Les États-Unis utilisent les droits de l’homme comme une arme contre des pays tels que la Chine

L’intérêt grandissant de Washington pour le Xinjiang ne témoigne pas d’une préoccupation pour les musulmans et les droits de l’homme, explique Caitlin Johnstone. Si les États-Unis se souciaient du bien-être des musulmans, ils n’auraient pas mis le Moyen-Orient à feu et à sang. Quant à aux droits de l’homme, la question est soigneusement écartée lorsqu’elle touche des dictatures alliées de l’Empire US. C’est d’ailleurs une recommandation d’un mémo du Département d’État. (IGA)


Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et le Canada ont simultanément enclenché de nouvelles sanctions contre les responsables chinois. Ça nous rappelle tout d’abord que ces pays fonctionnent toujours comme les États membres d’un seul et même empire en matière de politique étrangère. Mais aussi que l’administration Biden reprend le bellicisme antichinois là où l’administration Trump l’avait laissé.

À la base de ces sanctions, on retrouve des accusations de violations des “droits de l’homme” dans la province du Xinjiang, comme l’explique le secrétaire d’État US, Tony Blinken:

Dans un contexte de condamnation internationale grandissante, la RPC continue de commettre un génocide et des crimes contre l’humanité au Xinjiang. Les États-Unis réitèrent leurs appels à la RPC pour qu’elle mette fin à la répression des Ouïghours, majoritairement musulmans, ainsi que des membres d’autres groupes ethniques et religieux minoritaires du Xinjiang, notamment en libérant tous ces personnes détenues arbitrairement dans des camps d’internement et des centres de détention.

Les allégations de Blinken ne sont pas fondées, comme l’ont démontré cet article récent de The Grayzone et cette vidéo complète de la chaîne Youtube Bay Area 415. Il est tout à fait possible que des violations des droits de l’homme puissent se produire au Xinjiang sous une certaine forme et dans une certaine mesure. Mais dans les accusations occidentales de “génocide” et de “crimes contre l’humanité”, l’extrême fragilité des preuves présentées jusqu’à présent et leur manipulation manifeste devraient éveiller l’incrédulité de quiconque se souvient de la préparation de l’invasion de l’Irak. La seule réponse sensée aux affirmations infondées de menteurs notoirement connus est le scepticisme et l’agnosticisme jusqu’à ce que l’on nous présente des preuves qui atteignent le niveau requis dans ce monde post-invasion de l’Irak.

Les considérations émises par le chef du département d’État semblent encore plus décalées lorsque nous nous souvenons de cette note du même département d’État divulguée en 2017. Elle confirme que les États-Unis ont une stratégie permanente consistant à utiliser les accusations de violations des droits de l’homme comme une matraque contre des pays tels que la Chine, tout en ignorant des violations reconnues des droits de l’homme dans des pays alliés de l’Empire comme l’Égypte ou l’Arabie saoudite.

En décembre 2017 en effet, Politico a publié une note interne. Elle avait été envoyée au mois de mai par le virulent néoconservateur Brian Hook au secrétaire d’État de l’époque, Rex Tillerson. Ce mémo offrait un aperçu instructif de ce à quoi ressemble un vieux monstre des marécages lorsqu’il guide un néophyte de la politique entre les rouages de la mécanique de l’Empire. Hook explique que les “droits de l’homme” ne sont qu’un outil à exploiter pour faire avancer les objectifs d’hégémonie US, comme un vieux vétéran expliquerait la trame de fond au jeune premier dans l’épisode pilote d’une nouvelle série.

Avec des alliés américains tels que l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Philippines, il est tout à fait justifié que l’administration mette l’accent sur de bonnes relations pour diverses raisons importantes, notamment la lutte contre le terrorisme, tout en faisant face honnêtement à de difficiles compromis sur les droits de l’homme“, explique Hook dans le mémo.

Une ligne directrice utile pour une politique étrangère réaliste et réussie, c’est que les alliés doivent être traités différemment – et mieux – que les adversaires“, poursuit Hook. “Nous ne cherchons pas à soutenir les adversaires de l’Amérique à l’étranger; nous cherchons à les mettre sous pression, à les concurrencer et à déjouer leurs plans. Pour cette raison, nous devrions considérer les droits de l’homme comme une question importante dans les relations des États-Unis avec la Chine, la Russie, la Corée du Nord et l’Iran. Et ce n’est pas seulement à cause d’un souci moral relatif aux pratiques internes de ces pays. C’est aussi parce que faire pression sur ces régimes avec les droits de l’homme est un moyen de leur imposer des coûts, de leur mettre la pression et de leur reprendre la main de manière stratégique.

Un rapide coup d’œil aux actions US dans le Moyen-Orient aurait déjà pu mettre la puce à l’oreille. Mais au cas où ça ne l’était pas avant, il apparait très clairement que l’Empire US simule sa préoccupation pour le bien-être des musulmans. Ni Washington ni ses États vassaux n’ont d’intérêts à protéger ceux des Ouïghours au Xinjiang. Comme l’a dit Brian Hook, ils n’utilisent ce récit que pour “imposer des coûts, mettre la pression et reprendre la main de manière stratégique.” Voilà exactement ce qu’une campagne internationale de sanctions qui s’intensifie régulièrement permet d’accomplir.

Les États-Unis et leurs alliés donnent l’illusion d’avoir vu des preuves de génocide et de crimes contre l’humanité et font croire qu’ils prennent des sanctions contre la Chine pour faire respecter les droits de l’homme. La réalité est que des actions contre la Chine étaient déjà planifiées et qu’un récit a été utilisé pour les justifier.

Pendant ce temps, nous, gens ordinaires, regardons deux pays dotés d’armes nucléaires hausser le ton l’un contre l’autre avec une agressivité croissante. Les escalades contre la Russie compliquent encore la donne. Ce flirt incroyablement dangereux avec l’impensable est la chose la plus importante qui se passe dans notre monde. Et nous devrions tous nous y opposer bec et ongle.

Vous n’avez pas besoin de croire que le gouvernement chinois est dirigé par une bande de saints pour comprendre que ces affrontements entre grandes puissances ne servent personne et menacent tout le monde – économiquement, politiquement et existentiellement. Aucune raison légitime ne nous empêche de commencer tous à collaborer pour le bien de l’humanité, plutôt que de brandir les uns contre les autres des armes apocalyptiques avec une insouciance croissance, et tout ça au nom d’une hégémonie unipolaire.

 

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Source originale: Le blog de Caitlin Johnstone

Traduit de l’anglais par Investig’Action

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