actuelle et passée. Ce sont les mêmes arguments dictés dans les années 1970 par l’école anti-égalitaire des évangélistes de la « nouvelle droite ». L’un d’eux, Keith Joseph, un proche conseiller de Margaret Thatcher a affirmé que les « vrais » conservateurs doivent « présenter des arguments contre l’égalitarisme… La course pour l’égalité a fait et fait encore plus de mal, en freinant les incitations et les récompenses qui sont essentielles à toute économie qui se veut prospérer. »

Quarante ans plus tard, nous avons maintenant des preuves véritables d’une expérience qui a promu les inégalités. Loin de profiter à tout le monde, la Grande-Bretagne à son insu a basculé de l’une des nations riches les plus égales à la deuxième la plus inégale (après les États-Unis). Au cours de la même période, le taux de pauvreté des enfants a plus que doublé (graphique 1).
En raison de l’impact des inégalités, les 20 % les plus pauvres de la Grande-Bretagne sont aujourd’hui beaucoup plus pauvres que leurs homologues d’autres nations plus égalitaires (graphique 2). Les personnes les plus pauvres en Allemagne, par exemple, sont un tiers mieux loties que celles de la Grande-Bretagne.

Truss affirme vouloir abandonner le « prisme de la redistribution », mais les quarante dernières années ont en fait vu un processus constant de redistribution dirigé par l’État – mais vers le haut, où une petite élite financière et commerciale s’est appropriée les profits de la croissance.

Une grande partie de ce processus d’enrichissement des plus riches s’est fait par un processus d’extraction, dans lequel les entreprises sont devenues des vaches à lait pour les dirigeants et les actionnaires (par exemple, des dispositifs anticoncurrentiels pour truquer les marchés; des frais excessifs sur les produits financiers ; et en détournant les bénéfices en constante croissance des salaires et des investissements vers les dividendes).

Ce processus s’est accompagné d’une série de politiques pro-inégalités, allant de l’instauration d’un système fiscal beaucoup plus régressif et de la déréglementation des contrôles de l’État sur la ville et les grandes entreprises à un système d’avantages sociaux beaucoup plus radin et plus insidieux. Au milieu des années 2010, cinq millions de paiements de sanctions (essentiellement des amendes) ont été divulgués par le ministère du Travail et des Pensions, soit plus d’amendes que le système de justice pénale.

Inégalités excessives, faible croissance

Le droit de s’enrichir, ainsi que l’affaiblissement de la protection sociale de l’État, avaient pour mission prétexte? d’instaurer une économie plus dynamique. Pourtant, la croissance, l’investissement privé et les niveaux de productivité n’ont jamais été aussi bas que depuis 1980, date à laquelle, ils ne l’étaient pendant l’ère du capitalisme social d’après-guerre. Les crises financières sont devenues plus fréquentes avec plus de conséquences négatives.

Prétendre qu’une forte inégalité était essentielle pour un progrès économique plus rapide a été clairement contredit par la crise financière de 2008. Le Fonds monétaire international (FMI) a montré que des niveaux élevés d’inégalité sont associés à des économies fragiles, sujettes aux crises et à une faible croissance.
Les éléments clés du modèle économique britannique – pauvreté de classes, emploi précaire et faible répartition des salaires – ont créé des sociétés de consommation dans laquelle il y a une capacité limitée à consommer et donc une dépendance croissante à l’endettement pour survivre.

L’excès d’inégalités n’est pas seulement économiquement « corrosif », comme l’a affirmé Christine Lagarde, directrice du FMI en 2013. Il a également contribué à la une détresse sociale croissante. Le livre blanc du gouvernement sur le nivellement par le haut est un compte rendu remarquablement franc de la fragilité sociale de la Grande-Bretagne (même si la stratégie pour y remédier n’est pas à la hauteur de l’ampleur du problème identifié).

L’amélioration constante de l’espérance de vie a stagné au cours de la dernière décennie et a même reculé dans certaines communautés défavorisées. L’aliénation politique est généralisée, avec un écart croissant entre la participation électorale des groupes les plus riches et des plus pauvres.

Le retour de fortes concentrations de revenus et de richesses, tant au niveau national que mondial, a également contribué au réchauffement climatique. Les 10 % les plus riches de la population mondiale ont émis 48 % de toutes les émissions mondiales en 2019, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en ont émis que 12 %. Les 1 % les plus riches ont émis un pourcentage exorbitant de 17 % du total.
Le résultat de la stratégie pro-riches et anti-pauvres s’illustre par un capitalisme de luxe qui culminait pour la dernière fois à l’époque victorienne, avec une extrême richesse en parallèle à une pénurie sociale importante
On ne peut que se poser des questions quant au manque d’investissement de la Grande-Bretagne dans par exemple les services pour les enfants, la formation des jeunes adultes, les soins sociaux et les logements abordables avec la demande croissante de jets privés et de yachts de luxe et même de mini-sous-marins. Les aéroports privés représentent une grosse affaire de nos jours. Les rares terrains qui auraient pu être utilisés pour faire face à une pénurie chronique de logements sociaux abordables ont été englouti par des investissements immobiliers haut de gamme sans finalité sociale.

L’agenda de Liz Truss ressemble de nouveau aux années 1980 – plus d’inégalités, plus de pauvreté et un retour à l’économie des contes de fées. Un tel programme s’est avéré erroné précédemment et le sera de nouveau, mais pas sans une autodestruction économique et sociale encore plus importante.
Les priorités économiques d’aujourd’hui devraient être la construction d’une société plus juste en s’attaquant à l’élargissement de l’écart de richesse et de revenu. Nous avons besoin d’une stratégie qui aidera les personnes à sortir de la pauvreté, mettra fin aux niveaux excessifs d’extraction de richesses des entreprises et mettra davantage l’accent sur les nécessités de combler des besoins sociaux en reconstruisant un état social affaibli.

Refaire la même chose n’est pas la réponse aux problèmes économiques et sociaux croissants d’aujourd’hui.

Source: Opendemocracy

Traduction Peyman Mirmiran pour InvestigAction

Photo : Flickr

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