L’histoire de la CGT vue par Éric Brunet

Le journaliste Éric Brunet est un habitué des provocations. Son Sauve qui peut ! (Albin Michel, 2013), prétendant parler au nom de « millions de Français », « riches » ou « pauvres », qui « ne se sentent plus aimés par leur pays », les a incités à le quitter au plus vite. Car « la France ne leur offre que de la bureaucratie, là où ils réclament du pouvoir d’achat, elle les assomme d’impôts (nous payons 220 milliards de taxes de plus que les Allemands) » puis les méprise quand ils ont « réussi » : « “J’aime pas les riches !” s’était exclamé François Hollande en 2007 ». Lequel, on le sait, a ensuite, comme son second Macron, démontré sa « haine de la finance » et son amour du peuple travailleur.

 

Celui qui vient, dans l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles, d’accuser la CGT d’avoir « jadis […] fait passer ses intérêts avant ceux de la France », avait presque tout dit. Exaltation des « émigrés de Coblentz », nobles ayant dès 1789 fui pour l’Allemagne ou le reste de l’Europe aristocratique (dont les Wendel, sidérurgistes de Lorraine) pour obtenir de leurs alliés « européens » le rétablissement de leurs privilèges par l’écrasement militaire de la France.

 

Lamentations fiscales masquant l’adhésion à l’impôt indirect accablant les pauvres et le refus de l’impôt pour les riches. Célébration du modèle allemand (entre absence de grèves et « jobs » à moins de cinq € de l’heure baptisés « plein emploi »), comme « jadis » le grand capital s’enthousiasmait pour la formule hitlérienne de 1933 au point d’organiser la Défaite militaire de la France, seul moyen pour liquider la République et les syndicats. La France serait aussi « vivable » que l’Allemagne, où le patronat faisait librement travailler seize heures par jour les ouvriers interdits de grève.

Non, « pendant la drôle de guerre, entre septembre 1939 et le printemps 1940, les communistes français » ne furent pas « les alliés des nazis. » Les alliés d’Hitler furent les hommes d’État qui supposés avoir aidé « l’armée française [à] aller barrer la route de Hitler » : le radical Daladier (gauche), président du Conseil de 1938 à mars 1940, et le chef de l’Alliance démocratique (droite) Paul Reynaud, ministre de la justice et des Finances puis successeur de Daladier, qui avaient fin 1938 cassé de concert les 40 heures et les salaires. C’est Reynaud qui prit les traîtres Pétain et Weygand pour ministres en mai 1940, une semaine après l’attaque allemande, puis céda son poste à Pétain, le 16 juin.

Les communistes combattus comme « traîtres » à cause du pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939, vraiment? Le 1er juillet, près de deux mois auparavant, deux mois avant l’offensive allemande notoirement imminente, le radical Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères surnommé « ministre étranger aux Affaires françaises » après avoir livré à Hitler la Tchécoslovaquie alliée, avait annoncé au nom de Daladier à l’ambassadeur d’Allemagne, l’aristocrate von Welczeck, que « les communistes » qui déplaisaient tant au Reich seraient bientôt « mis à la raison » : ils le furent, syndicalistes combatifs inclus, dès que la signature du fameux pacte, prévue depuis 1933 en cas de refus de renouvellement de l’alliance France-Grande-Bretagne-Russie de 1914, en offrit le prétexte.

Ces hommes d’État s’apprêtaient à céder au Reich l’Europe entière comme ils l’avaient fait pour l’Autriche (mars 1938) et de la Tchécoslovaquie (octobre 1938). Ils ordonnèrent à leur police et à leur justice de frapper ces syndicalistes toujours antifascistes, et permirent à des chefs cégétistes anti-grévistes, leurs complices, de s’en débarrasser. Les prétendus « traîtres » furent emprisonnés depuis septembre 1939, grâce au décret du 26 interdisant le PCF.

 

Depuis juillet 1940, Vichy poursuivit la traque des militants clandestins. Ce sont ces prisonniers que ses ministres de l’intérieur, dont Pierre Pucheu, remirent depuis l’automne 1941 à l’occupant comme « otages » à fusiller, tels les 27 Martyrs de Châteaubriant. Les vrais traîtres au syndicalisme et à la Nation furent récompensés, tel René Belin, second de la CGT et successeur présumé de son chef Jouhaux : nommé « ministre de la production industrielle et du Travail » en juillet 1940, Belin signa en novembre suivant le décret interdisant la CGT puis, en octobre 1941, celui créant la Charte du travail, machine de guerre contre les salariés et leurs moyens de défense, dont la grève.

Les archives de « la Drôle de guerre » font définitivement justice de la thèse du sabotage communiste de la production militaire. Elles en attribuent la responsabilité exclusive au grand patronat, qui avait saboté la préparation économique de la guerre, et depuis une décennie. Comme Louis Renault qui parcourait fin novembre 1939 ses ateliers de Boulogne-Billancourt en claironnant : “La Défense Nationale, je m’en fous; ce que je veux, ce sont “des Primaquatre, des Juvaquatre, des voitures [de tourisme] qui paient”, etc. ». Du peu qui avait été produit, l’état-major de l’armée, sous la houlette de Pétain et Weygand, ne fit pas usage. Voilà pourquoi l’occupant trouva en masse les chars et les avions intacts que ces traîtres avérés n’avaient pas lancé dans la prétendue « Bataille de France ».

Quant aux « tribunaux militaires de la IIIe République » qui avaient début 1940 « condamn[é] à mort de nombreux [prétendus] saboteurs communistes », ils continuèrent, en compagnie des tribunaux civils ou spéciaux, à se déshonorer en livrant à l’occupant allemand les résistants communistes, tous syndicalistes CGT, fer de lance de la Résistance nationale.

M. Brunet a besoin d’une formation historique accélérée : le Front Syndical de Classe est à sa disposition…

 

Source : Front Syndical de Classe

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