Les Gilets jaunes rejoignent l’appel à la grève générale du 5 décembre

La quatrième édition de l’Assemblée des Assemblées, grand rassemblement des Gilets jaunes de toute la France, s’est tenue à Montpellier. L’occasion de faire le point sur les forces du mouvement, de préparer l’anniversaire du 16 et 17 novembre et de penser l’avenir. Un appel à rejoindre la grève générale du 5 décembre a également été lancé.


« On a eu quelques couacs hier, mais aujourd’hui tout va bien. On peut désormais se mettre en marche ». A l’évocation du parti du président de la République, une salve de huées enflamme les Gilets jaunes installés dans la salle. Ils n’ont rien perdu de leur humour ni de leur fougue pour cette quatrième édition de l’Assemblée des Assemblées, qui s’est tenue pendant trois jours à Montpellier, au sein de l’Agropolis, un ancien musée de l’agriculture. Un lieu qu’ils ont dû se résoudre à squatter. « On a tenté de faire les démarches dans la légalité, mais ça n’a pas marché », déplore un organisateur. C’est donc dans cet immense bâtiment, surnommé La Soucoupe, que près de 500 personnes pour 200 délégations venant de toute la France se sont réunies afin de débattre. De quoi clouer le bec à ceux qui annoncent régulièrement la mort d’un mouvement qui se prépare à célébrer son premier anniversaire les 16 et 17 novembre prochains.

L’organisation de l’événement s’est affinée au fil des éditions, dont la dernière s’est tenue à Montceau-les-Mines en juillet. On tente désormais de donner plus de temps aux débats, de faire des restitutions d’ateliers plus fidèles et d’éviter les discussions stratégiques le dimanche après-midi. Pour être efficace, les participants ont travaillé en « marguerites » : des groupes d’une dizaine de personnes maximum qui échangent en auto-gestion. Les conclusions de ces groupes sont ensuite présentées en séance plénière. Un système qui n’a pas empêché des frustrations de certains particulièrement exaltés ; il n’est pas toujours facile de cadrer des Gilets jaunes qui ont parfois traversé toute la France pour venir échanger des idées.

Renouer le lien avec la population

Sept thématiques ont été soumises aux participants. La plus plébiscitée : comment retrouver un lien avec la population. Car les Gilets jaunes ne sont pas naïfs, bien conscients que leurs ronds-points se sont dépeuplés et que leurs manifestations se sont essoufflées. « Les gens vont moins en manif car ils ont peur de la répression », explique Mathieu, dessinateur et collaborateur à la gazette Nous Sommes Gilets Jaunes de Montpellier. Il est d’ailleurs sous le coup d’une interdiction de manifestation, ce qui ne l’empêche pas de poursuivre son engagement militant : « Il faut éveiller les consciences et organiser des débats citoyens ».

Chris, de Dannemarie : « Beaucoup de citoyens sont conscients, mais n’agissent pas ».

 

Faire de l’éducation populaire pour renouer le lien est l’une des pistes souvent évoqué lors des débats. Une idée plébiscitée par les Gilets jaunes de Dannemarie (Haut-Rhin) : « Les gens ne sont pas toujours rassurés de venir nous voir dans une cabane. Alors, on a eu l’idée de monter une association, qui s’appelle Espérance citoyenne, notamment pour organiser des cafés citoyens. Bien sûr, quelques membres de notre groupe n’étaient pas d’accord et voulaient reconstruire une cabane. Mais l’un n’empêche pas l’autre. Ce café citoyen est un moyen d’ouvrir les yeux aux gens pour en faire des futurs Gilets jaunes. Car beaucoup sont conscients mais n’agissent pas », dit Chris, de Dannemarie. Cette volonté d’ouverture traduit un réel besoin de dépasser les limites et le cadre du mouvement, comme l’analyse Franck Bernard, un Gilet jaune de Montpellier, qui fait partie de l’équipe organisatrice de l’Assemblée des assemblées : « Une réelle conscientisation s’est opérée pendant cette année. Beaucoup sont sortis de leur torpeur. Je pense même que nous sommes un outil de ’dé-lepénisation’ des masses ».

La délicate collaboration avec les syndicats

Muriel, adhérente à Force ouvrière : « Gilets jaunes et syndicats, on a les mêmes revendications ».

 

Autre sujet largement débattu pendant cet événement : la collaboration avec d’autres mouvements, notamment les organisations de travailleurs. « C’est sûr que les syndicats ne nous aiment pas », peut-on entendre dans les tables rondes. « Il faut travailler avec la base, avec les syndiqués et pas avec les dirigeants syndicaux », rétorque un participant. Pas facile de se faire accepter avec son gilet, même lorsqu’on vient donner un coup de main pour un blocage ou une mobilisation. Un mépris que tente d’expliquer Muriel, Gilet jaune et adhérente de Force Ouvrière. « Un Gilet jaune qui ne connaît rien aux syndicats ne va pas trouver facilement le bon interlocuteur, car c’est un milieu assez fermé et la convergence peine à se faire. Pourtant, on a les mêmes revendications. D’ailleurs, pour beaucoup de syndiqués, ça les arrange d’avoir les Gilets jaunes criant ’Macron démission’ dans les cortèges, car eux ne peuvent pas le faire ».

Avec les écolos, « je t’aime moi non plus »

Si les relations avec les syndicats demeurent compliquées, celles avec les écologistes ne sont pas toujours au beau fixe. « On se fait jeter de partout. Même quand on a fait une manifestation avec des écolos, il y a des gens qui nous disent ’pas de Gilets jaunes’. Il est vrai qu’à chaque fois qu’on est là, il y a du gaz lacrymo » remarque Marie*, Gilet jaune de Gignac (Hérault).

Pas très loin d’elle, dans la grande salle où se déroule l’assemblée générale, Edwige a dessiné un sablier sur son gilet jaune. Est-elle membre d’Extinction Rebellion, dont le logo est aussi un sablier « Certainement pas ! » s’exclame cette fringante quinquagénaire. « C’est le symbole d’un collectif d’artistes Gilets jaunes ». Militante à Paris, elle a participé à plusieurs actions organisées par Extinction Rebellion, notamment l’occupation de la place du Châtelet« Vous ne trouvez pas ça étrange qu’ils aient réussi à rester sans se faire expulser ? Remarquez, ça nous a bien servi. Grâce eux, nous avons pu construire une cabane sur la place sans se faire jeter. »

Pour comprendre les origines de cette jeune organisation, elle a lu leur livre : This Not a Drill (non traduit en français)« Dès la seconde page, j’ai trouvé que leurs idées étaient un peu nationalistes. Je crains que leur idéologie de bisounours n’efface les vrais problèmes. Mais bon, la plupart sont jeunes et c’est leur première action. Quand tu n’y connais rien, c’est attirant, XR. Car tu ne veux pas faire partie des gens qu’on rejette, des gens qu’on tape ».

Comment éviter la division

Accusés d’être subventionnés par des milliardaires étrangers, notamment Georges Soros, les militants d’XR catalysent beaucoup de critiques, parfois sans réels fondements. « Certains voient d’un bon œil cette nouvelle composante de la lutte Mais d’autres se demandent si ce n’est pas un mouvement fabriqué pour tuer les Gilets jaunes. Car ce ne sont pas des ’gueux’ qui attaquent l’oligarchie et donc, ils font moins peur. Mais quand on les rencontre, on voit que ce sont des jeunes qui ne demandent qu’à s’éveiller à la politique. C’est peut-être à nous de le faire », analyse Ludo, qui a lancé Sanglier Jaune, une chaîne youtube d’information sur les Gilets jaunes. Cependant, beaucoup estiment qu’il faut absolument éviter de tomber dans le piège de la division : « Séparer les écolos et les Gilets jaunes, c’est faire le jeu de Macron. Le salut viendra de la coopération entre les différentes sensibilités. On n’est pas obligés de s’aimer mais il faut respecter les autres stratégies », dit Franck Bernard, l’un des organisateurs de l’Assemblée des assemblées.

Un portrait de Macron face aux Gilets jaunes

Les décrocheurs de portraits de Macron sont venus expliquer leur démarche.

 

Dans la cour intérieure du bâtiment, aux murs remplis de tags colorés, un cercle de Gilets jaunes s’est formé autour des décrocheurs de portraits, venus expliquer leur démarche. Soudain, au milieu des chants, un Gilet jaune lance une pierre en direction du tableau. Cette réaction épidermique a provoqué la stupeur des décrocheurs. « J’ai discuté avec lui par la suite. Il a tenté de justifier son geste. Mais d’autres sont venus pour s’excuser », dit Lewis, membre de l’équipe a qui a décroché ce portrait à Montpellier le 15 juillet dernier. Lewis a écopé de 29 heures de garde à vue et d’une perquisition. Le jeune homme n’est pas membre d’ANV Cop 21, l’organisation à l’origine de cette action. Mais il a accepté d’en respecter les règles, notamment celle de la non-violence.

La non-violence reste un point de cristallisation dans plusieurs échanges à propos du mouvement climat. « C’est un faux débat et c’est bien ressorti dans les échanges ici. Les gens savent que c’est le discours dominant qui impose cela. Il faut sortir de la question de violence non-violence », assure Léa*, membre d’ANV et Gilet jaune de Montpellier. Sarah*, sa camarade, estime que l’écologie sous-tend l’ensemble des discussions : « Tant qu’on parle d’anti-capitalisme, qu’on est contre ce système économique mortifère, on est tous des frères et des sœurs de lutte. C’est pour ça que je suis là ». Tous les trois croient que le mouvement écolo a toute sa place ici car « les Gilets jaunes sont la vraie convergence ».

La convergence, ce serpent de mer des mouvements sociaux, était dans toutes les bouches au cours du week-end. Pour tenter de la faire progresser, les participants à l’Assemblée des Assemblées ont appelé à rejoindre la grande grève générale lancée par les syndicats le 5 décembre prochain. « Il faut profiter de ce moment pour générer un mouvement populaire de masse et une grève reconductible. Et ainsi pouvoir repartir comme en 14 ! »

*Certains participants et participantes, par peur de la répression, ont préféré changer leur prénom.

 

SOURCE: Reporterre

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