Les manifestations à Gaza montrent que la résistance pacifique vaincra

La résistance populaire pacifique n’a rien de nouveau pour le peuple palestinien. Elle a été employée au cours du célèbre mouvement de grève et de désobéissance civile de 1936 jusqu’à atteindre un niveau considérable durant la première intifada, ce qui forcera le gouvernement israélien à entamer des négociations avec les Palestiniens, même si les résultats de celles-ci seront perdus en raison des accords d’Oslo.

 

La nouvelle version plus développée de la résistance populaire pacifique a été initiée en 2002, après que l’armée israélienne a de nouveau envahi la Cisjordanie et entamé la construction du mur d’apartheid.
En réponse, nous avons organisé des manifestations pacifiques dans tous les villages que le mur affectait. De Budrus à Jayyous, de Bilin à Qalqilya, nous avons allumé une étincelle de résistance non-violente qui a commencé à attirer l’attention des jeunes Palestiniens du monde entier.

 

Changer l’équilibre du pouvoir

 

Au cours des 16 dernières années, l’idée d’une résistance pacifique comme la forme de lutte la plus efficace s’est insérée dans une stratégie plus large de l’Initiative nationale palestinienne. La stratégie se concentre sur le changement d’équilibre du pouvoir avec l’occupation israélienne à travers la résistance non-violente, parallèlement à la campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions), et sur la recherche d’une unité palestinienne interne.

Nous sommes passés de manifestations pacifiques, qui ont toujours trouvé en réponse une violence sévère de la part des troupes israéliennes, à l’envoi de petits bateaux afin de briser le blocus de Gaza. Ces bateaux ont défié la puissante marine israélienne d’une manière totalement pacifique, et ont réussi à atteindre Gaza quatre fois avant que le gouvernement israélien ne décide de détruire ou de stopper ceux qui étaient à bord.

Nous avons ensuite commencé à créer des villages palestiniens de résistance , symboliquement situés sur des terres menacées par les colons israéliens. À Ahfad Younes, al-Manateer et Ein Hijleh, les courageux et pacifiques manifestants palestiniens ont affronté des soldats israéliens jusqu’à ce qu’ils soient arrêtés ou déportés. Ces villages symboliques ont exposé les politiques de colonisation illégales comme jamais auparavant.

Le nouvel essor du mouvement de résistance populaire pacifique est apparu en juillet 2017 à Jérusalem, lorsque le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a imposé de nouvelles restrictions concernant l’accès à la mosquée Al-Aqsa.

 

Manifestations d’Al-Aqsa

 

Nous avons commencé avec des dizaines de personnes qui refusaient de traverser les barrières israéliennes et ont décidé de prier dans chaque espace libre autour de la mosquée. Il y en aurait bientôt des centaines, puis des milliers, et ensuite encore des dizaines de milliers de Palestiniens musulmans ou chrétiens qui ont décidé ensemble d’utiliser la prière comme moyen de résistance.

Quand il s’est aperçu que la zone autour du complexe d’Al-Aqsa s’était transformée en une nouvelle place Tahrir, Netanyahou a annulé ses mesures et a cédé à la résistance populaire. Au cours des 10 dernières années, nous avons maintenu un dialogue nourri avec toutes les parties palestiniennes, Hamas inclus, sur l’efficacité de la résistance pacifique. Il y a eu des moments où d’aucuns ont considéré notre lutte comme étant trop douce. Mais l’impact des manifestations en Cisjordanie, qui ont permis de faire reculer le mur à bien des endroits, ainsi que le succès des flottilles de Gaza, la montée du mouvement BDS et la réussite de la résistance pacifique à Jérusalem, ont eu une grande influence sur de nombreux groupes, dont le Hamas et le Jihad islamique.

La Grande marche du retour à Gaza, ainsi que les manifestations en Cisjordanie et à Jérusalem contre la décision de Trump de transférer l’ambassade étasunienne marquant ainsi le 70ème anniversaire de la Nakba, ont été un tournant dans la lutte palestinienne.

 

Exigence d’un droit au retour

 

Le monde a été surpris de voir des dizaines de milliers d’hommes, femmes, jeunes et anciens défiler pacifiquement à Gaza, exigeant leur droit au retour et la suppression de ce siège horrible et inhumain qu’Israël impose à Gaza depuis plus d’une décennie.

Pendant des années, j’ai rencontré des ministres des Affaires étrangères, des premiers ministres et des chefs d’État ainsi que de nombreux journalistes étrangers, et la majorité d’entre eux me posent la même question : pourquoi les Palestiniens ne prennent-ils pas exemple sur Gandhi et Martin Luther King et ne défilent-ils pas sur des dizaines de milliers de kilomètres contre l’occupation israélienne ?

Eh bien, nous l’avons fait. Aujourd’hui, tous les partis palestiniens acceptent et promeuvent la résistance populaire pacifique comme la forme de lutte la meilleure et la plus efficace. Au cours des huit dernières semaines, nous avons dû payer un lourd tribut, avec la perte de 110 Palestiniens innocents, assassinés par l’armée israélienne, auxquels s’ajoutent 12 000 blessés. Ceux qui ont été assassinés et blessés étaient des civils, parmi lesquels se trouvaient des enfants, des femmes, des femmes, des journalistes et du personnel médical.

La fin de l’occupation ?

 

Parmi les blessés, au moins 2 000 ont été touchés par des balles explosives létales. Beaucoup ont perdu leurs jambes ou bras, dont un cycliste qui s’apprêtait à participer à une compétition mondiale. Il ne peut plus faire de vélo car sa jambe a été amputée.

Israël s’est montré être un État oppresseur et cruel qui viole les lois internationales en utilisant des balles létales, à haute vitesse, contre les manifestants pacifiques, mais il n’a pas encore été puni grâce à la protection injuste qu’il reçoit de l’administration étasunienne du président Donald Trump.

Nous savons qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais peut-être que grâce à la résurgence de notre stratégie de résistance pacifique, nous sommes en train de vivre le début de la fin d’une occupation et d’un système d’apartheid que l’État d’Israël a créés.

 

Traduit de l’anglais par Rémi Gromelle pour Investig’Action

Source : Middle East Eye

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