Les Conservateurs sont responsables de l’effondrement des services publics au Royaume-Uni

Grâce à plus d’une décennie d’austérité imposée par les conservateurs, les services publics britanniques sont à bout de souffle. Les travailleurs du secteur public se mettent en grève pour sauver les biens publics du pays d’un dangereux sous-financement.

L’enquête menée cette année auprès du personnel du NHS [National Health Service, Service national de la Santé, NdT] a révélé que seulement 21 % des infirmières estimaient qu’il y avait suffisamment de personnel pour qu’elles puissent faire leur travail correctement. (EMILY KASK/AFP via Getty Images)

Ces dernières semaines, les ministres du gouvernement et les experts des médias se sont montrés désespérés et ont sorti les arguments les plus absurdes sur les travailleurs du secteur public qui font grève pour obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions. Pour Nadhim Zahawi, l’homme qui a réclamé 5 822 £ de frais pour chauffer les écuries de sa résidence secondaire et a reçu 1,3 million de livres Sterling d’une compagnie pétrolière alors qu’il était député, les infirmières qui réclament plus que la compensation de leur baisse de salaire en termes réels font le jeu de Vladimir Poutine et de son plan pour diviser l’Occident. Ses collègues du cabinet ont eu tendance à s’en tenir aux chemins les plus fréquentés, s’en prenant plutôt à ceux qui sont en première ligne de la santé publique pour avoir mis des vies en danger en menant des actions syndicales.

Le gouvernement nous présente une fausse dichotomie : les travailleurs du secteur public peuvent soit accepter une réduction de salaire et retourner au travail pour sauver des vies dans un système qui fonctionne, soit être cupides, abandonner le public et faire grève. Mais avancer cet argument revient à déformer intentionnellement le lien entre les mauvaises conditions salariales et la sécurité publique. Le désespoir de l’establishment à déstabiliser les travailleurs et d’écraser les syndicats qui les représentent n’est rien en comparaison du désespoir des infirmières, des ambulanciers et des pompiers – entre autres – face à l’état de leurs services après une décennie de luttes. Et face à un gouvernement qui refuse d’écouter, la grève est leur dernier recours.

La crise du recrutement et de la fidélisation au sein du National Health Service (NHS) en est un bon exemple. Plus d’une décennie de baisses de salaire en termes réels et de charges de travail croissantes a conduit à un exode auto-entretenu des infirmières : au cours de l’année précédant juin 2022, l’équivalent d’une sur neuf a quitté le NHS. En conséquence, les services manquent dangereusement de personnel, et ceux qui restent sont épuisés et, s’ils sont encore en formation, on attend souvent d’eux qu’ils exercent au-dessus de leur niveau de compétence, ce qui les pousse à partir à leur tour. L’enquête menée cette année auprès du personnel du NHS a révélé que seulement 21 % des infirmières estimaient qu’il y avait suffisamment de personnel pour qu’elles puissent faire leur travail correctement. En d’autres termes, la situation n’est déjà pas sûre, et seule l’amélioration des salaires et des conditions de travail peut y remédier.

Des situations identiques se reproduisent dans l’ensemble du NHS. Les médias sont inondés d’histoires de personnes désespérées qui attendent six, huit, vingt-quatre, voire quarante heures avant qu’une ambulance ne les rejoigne, parfois pour devoir attendre à nouveau à l’arrière de cette ambulance pendant un temps similaire. Une étude de la British Heart Foundation a révélé que le délai moyen d’intervention des ambulances en cas de suspicion de crise cardiaque est passé à 48 minutes en Angleterre, alors que l’objectif est de 18 minutes, et associe ce phénomène, ainsi que l’inaccessibilité des soins et l’allongement des listes d’attente, à une « poussée continue » de la surmortalité. Un rapport publié en novembre a révélé que 160 000 personnes de plus par an sont mises en danger parce que leur ambulance ne peut les déposer dans un hôpital disposant de suffisamment de personnel ou de lits. Une enquête menée par le GMB auprès des ambulanciers [un syndicat, NdT] cet été a révélé qu’un tiers d’entre eux avaient été témoins de cas où le décès d’un patient était lié à un retard.

Les ministres du gouvernement peuvent parler des vies qui seront mises en danger lorsque les travailleurs du NHS se mettront en grève, mais ce sont leurs décisions qui ont laissé le pays dans une situation où les services sont si tendus et les travailleurs si épuisés que des gens perdent la vie de toute façon. Pour les travailleurs du NHS, il ne s’agit pas de choisir entre le fonctionnement d’un service et la grève – il s’agit de choisir entre soutenir un service étranglé et essayer de faire quelque chose pour le changer.

Il en va de même pour les autres emplois du secteur public. Les ministres et les journaux à sensation peuvent tenter de caricaturer Mick Lynch en Grinch à propos des grèves, mais ce sont leurs actions et celles de leurs amis des entreprises qui font que, au cours des cinq dernières années, 674 452 dessertes ferroviaires ont été supprimés des horaires – réduisant l’offre de l’équivalent de 36 jours de grève non-stop – et qu’au cours des dix dernières années, les tarifs ont augmenté deux fois plus vite que les salaires.

Non seulement les services ne sont plus fiables pour le public, mais leur coût est souvent prohibitif, alors que le financement du rail par les contribuables a plus que doublé en termes réels depuis la privatisation. Le RMT [Rail, Maritime and Transport Workers, principal syndicat dans les transports, NdT] s’oppose à la fois à une réduction des salaires en termes réels et à une réduction conditionnée par une série d’autres évolutions – comme la fermeture des guichets et un programme de licenciement massif – qui rendraient ce réseau ferroviaire déjà malmené encore plus difficile pour les passagers.

Les ministres parlent aussi d’une grève potentielle des pompiers qui mettrait des vies en danger, mais ce sont leurs décisions qui ont vu le financement central des services d’incendie en Angleterre s’effondrer de 40 % en termes réels depuis 2010, et un emploi de pompier sur cinq être supprimé. L’austérité, ainsi que des décennies de déréglementation de la construction, ont été citées pour leur rôle dans la mort de soixante-douze personnes dans la tour Grenfell. Comme l’a récemment déclaré Matt Wrack, secrétaire général du Fire Brigades Union [syndicat des pompiers, NdT], « Nous avions prévenu que quelque chose de terrible pourrait se produire, et c’est ce qui s’est passé. » Les bâtiments du pays étant toujours recouverts de revêtements inflammables, ajoute-t-il, « Nous nous en sortons à peine. »

Les titres se succèdent dans les médias pour avertir que les grèves dans le NHS et ailleurs pourraient entraîner des pertes de vies humaines. La réalité est que des vies sont inutilement perdues chaque jour dans la Grande-Bretagne des conservateurs. Au-delà du saccage des services d’urgence, les Tories ont présidé à une situation où la pauvreté croissante signifie que l’espérance de vie dans son ensemble a stagné avant la pandémie, et dans certains cas a diminué. C’est leur programme d’austérité – en cours de relance – qui a été lié à 330 000 décès supplémentaires, et leur ancien chef qui a annoncé, face à un virus prospérant dans les interstices laissés par leurs coupes, que nous devrions « laisser les corps s’empiler ».

Alors que des millions de personnes luttent pour chauffer leur maison et mettre de la nourriture sur la table à Noël, ils veulent maintenant nous dire que ce sont les travailleurs – qui tentent de sauver les services qu’ils ont décimés – qui sont responsables de notre insécurité. Ne les laissez pas renverser la situation.

Contributeurs

Taj Ali est un journaliste indépendant. Son travail a été publié dans le Huffington Post, Metro et The Independent.

Francesca Newton est rédactrice en ligne à Tribune.

Source : Jacobin Mag, Taj Ali, Francesca Newton, 12-12-2022

Traduction Les-Crises

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