Les néoconservateurs veulent pousser Trump à attaquer l’Iran

Maintenant que les néoconservateurs ont apprivoisé le président Trump, ils sont prêts à remettre l’Iran en tête de liste dans leur planning des changements de régime, comme nous l’expose Jonathan Marshall.


Le recours de plus en plus important à la force militaire par l’administration Trump en Syrie, en Irak et au Yémen a donné aux néoconservateurs les arguments appropriés pour préparer la confrontation armée avec ce qu’ils considèrent comme la racine de tous les maux au Moyen-Orient : l’Iran.

Tous ces guerriers de salon applaudissaient la dernière décision de Trump de s’en prendre au régime d’Assad — et de Moscou — en larguant 59 missiles de croisière Tomahawk sur une base aérienne syrienne considérée comme point de départ d’une attaque aux armes chimiques. Mais ils veulent aller plus loin.

William Kristol, éditeur du « Weekly Standard » a tweeté : « Sanctionner Assad pour l’usage d’armes chimiques est une bonne chose ; le changement de régime en Iran est à ce prix. »

Kristol est le cofondateur de l’infâme « Project of the New American Century » de 1997 qui vise à « promouvoir l’hégémonie globale et la mise au défi de tous les régimes hostiles à nos intérêts et valeurs. » Cela a commencé avec leur lobbying pour le renversement de Saddam Hussein dès 1998, mais ils ont toujours eu l’Iran dans leur ligne de mire.

Avec Saddam mort et Assad dépouillé en Syrie de l’essentiel de ses pouvoirs, l’Iran est maintenant au centre des préoccupations des néoconservateurs. Kristol a joint son dernier tweet à un éditorial du Washington Post rédigé par deux avocats irréductibles de l’élimination des mollahs de Téhéran : Reuel Gerecht et Ray Takeyh.

Intitulé « Comment Trump peut contribuer à renverser le régime iranien », leur article demandait la dénonciation de l’accord nucléaire avec l’Iran afin d’allumer le volcan sous Téhéran et d’y mettre le régime en péril. La pièce maîtresse de leur étrange stratégie consiste à imaginer le peuple iranien trop heureux de voir les Etats-Unis imposer des sanctions à leur économie au nom des droits de l’homme.

Les détails de leur plan restaient imprécis, mais ils présumaient que les religieux au pouvoir seraient rapidement débordés par une rébellion populaire de dissidents iraniens. Surtout si les Etats-Unis envoyaient plus de troupes en Syrie et en Irak pour appuyer leur message.

Gerecht, un indécrottable néoconservateur, était directeur du « Project for a New American Century’s Middle East Initiative ». En 2001, il écrivait déjà : « Seule une guerre contre Saddam Hussein rétablira définitivement cette crainte qui protège les intérêts américains à l’extérieur et nos citoyens au pays. »

En 2002, il imaginait en outre qu’une invasion US de l’Irak provoquerait des émeutes en Iran sous forme de soulèvements dans les grandes villes que les forces antiémeutes du régime seraient incapables de maîtriser. Mais au lieu de cela, les interventions US eurent pour seul résultat l’installation contreproductive d’un régime pro-iranien à Bagdad.

L’Iran dans le nœud de vipère

Aujourd’hui, Gerecht est un membre important de la Foundation for Defense of Democracies. Ce think tank néoconservateur est voué à soutenir la guerre à l’islam militant en ciblant particulièrement l’Iran. Grassement financée par le magnat du jeu Sheldon Adelson, la fondation avait été créée à l’origine pour soutenir l’agenda des faucons durs d’Israël.

La fondation s’est battue avec l’énergie du désespoir contre l’accord nucléaire iranien dans la mesure où il laissait entrevoir un possible rapprochement entre Washington et Téhéran. Gerecht en particulier insistait pour que les Etats-Unis attaquent l’Iran plutôt que de suivre une ligne diplomatique. Il écrivait en 2010 : « J’ai écrit plus de 25.000 notes pour appeler au bombardement de l’Iran, au point que même ma mère trouvait que j’allais trop loin. »

Ray Tayekh, coéquipier de Gerecht, est un membre important du Council on Foreign Relations. Il a été brièvement conseiller pour l’Iran auprès de Dennis Ross du ministère des Affaires étrangères, durant le mandat de Hillary Clinton. Critique féroce de l’accord nucléaire, Tayekh a rejoint la Task Force pour l’Iran du très conservateur Jewish Institute for National Security Affairs qui se considère comme le groupe le plus influent sur les relations militaires israélo-étasuniennes. Tayekh a défendu le soutien sous toutes ses formes des dissidents iraniens : Kurdes, babouches, Arabes et autres groupes d’opposition combattant le régime.

La chute du régime iranien est l’objectif prioritaire du Premier ministre Netanyahu et de la droite israélienne. C’est la raison pour laquelle ils ont toujours écarté les avis des services d’intelligence israéliens concernant les avantages d’un accord sur le nucléaire avec l’Iran pour la sécurité d’Israël. En appelant leurs soutiens au Congrès à s’opposer à l’accord, ils visaient à anéantir toute chance de coopération entre les Etats-Unis et l’Iran.

Le sénateur Tom Cotton, républicain de l’Arkansas, disait naïvement : « L’objectif de notre politique doit être clair : un changement de régime en Iran. »

Aujourd’hui, la ligne dure de l’agenda Israël/Néocons reste soutenue par les faucons au Congrès. Ils y ont déposé des projets de loi dans les deux chambres pour relancer les sanctions économiques contre l’Iran en désignant une branche majeure de ses forces armées comme organisation terroriste. Si les choses devaient se passer ainsi, contre le vœu des autres signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, cela pourrait mettre à nouveau les Etats-Unis et l’Iran sur le pied de guerre.

L’équipe des faucons de Trump

Le président Trump ne risque guère de leur faire obstacle. Mettant de côté le rôle essentiel des États arabes dans le soutien aux groupes terroristes comme Al-Qaeda et Daesh, Trump a qualifié l’Iran de Numéro 1 des États terroristes. Et il avait prévenu au cours de sa campagne que si les navires iraniens patrouillant dans le Golfe persique adoptaient des comportements intolérables, il les ferait évacuer de ces eaux par la force.

Trump s’est entouré de fanatiques anti-Iraniens qui seront trop heureux de donner sa chance à une nouvelle guerre. Son premier conseiller à la sécurité nationale, le lieutenant-général à la retraite Michael Flynn, a publié en 2016 avec Michael Ledeen, proche des faucons israéliens et collègue de Gerecht à la Foundation for Defense of Democracy, un ouvrage intitulé « Comment nous pouvons gagner la guerre globale contre l’islam radical et ses alliés » et dans lequel l’Iran est présenté comme l’ennemi Numéro 1.

Même sans Flynn, il reste un tas de faucons. Lors d’une récente audition au Congrès, le général d’armée Joseph Votel, chef du commandement central US, a qualifié l’Iran de plus grande menace pour la stabilité du Moyen-Orient. Il a d’ailleurs déclaré: « Nous devons rechercher toutes les opportunités de déstabiliser l’Iran par des moyens militaires ou n’importe quel autre procédé ».

Le Secrétaire à la Défense, le général  James Mattis, a déclaré lors d’une conférence du Center for Strategic and International Studies  l’an dernier à Washington : « L’Iran n’est pas un État nation, c’est une cause révolutionnaire vouée à la pagaille. » Le New York Times a écrit que Mattis “était à ce point fanatisé sur l’Iran en tant que chef du Commandement Central  US de 2010 à 2013, que l’administration Obama avait écourté ses fonctions“.

Début février, Mattis a été à deux doigts de déclencher un acte de guerre contre l’Iran en arraisonnant un navire iranien afin de s’assurer qu’il ne transportait pas d’armes à destination des rebelles houti au Yémen. Un tel incident pouvait rapidement déclencher une escalade hors de tout contrôle si d’aventure l’Iran avait opté pour une rétorsion contre des navires US dans le Golfe persique.

Alternatives au conflit

Les Etats-Unis ont pourtant de meilleures options politiques que de persister à considérer l’Iran comme une composante de l’Axe du mal. Un rapport publié l’automne dernier par le conseil Irano-Américain suggérait que Washington capitalise sur le succès de l’accord nucléaire en impliquant l’Iran dans les accords de paix régionaux, facilitant ainsi une désescalade de la présence militaire US dans le Golfe persique et encourageant l’Iran et l’Arabie saoudite à résoudre leurs différends sans l’assistance des grandes puissances.

Ce rapport reprenait les suggestions d’un éminent néoconservateur hérétique, Zalmay Khalitzad, ancien ambassadeur U.S en Afghanistan et en Irak.

En tant que personne ayant négocié plus que toute autre avec l’Iran ces dernières années, déclarait Khalitzad l’an dernier, je ne suis pas d’accord avec ceux qui prétendent que toute forme de discussion avec l’Iran serait une sorte de capitulation. Je n’ai rien noté non plus, qui suggère qu’une mise à l’écart de Téhéran soit susceptible de l’orienter dans la bonne direction ni  qu’il soit impossible de parvenir à des accords win-win avec les Iraniens.”

Pointant la coopération iranienne avec les Etats-Unis contre Al-Qaeda après le 11 septembre et sa contribution à la conclusion de compromis politiques en Afghanistan et en Irak jusqu’à ce que l’administration Bush refuse de s’engager plus avant, Khalitzad écrivait : « Dans de bonnes conditions qui impliquent une approche volontariste et prudente dans le contrôle des ambitions iraniennes, Washington peut trouver des avantages en introduisant l’Iran dans des forums multilatéraux où les Etats-Unis et ses partenaires ont la possibilité d’arrondir les angles et d’établir des règles de résolution des conflits. En outre, nous n’avons guère d’autre choix que de partager avec l’Iran des objectifs plus larges dans la mesure où la création d’un nouvel ordre au Moyen-Orient dépend essentiellement de la rivalité entre l’Iran et ses voisins arabes sunnites. Si nous ne nous attaquons pas à cette tâche ajoute-t-il, les problèmes de la région – extrémisme, terrorisme et conflits locaux – continueront de déborder sur notre partie du monde, surtout si nos conceptions westphaliennes de l’État continuent de se déliter en structures  sectaires.”

 

Traduit de l’anglais par Oscar Grosjean pour Investig’Action.

Source originale: Consortiumnews

Source: Investig’Action

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