L’Europe sera-t-elle vaincue avant l’Ukraine?

Yves Smith (Naked Capitalism) distingue le temps de la guerre militaire et celui de la guerre économique. Sur le champ de bataille, une victoire des troupes ukrainiennes semble hors de portée. Reste à voir quel tournure prendra le conflit. Pour ce qui est de la guerre économique, les choses vont beaucoup plus vite. Et l’Europe apparait d’ores et déjà comme la grande perdante. Explications. (IGA)


Pendant la période qui a précédé la crise financière, votre humble blogueur a fait remarquer que le temps de la finance allait plus vite que le temps du politique. Les acteurs du marché ont souvent eu un accès meilleur et plus complet aux informations importantes que les fonctionnaires, et ils étaient fortement incités à agir en conséquence.

En revanche, les entités réglementées étaient conduites à tergiverser et à bredouiller jusqu’à ce que les problèmes deviennent indéniables… Par ailleurs, les régulateurs eux-mêmes espéraient trop souvent que les blessures par balle se guériraient d’elles-mêmes comme par magie, plutôt que de risquer de devoir répondre à des questions embarrassantes qui nécessiteraient de passer en mode d’urgence.

Ces problèmes institutionnels et comportementaux ont été aggravés par le fait que des décennies de déréglementation ont produit un système financier étroitement interconnecté. Cela signifie, en termes simples, que lorsqu’un problème survient, il se propage dans tout le système trop rapidement pour être arrêté. Il n’y a pas assez de pare-feu naturels ou artificiels pour arrêter l’embrasement.

Dans le cas du conflit ukrainien, les commentateurs ont fait une fixation sur le calendrier de la poursuite de la guerre. Leur principal argument? Le fait que la Russie n’ait pas encore “gagné” (quelque soit le sens donné à ce mot) implique que la Russie est en train de perdre. La Russie et ses alliés ont pourtant repris 20% de l’Ukraine et continuent de gagner du terrain avec une simple force expéditionnaire de temps de paix. Les responsables russes ont également indiqué clairement qu’ils ne suivaient pas de calendrier. Certains analystes ont même affirmé que le rythme apparemment lent est à l’avantage de la Russie. Il ne leur permet pas seulement de poursuivre le conflit sans recourir à une mobilisation générale, il amène aussi l’Ukraine à mener la guerre sur la ligne de front russe, ce qui facilite la destruction de l’armée et des équipements ukrainiens loin des grandes villes où les pertes civiles seraient plus importantes. En outre, la ligne de front n’est pas trop éloignée de la Russie, ce qui facilite les ravitaillements.

Il existe toutefois une grande différence entre le moment où une guerre est gagnée ou perdue, et le moment où le vaincu dépose les armes. Par exemple, le sort de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale a été scellé lors de la bataille de Koursk, mais il a fallu attendre près de deux années complètes avant que l’Allemagne ne se rende.

Certains experts militaires occidentaux ont affirmé que l’Ukraine a perdu quelques semaines après le début de l’attaque des forces russes. Larry Johnson notamment a affirmé que l’Ukraine était fichue dès que la Russie a détruit ses radars, le commandement et le contrôle de ses forces aériennes ainsi que la plupart de ses avions. L’Ukraine ne pouvait pas organiser une contre-offensive contre des troupes utilisant une opération d’armement combiné si elle ne disposait pas d’un soutien aérien. Le colonel Douglas Macgregor a également déclaré publiquement que l’Ukraine avait perdu un mois après le début du conflit ; pour lui, la seule question ouverte était de savoir combien de temps nous allions poursuivre les combats pour tenter d’affaiblir la Russie[1].

Ainsi, si les officiels, les généraux de salon et la presse ont prêté une attention au moins intermittente au calendrier de la campagne militaire, ils n’ont pas fait grand cas du calendrier de la guerre économique.

Nous aurons l’audace d’affirmer que non seulement la guerre des sanctions contre la Russie a eu un spectaculaire effet de boomerang, mais aussi que les dégâts causés à l’Occident, et à l’Europe en particulier, s’accélèrent rapidement. Et tout cela n’est pas le fruit d’actions menées par la Russie[2], mais des coûts engendrés par la perte ou la réduction de ressources clés provenant de Russie, ces coûts s’accumulant au fil du temps.

En raison de l’intensité du choc énergétique, le calendrier économique évolue donc plus rapidement que le calendrier militaire. À moins que l’Europe ne s’engage dans un changement de cap majeur, et nous ne voyons pas comment cela pourrait se produire, la crise économique européenne est amenée à devenir dévastatrice avant que l’Ukraine ne soit officiellement vaincue.

C’est alors qu’ils rentraient de leurs vacances d’été que les dirigeants européens ont semblé réaliser que l’Europe traverse une crise économique grave et certainement durable.

Bien entendu, ils étaient suffisamment inquiets fin juillet pour consentir à réduire de 15% leur consommation d’énergie à partir du 1er août. Mais l’absence de toute planification ou de tout délai de mise en œuvre, avant même d’en arriver à cet inutile “volontarisme”, a confirmé que cette mesure était surtout du vent.

La semaine dernière, Emmanuel Macron a fait trembler les experts en disant à la France qu’elle était confrontée à la “fin de l’abondance”, c’est-à-dire qu’elle devait accepter une réduction permanente de son niveau de vie. L’Agence France-Presse a rapporté ses propos :

Cette vue d’ensemble que je donne – la fin de l’abondance, la fin de l’insouciance, la fin des présupposés – c’est finalement un point de bascule que nous sommes en train de traverser et qui peut conduire nos citoyens à ressentir beaucoup d’anxiété.

Face à cela, nous avons des devoirs, dont le premier est de parler franchement et très clairement sans être catastrophiste.

Franchement, davantage de catastrophisme serait approprié. Les prix de l’électricité sur le marché au comptant constituent un sérieux avertissement quant aux conséquences de la réduction de l’approvisionnement en gaz russe. Bon nombre de citoyens et d’entreprises sont désespérés face aux augmentations récentes et prévues des prix de l’énergie à court terme. Et pourtant, Macron présente ça comme quelque chose que les électeurs devraient accepter… parce que l’Ukraine! Et nous n’avons même pas abordé l’autre facteur de stress mentionné par Macron, à savoir l’augmentation des prix des denrées alimentaires en raison des sécheresses et des incendies.[3]

Nous nous en tiendrons à la crise énergétique. Comme nous l’expliquerons, si rien n’est fait – et nous verrons qu’il est difficile d’imaginer que quelque chose de suffisamment significatif soit fait, ce choc sera si grave que le résultat en Europe ne sera pas une récession, mais une dépression.

L’embargo pétrolier des années 1970 avait rapidement entraîné une multiplication par quatre des prix US, ce qui avait conduit à la fois à une grave récession et à l’inflation, c’est-à-dire la désormais célèbre stagflation. Si l’on compare avec la situation actuelle: la semaine dernière, les contrats à terme d’un an pour l’électricité en France et en Allemagne étaient plus de dix fois supérieur qu’il y a un an. Et ce, alors que le taux d’inflation sous-jacent dans les pays de l’UE était déjà élevé (9,8 % en glissement annuel en juillet pour l’Union européenne) :

Les prix au comptant ne sont pas encore aussi mauvais :

Notez que la plupart des subventions de prix et des limites aux augmentations concernent les ménages. Malgré tout, les augmentations à venir alimentent la crainte et la colère. Le 1er octobre, les foyers britanniques verront une augmentation de 80 % du plafond de leurs tarifs combinés de l’énergie et du gaz, avec une nouvelle augmentation prévue en janvier. Cette hausse fait suite à une augmentation de 57 % plus tôt dans l’année.

En temps normal, les entreprises paient le plein tarif. Par conséquent, il y aura des faillites d’entreprises à grande échelle.

Nous voyons déjà les premiers signes de détresse, comme les fonderies d’aluminium qui réduisent leur production ou ferment leurs installations. Extrait de l’article de Reuters du 25 août (visitez l’article original pour voir tous les détails du graphique) :

La capacité de production d’aluminium de l’Europe est d’environ 4,5 millions de tonnes. Sur ce total, environ 1 million de tonnes ont été mises hors service depuis 2021 et 500.000 tonnes supplémentaires sont menacées, selon les analystes de Citi.

Voici une liste des fonderies qui ont réduit leur production.

Les fonderies d’aluminium ne sont pas les seules victimes de la première heure. D’après France24 :

Les industries sont également touchées par la flambée des prix de l’énergie.

Les usines qui produisent de l’ammoniac – un ingrédient pour fabriquer des engrais – ont annoncé la suspension de leurs activités en Pologne, en Italie, en Hongrie et en Norvège cette semaine.

Et si les pertes peuvent survenir rapidement, la reconstruction prendra beaucoup de temps.

En théorie, l’Europe peut plafonner ou subventionner les prix.[4] Or, les prix élevés servent de mécanisme de rationnement. Par conséquent, si les prix sont subventionnés, d’autres formes de rationnement seront mises en place. Des coupures de courant ? Des plans de délestage ? Quelles entreprises et quels foyers seront privilégiés et quels autres seront sacrifiés ?

Sans tenir compte de l’affaiblissement de l’euro par rapport au dollar, l’UE n’a pas été confrontée ces derniers mois à une forte pression sur le marché pétrolier. Mais la situation pourrait se dégrader dans ce domaine également, sans atteindre le même niveau que pour le gaz et l’électricité. En effet, de nombreux experts pensent que la modération des prix du pétrole est due en grande partie à la baisse de la demande de la Chine, d’abord à cause des arrêts de production de Covid, puis à cause des vagues de chaleur. Si la demande de la Chine augmente, les prix du pétrole augmenteront aussi. Et si cela ne se produit pas, les Saoudiens menacent de réduire la production.

Tenant compte d’un déficit démocratique notoire et du fait que les Européens sont plus enclins que les Américains à descendre dans la rue lorsque les choses vont mal, il n’est pas difficile d’imaginer que les syndicats et les consommateurs vont protester… D’autant plus qu’ils ont déjà prévu de le faire. Extrait du Guardian :

La Grande-Bretagne est confrontée à une vague d’actions industrielles coordonnées par les syndicats en grève cet automne pour protester contre l’escalade de la crise du coût de la vie, révèle l’Observer.

Une série de motions déposées par les plus grands syndicats du pays avant le Congrès des Syndicats (TUC) le mois prochain exige qu’ils travaillent en étroite collaboration pour maximiser leur impact et “gagner” la lutte pour des augmentations de salaire liées à l’inflation.

Cette initiative, à laquelle participent les deux plus grands syndicats, Unison et Unite, intervient dans un contexte de colère croissante face à l’incapacité du gouvernement à convenir d’un ensemble détaillé de mesures d’aide aux familles après l’annonce, vendredi, d’une augmentation de 80 % des factures moyennes de gaz et d’électricité.

Bien qu’une action coordonnée ne soit pas une “grève générale”, comme le proposent certains dirigeants syndicaux, la motion d’Unite donnerait au TUC la tâche de s’assurer que les débrayages soient synchronisés ou délibérément échelonnés pour avoir le plus grand impact possible.

Si la part des bénéfices des entreprises britanniques en pourcentage du PIB est comparable à celle des États-Unis, elles disposent d’une certaine marge de manœuvre pour augmenter les niveaux de rémunération sans augmenter les prix ou réduire la production. Mais étant donné les opinions néolibérales profondément ancrées et l’absence d’un gouvernement prêt à intimider les PDG pour qu’ils vivent avec moins (en commençant par réduire les salaires et les primes des dirigeants), nous risquons plutôt d’assister à des jérémiades et à une augmentation des prix.

Si les actions syndicales se généralisent en Europe, attendez-vous à une nouvelle version de la lamentation capitaliste qui avait marqué le début des années 70 aux États-Unis et selon laquelle les syndicats sont devenus “ingérables”.

Mais plus sérieusement, les entreprises et les ménages ne peuvent tout simplement pas supporter des augmentations de coûts énergétiques aussi élevées, surtout en hiver.

La réalité est que la coupure l’approvisionnement russe ne peut pas être corrigée par des dépenses budgétaires. L’intervention des pouvoirs publics ne peut rendre la situation moins douloureuse qu’à la marge. Il s’agit d’un problème d’économie réelle et il ne peut être résolu que dans l’économie réelle, soit en récupérant une grande partie de l’énergie russe, soit en trouvant de nouvelles sources d’énergie. Nous savons à quel point cette dernière solution a peu des chances de réussir. Le Premier ministre belge a ainsi été assez courageux pour dire tout haut ce qui est pensé tout bas, à savoir que la crise énergétique en Europe pourrait durer dix ans.

En théorie, l’UE pourrait essayer de se rattraper auprès de la Russie. Mais le temps pour cela est passé. Pas seulement parce que trop d’acteurs clés en Europe – comme Ursula von der Leyen et Robert Habeck – sont allés trop loin pour reculer dans la haine de la Russie. Et de toute façon, même s’il devait y avoir du sang dans les rues en décembre, ces responsables ne seraient pas chassés assez rapidement.

Le problème est surtout que l’Europe a fait sauter ses ponts avec la Russie, au-delà des seules sanctions. À plusieurs reprises, Poutine a offert à l’UE la possibilité d’utiliser Nord Stream 2. Même si la Russie n’utilise plus que la moitié de sa capacité, elle pourrait toujours se substituer entièrement aux anciennes livraisons de Nord Stream 1. Poutine a toutefois prévenu que cette option ne resterait pas ouverte très longtemps et que la Russie commencerait à utiliser le volume restant.

Poutine est sans doute plus enclin à la modération que beaucoup d’autres au sein du leadership russe. Mais il semble désormais politiquement intenable pour lui d’accepter de laisser l’Europe utiliser le Nord Stream 2 – en imaginant qu’il serait toujours disposé à le faire. Tout d’abord, la plupart de ceux qui ont plaidé la mise en service de Nord Stream 2 ont fait preuve de mauvaise foi, suggérant de remplir les installations de stockage de gaz de l’UE pour ensuite contester les paiements.

Il faut savoir que les installations de stockage de gaz de l’UE sont destinées à servir de complément. Elles ne peuvent pas contenir une année complète d’approvisionnement. Cette idée n’est donc qu’un pis-aller… qui montre que ses partisans ne savent rien faire à plusieurs niveaux. Par ailleurs, si l’on met de côté ce petit problème de l’UE, l’intérêt pour la Russie d’ouvrir le Nord Stream 2 serait de rétablir ses relations économiques avec l’Europe. Or, la position de l’Europe est qu’elle pense toujours que la Russie doit se plier aux intérêts européens, au lieu de traiter sur la base d’un bénéfice mutuel.

Deuxièmement, le déferlement de haine des Européens ordinaires à l’encontre de la Russie, comme en témoigne le boycott d’artistes et d’athlètes russes, et même la suppression de compositions russes dans des symphonies, a conduit de nombreux Russes à souhaiter bon débarras à l’Europe.

Troisièmement, alors même que la perte de l’énergie russe devient de plus en plus douloureuse, les dirigeants européens sont déterminés à continuer de punir la Russie, même si aucun des coups portés jusqu’à maintenant n’a été suffisamment. Ils discutent actuellement d’une septième série de sanctions. Les pays baltes ont fait pression pour que l’UE suive l’Estonie et cesse de délivrer des visas Schengen aux Russes. Si les Russes ne peuvent plus recevoir de visas Schengen, ils devront obtenir un visa pour chaque visite, et je comprends qu’il ne s’agit pas d’un visa de 90 jours, mais d’un visa qui spécifie l’heure d’entrée et de sortie.

Toutefois, la Commission européenne a déclaré que l’UE ne pouvait pas interrompre la délivrance de visas Schengen, mais que les États membres pouvaient le faire individuellement. J’ai l’impression que le fait que cette idée n’ait été dénoncée par aucun Européen de premier plan (même si c’est sous prétexte de saper Schengen et donc l’UE) n’est pas passé inaperçu en Russie.

L’issue semble donc inévitable : de nombreuses entreprises européennes feront faillite, ce qui entraînera des pertes d’emplois, des défauts de remboursement de prêts aux entreprises, des pertes de recettes publiques, des saisies. Et comme les gouvernements pensent qu’ils ont peut-être dépensé un peu trop généreusement avec les aides covid, leur approvisionnement d’urgence en énergie sera trop faible pour faire une grande différence.

À un moment donné, la contraction économique conduira à une crise financière. Autant une perte de confiance (justifiée) que des pertes et des défauts de paiement réels à ce jour pourraient conduire à un flux descendant suffisamment rapide.

Si la crise de septembre et octobre 2008 a été à ce point cataclysmique, c’est parce qu’il s’agissait d’une crise des produits dérivés. Ces produits ont généré un effet de levier considérable sur les pires expositions aux subprimes de l’économie réelle. Et ils ont considérablement concentré ces risques dans des institutions d’importance systémique comme AIG, Citigroup et Eurobanks.

Votre serviteur n’a pas une bonne idée de la situation actuelle de l’effet de levier, supposé mais pas vraiment caché. Bien qu’il y ait eu énormément de spéculation dans le domaine des cryptomonnaies, jusqu’à présent, leur descente en flèche ne semble pas avoir causé beaucoup de dommages à l’infrastructure critique des paiements traditionnels (les liens avec les banques de l’économie réelle ne semblent pas très importants).

Cependant, une préoccupation de longue date est qu’après la crise, les produits dérivés n’ont pas été apprivoisés. Le remède facile et évident serait d’exiger des marges adéquates. Mais des marges suffisamment élevées rendent les produits dérivés peu attrayants pour la plupart des utilisateurs… Et ceux qui sont sous-évalués, c’est-à-dire subventionnés par le gouvernement, sont un centre de profit important pour les grandes sociétés financières. On ne peut pas jouer avec ça !

Les produits dérivés ont donc été en grande partie transférés vers des chambres de compensation centrales. Ces chambres de compensation ne sont pas soutenues, mais elles sont largement considérées comme des entités trop grandes pour faire faillite. Elles constituent donc un point de rupture possible en cas d’effondrement du système financier.

En d’autres termes, la trajectoire de l’Europe semble susceptible d’entraîner une accélération de mauvais résultats, d’abord dans l’économie réelle, puis rapidement dans l’économie financière.

Et il semble tout à fait plausible que le ralentissement devienne aigu avant que la Russie n’impose ses conditions à l’Ukraine ou que le conflit ne soit gelé, à la manière de la guerre de Corée.

Une dernière note joyeuse : si les choses se dégradent à ce point, il est difficile de voir les États-Unis (liens bancaires et chaîne d’approvisionnement) et la Chine (forte perte de la demande d’un client clé) en sortir indemnes.

 

Source originale: Naked Capitalism

Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

Notes:

[1] Certains, comme Scott Ritter, qui reconnaissent que la Russie est en train de gagner la guerre, soutiennent que ce serait quand même une défaite pour la Russie si elle ne l’emportait pas de manière décisive. Je ne sais pas trop à quoi cela ressemblerait, à moins que Ritter ne pense que le fait que la Russie ne s’empare pas de la partie occidentale de l’Ukraine équivaudrait à une défaite russe. Un changement de régime ou la “libération” des parties non russophones de l’Ukraine n’ont jamais été un objectif. Si la Russie prend la côte de la mer Noire, ce qui reste de l’Ukraine sera économiquement faible. Et Medvedev a laissé entendre que la Russie aimerait beaucoup voir l’Ukraine occidentale divisée. Mais je ne sais pas comment cela va se passer.

[2] C’est l’Europe qui a juré qu’elle se passerait de l’énergie russe d’ici l’hiver, sans mentionner que cela dépendait du remplissage complet de tous les stocks de gaz et que le robinet ne devrait pas être coupé avant l’automne. C’est déjà un comportement de “client infernal” : “Nous allons manquer à notre engagement de la manière qui nous convient le mieux et nous en vanter.”
Rappelons également qu’une partie de la perte d’approvisionnement de l’UE est due au fait que l’Ukraine a interrompu le transport par une ligne passant par Lougansk des semaines après que les séparatistes ont pris des territoires près d’une jonction stratégique, montrant ainsi que l’affirmation de l’Ukraine selon laquelle les séparatistes pourraient faire quelque chose de mal était inventée. Pourquoi ne pas attendre un incident pour priver l’Europe du gaz dont elle a besoin ? Mais personne, pas même un chroniqueur européen, n’a reproché aux Ukrainiens d’avoir pris une mesure préjudiciable à l’Europe.

L’approvisionnement de l’Europe a également diminué en raison du refus de la Pologne et de la Bulgarie de payer le gaz dans la monnaie contractuelle à la banque de Gazprom.

Rappelons également que l’Allemagne a volé les actifs de Gazprom Germania, mais que la Russie a riposté de justesse en sanctionnant les entités impliquées dans le vol (je n’ai encore vu aucune discussion sur cet impact…. la presse occidentale ne veut-elle pas l’admettre ?)

Quant au tollé provoqué par la réduction des expéditions sur Nord Stream 1, Poutine a proposé à plusieurs reprises de laisser l’UE utiliser Nord Stream 2. La Russie ne peut donc pas être accusée de refuser l’approvisionnement de l’Europe. Il s’agit de faire passer les egos institutionnels et personnels avant de servir le bien public.

[3] En France, il n’est pas déraisonnable de lier la crise énergétique au changement climatique, étant donné que dans l’équation, le facteur de l’eau complique le fonctionnement des réacteurs nucléaires.

[4] On peut supposer que cette pratique conduirait les compagnies d’électricité à devoir vendre de l’énergie en dessous du prix de revient… et qu’elles auraient donc besoin de subventions ou d’un éventuel renflouement. Cette réponse imposerait donc également des coûts fiscaux aux gouvernements. Et comme l’UE souffre déjà de l’inflation et a des règles budgétaires très strictes, il y aura beaucoup de réticence à sauver les gens en faisant exploser les budgets. L’UE pourrait recourir à davantage d’émissions d’euro-obligations, mais cela sera considéré comme inflationniste et pourrait affaiblir davantage l’euro…. ce qui entraînera une hausse des prix des matières premières et des importations. Il n’y a donc pas de solution miracle.

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