Les 7 leçons de la Covid appliquées au Québec

A partir d’une grande enquête sur la pandémie de Covid-19, Michel Collon a soulevé dans Planète Malade, 7 leçons à tirer de la Covid. Ces leçons permettent une réflexion sur les manières d’affronter une pandémie, sur les approches efficaces et inefficaces. Elles permettent également de réfléchir plus largement sur notre système économique et l’approche en santé dans ce système. Le constat de cette enquête révèle les failles d’un modèle qui s’applique également au Québec, avec ses particularités. Alors que la pandémie semble toucher à sa fin au Québec, avec une vaccination efficace et une baisse importante de la contamination, pourquoi parler des leçons à tirer de la Covid ? Parce que la pandémie frappe toujours plusieurs pays. Parce que le personnel soignant réclame toujours des mesures pour améliorer les conditions de travail et la qualité des soins de santé et que rien n’indique des changements majeurs en santé. Parce que les scientifiques prévoient d’autres pandémies. Et parce que les bouleversements climatiques représentent un défi sanitaire face auquel il faudra se montrer à la hauteur.

 

Leçon 1 : Comment certains pays s’en sont-ils mieux sortis ?

En date du 1er juillet 2020, c’est-à-dire au terme de la première vague de Covid-19 au Québec, la province d’un peu plus de 8 millions d’habitants compte 5639 décès alors que la Chine, pays densément peuplé d’environ 1.4 milliards d’habitant en compte 4641. La chine fait partie des pays ayant eu de bons résultats mais comment se positionne le Québec en Amérique du nord ? Le Québec affiche le 31 décembre 2020 un taux cumulé de mortalité de 959 par million d’habitants. A titre de comparaison, c’est un peu moins que le 1064 des États-Unis et plus de deux fois supérieur au taux moyen du Canada qui est de 412 à pareille date1. Le bilan du Québec est l’un des pires au monde pour la première vague. La grande majorité de ces décès lors de la première et de la deuxième vague ont eu lieu dans les RPA (résidences privées pour ainés) et les CHSLD (centres d’hébergement de soins de longue durée).

Avant de se pencher un peu plus sur l’état du système de soins et de santé du Québec et sur le secteur de l’hébergement privé, voyons comment certains états sont arrivés à de meilleurs résultats pour les contagions et les décès. On en a peu parlé dans les médias mais plusieurs pays ont réussi à contenir rapidement l’épidémie. Ces pays comptent des nombres de cas et des taux de mortalité très bas en plus d’avoir permis à leur population de reprendre ses activités alors que le Québec était encore largement touché par l’épidémie jusqu’à récemment.

Comment le Vietnam, le Venezuela, Cuba, la Nouvelle-Zélande, la Chine et l’état indien du Kérala ont connus de si bons résultats ? Tester massivement pour cibler les éclosions, envoyer du personnel sur le terrain, limiter les déplacements et confiner de manière ciblée. Bref « réagir vite et fort » pour éliminer l’épidémie. Au regard des résultats, cette stratégie a sauvé de nombreuses vies.

Au Québec comme dans beaucoup de pays, nous avons plutôt tenté de contenir l’épidémie pour ne pas engorger les hôpitaux tout en maintenant les activités économiques et les déplacements. Comment expliquer le fait de n’avoir pas adopté des stratégies qui ont fait rapidement leurs preuves ailleurs ? Parce que nous avons misés sur un modèle de santé à l’opposé de celui de plusieurs de ces pays. Aujourd’hui le modèle sur lequel nous avons misé a démontré qu’il n’était pas en mesure de réagir en cas de pandémie comme nous le verrons plus bas.

Leçon 2 : Qui a affaibli nos soins de santé ?

Pour comprendre la fragilité de nos systèmes de santé ainsi que le manque de préparation à la pandémie particulièrement marquant dans les pays occidentaux, il faut analyser les décisions que les pouvoirs politiques ont prises dans les dernières décennies. Quelles orientations avons-nous pris dans le secteur de la santé ? Quelles justifications ? Quels buts réels ? Quels résultats aujourd’hui ?

La Banque mondiale produit un rapport en 1997 intitulé « l’état dans un monde en mutation rapport sur le développement dans le monde ». Ce rapport traite de moyens utilisés par les états pour ouvrir les services publics au marché. La même année le premier ministre du Québec Lucien Bouchard (Parti Québécois) lance un programme de départ anticipé menant 18 884 employés du système de santé à la retraite et causant la fermeture de 9 hôpitaux au Québec2. Cette décision motivée par l’atteinte du déficit zéro officiellement, s’inscrit en réalité dans une réingénierie d’état néolibérale.

« Les services de santé publique et les services de santé privés forment un binôme, un ensemble. Si la santé publique est bonne, les gens n’iront pas dans les cliniques privées. Mais si le gouvernement détruit la santé publique, il crée les conditions favorables aux capitaux privés »3

Le gouvernement libéral de Jean Charest et son ministre de la santé et des services sociaux le Dr Philippe Couillard feront adopter une série des lois en 2003. Les lois 25,30 et 7 visent officiellement à « améliorer l’accès aux services, diminuer la bureaucratie, faire des économie »4. Cette série de lois votées sous bâillon (mesure pour voter plus rapidement et avec le moins de débat possible) fût sévèrement critiquée par la FIIQ (fédération des infirmières et infirmiers du Québec) représentant 72% de toutes les infirmières du Québec et 85% des infirmières syndiquées à l’époque. Dans leur rapport de 20035, elles soutiennent que ces lois n’apporteront aucuns gains d’efficacité et d’accès aux soins. Elles y voient par contre plusieurs objectifs clairs : aller dans le sens des accords de libre-échange, favoriser la sous-traitance et le partenariat public-privé, privatiser et affaiblir la syndicalisation dans la santé.

Ces lois et la manière de les faire adopter illustrent parfaitement comment fonctionne la santé dans un état néolibéral : on favorise la privatisation en évitant le débat, on n’écoute pas ceux et celles en première ligne et on associe le public avec cher et inefficace, alors même qu’on l’affaiblit.

Philippe Couillard déclare en 2008, peu après avoir quitté son poste de ministre de la santé au Parti Libéral : « Il n’y a rien de scandaleux à ce qu’on fasse des profits dans le secteur de la santé »6. Il est à ce moment conseiller stratégique a Persistance Capital Partners « seul fonds privé d’investissement au Canada dédié à développer des opportunités d’investissement offrant un fort potentiel de croissance dans le secteur de la santé »7. Ce même Dr Couillard reviendra en tant que premier ministre du Québec en 2014. Sous son gouvernement, la réforme Barette affaiblira d’avantage la santé publique au Québec8.

Les représentants des différents partis politiques s’accusent mutuellement de l’affaiblissement du système de santé, utilisent les mauvaises décisions de leurs prédécesseurs pour justifier d’encore plus importantes coupures. Ces décisions favorisent toujours une présence accrue du privé dans la santé. Quand il s’agit de privatiser les services publics, les partis politiques font preuve de continuité et de complémentarité exemplaire. Le premier ministre Legault admet lui-même « Tous les gouvernements qui se sont succédé sont responsables de ça, incluant le mien. »9

Dans le secteur de l’hébergement de longue durée au Québec « 92% des établissements sont entre les mains d’entreprises privées »10. La grande majorité des places offertes dans ces établissements est financé par les fonds publics. Anne Plourde, chercheuse a l’Institut de Recherche et Information Socioéconomique, affirme que « ce marché est fortement dominé par une poignée de grands groupes immobilier »11. Parmi ces groupes, les trois plus grands groupe de résidences privés pour ainés : Groupe COGIR, Groupe Chartwell et Groupe Sélection ont connu une croissance importante de leurs actifs dans les dernières années. Les actifs de Sélection sont passés de 1 à 4 milliards entre 2014 et 2018 et ceux de COGIR sont passés de 2 à 4 milliards entre 2015 et 201912. Comme il a été dit dans la première section, la plupart des décès liés à la Covid au Québec proviennent de ce type d’établissement.

Si le privé n’a pas su éviter cette catastrophe, qu’il est financé par les fonds publics et a continué à réclamer du financement pendant la pandémie, il est difficile de croire que toutes ces décisions politiques favorisant la privatisation ont rempli leurs promesses de réduire les couts en santé et de rendre les services plus efficaces. Comme le souligne Anne Plourde, il est difficile de savoir si les demandes d’aides sont justifiées dans la mesure où il y a un manque de transparence de la part de ces entreprises quant à leurs profits.

« Ou bien ces entreprises sont rentables et parviennent à générer des profits. Dans ce cas, leur volonté d’augmenter les loyers (…) leur refus de longue date de bonifier les salaires de leurs employées et leurs demandes de soutien financier auprès de l’État ne sont pas justifiables. Ou bien elles sont incapables d’être rentables tout en assurant des conditions de travail décentes et en offrant des services accessibles financièrement, et alors il s’agit d’un modèle d’affaires non viable, tirant profit des difficultés d’accès à des services publics (à domicile ou d’hébergement) de qualité »13

La privatisation a affaibli nos soins de santé. Avec une population vieillissante, la perspective de nouvelles pandémies et les effets de l’environnement sur la santé, il faudra sans doute en tirer une leçon et ouvrir le débat sur le modèle de santé que nous voulons. Et cette fois, en écoutant le personnel de première ligne.

Leçon 3 : Le big pharma nous protège-t-il ?

Développer de nouveaux médicaments et étudier des maladies prend du temps. Le chapitre sur la troisième leçon de Planète Malade démontre bien comment les intérêts privés orientent la recherche. La recherche fondamentale en est affectée par la nécessité de faire du profit. La priorité accordée au profit se traduit par une pensée à court terme qui nuit à la capacité à prévenir les maladies. Les maladies, lorsqu’elles ne sont pas immédiatement rentables, n’intéressent pas les grandes pharmaceutiques. Les compagnies compétitionnent pour des médicaments et vaccins sur les mêmes maladies et virus alors que d’autres ne suscitent aucune attention et la recherche sur celles-ci peu ou pas de financement.

La possibilité de voir de nouveaux coronavirus se propager est connue des scientifiques depuis le début des années 2000 comme le démontre l’enquête de Planète Malade. C’est ce qu’affirme le virologue Johan Neyts le 11 mars 2020 : « C’est une honte que nos responsables n’aient pas retenu les leçons de la crise de 2003 et que des gens meurent de ce virus aujourd’hui. On savait qu’il reviendrait, on aurait dû anticiper »14
« En 1987, Médicaments Novateurs Canada s’engageait à ce que ses membres dépensent au moins 10 % de leurs ventes en R et D à compter de 1996. En 2016, comme les 16 années précédentes, cet engagement n’a pas été respecté au Canada ; par exemple, le ratio dépenses R et D/ventes n’atteint qu’un mince 4,6 % pour l’année 2017. Jusqu’à preuve du contraire, rien ne montre que cet engagement soit tenu au Québec. »15

Le Canada a pu compter durant de nombreuses années sur une entité publique nommé Laboratoires Connaught, ces laboratoires ont permis de grandes avancés dans la recherche de médicaments et de vaccins au Canada dans la première moitié du 20e siècle. Les laboratoires Connaught feront l’objet d’une vente au profit du privé dans les années 1980. L’institut Armand Frappier, un centre de recherche médicale à Montréal inspiré des Laboratoires Connaught fera également l’objet d’une privatisation en 1989. La perte de ces institutions publiques en recherche médicale a rendu le Québec dépendant des compagnies pharmaceutiques privées dans les 30 dernières années. Cela s’est traduit par une incapacité à produire des vaccins au Canada comme c’est le cas pour beaucoup de pays qui doivent se contenter d’attendre les vaccins Pfizer, Moderna, AstraZeneca, etc.

Tout au long de la pandémie, le discours médiatique et politique au Québec a été marqué par l’idée qu’il fallait retenir son souffle en attendant l’arrivée des vaccins. En effet les vaccins sont aujourd’hui indispensables vu la vitesse à laquelle la pandémie s’est développée au Québec et les difficultés liés à notre système de santé. Nous nous dirigeons vers un taux de vaccination élevé qui laisse croire que nous sortirons bientôt de cette crise et tant mieux.

Mais il ne faut pas oublier que cette dépendance à l’égard des pharmaceutiques privées fait que plusieurs pays sont toujours dans l’attente de doses. La distribution inégale des vaccins dans le monde remet en question la solidarité internationale. Des réflexions s’imposent sur la capacité des états a produire des vaccins et médicaments, la levée des brevets et la distribution des vaccins en situation d’urgence mondiale.

Leçon 4 : 40 années de néolibéralisme : quel bilan ?

Le modèle de santé qui domine aujourd’hui en occident, décrit par Anne Plourde comme étant centré sur « le bon docteur, l’hôpital et le pilulier » n’a pas été en mesure de réagir de manière rapide et efficace à la pandémie. Ce modèle est en fait aux antipodes de celui des pays ayant eu les meilleurs résultats. On peut se demander ce qui serait arrivé si nous avions misé sur un autre modèle. Dans les faits, c’est presque arrivé au Québec. En 1971, le gouvernement, sous la pression du mouvement populaire et syndical, crée les CLSC (Centre local de services communautaires). Ces polycliniques devaient être la porte d’entrée du réseau de la santé, l’élément central d’un nouveau modèle de santé et de services sociaux. En quoi consistait ce modèle ? La mise en place de centres accessibles dans les quartiers avec des équipes multidisciplinaires et des services a domiciles. Ce modèle avait retenu l’attention de plusieurs gouvernements dans le monde à l’époque en raison de son caractère novateur et unique dans l’occident capitaliste.

Le modèle de santé cubain, encensé mondialement repose en partie sur les mêmes principes que celui des CLSC. Les polycliniques multidisciplinaires sont à Cuba la porte d’entrée au réseau de santé et permettent à la population un accès facile aux soins. Cet accès facile aux soins et la présence d’équipes multidisciplinaires dans les quartiers a grandement contribué à limiter la pandémie à Cuba mais également au Vietnam et au Venezuela. Et ces résultats, ces pays les ont atteints avec moins de moyens que le Québec.

A l’opposé de ce modèle, il y a le modèle de santé étasunien caractérisé par des établissements privés, des assurances privés, des énormes profits pour les investisseurs et l’industrie pharmaceutique. Ce modèle en santé aux États-Unis ou le privé domine en fait l’un des moins accessibles au monde. En effet la santé coûte si cher aux citoyens que certains se privent de soins pour ne pas s’endetter. En plus de coûter cher aux citoyens, ce modèle de santé coûte également cher à l’état. Les États-Unis dépensent 16.9% de leur PIB en selon les données de L’OCDE en 201816, ce qui en fait la santé la plus cher du monde, avec les résultats que l’on connaît durant la pandémie.

A la lumière des conséquences de la pandémie dans les pays ayant adopté un modèle de santé publique accessible et celles dans les pays ayant adopté depuis 40 ans un modèle de santé privé, centralisé et cher, on peut certainement affirmer que l’un a permis de sauver des vies et que l’autre ait coûté de nombreuses vies.

Le Néolibéralisme c’est en santé la logique managériale appliquée aux hôpitaux et aux centres d’hébergement. Pour résultat, les conditions de travail y sont déplorables comme le démontrent les témoignages recueillis lors de la pandémie, notamment sur la plateforme « je dénonce » de la FIQ. De plus, il y a une omerta dans le milieu de la santé. Des lanceurs d’alerte dans le milieu de la santé se font licencier en raison de leurs critiques malgré la promesse du ministre de la santé du Québec de mettre fin à cette omerta. Nos « anges gardiens » n’ont donc pas le droit de s’exprimer sur les difficultés à pratiquer leur travail, leurs conditions et celles des patients. Ce manque de transparence empêche la population et les responsables de prendre la mesure des problèmes en santé pour exiger les changements qui s’imposent.

Leçon 5 : Quelle économie, quelle écologie nous faut-il ?

La pandémie a permis de mettre en lumière la fragilité de notre système. Il faut donc en tirer des leçons pour agir. Les gouvernements des pays capitalistes mettent en danger la vie des populations en jouant le rôle de facilitateurs des intérêts du marché au détriment des conditions matérielles et de l’environnement. La pandémie a fortement affecté les plus défavorisés alors que de nombreuses entreprises ont vu leurs profits grimper. L’économie capitaliste extractiviste augmente les risques de maladies en augmentant l’empreinte de l’activité humaine sur la nature.

Un rapport de la Commission des Déterminants sociaux de la Santé est publié par l’OMS en 2008. Dans ce rapport la commission émet plusieurs recommandations pour une meilleure santé à l’échelle mondiale. Parmi ces recommandations : 1. améliorer les conditions de vies quotidiennes (environnement salubre, conditions de travail décentes, protections sociale et soins de santé universels) 2. Lutter contre les inégalités (équité en santé, équité des sexes, participation sociale à l’élaboration des politiques, réglementer et augmenter les fonds publics) 3. Mesurer et analyser les problèmes (transparence, sensibilisation, évaluation de l’efficacité des mesures). 17

Le système économique néolibéral qui domine depuis 40 ans a gravement affecté l’environnement, les conditions de travail et fait grimper les inégalités. La crise climatique s’annonce comme la plus grande crise sanitaire de notre histoire. C’est pourquoi il est urgent d’appliquer les recommandations sur les déterminants de la santé de manière ambitieuse.

Face à la puissance des acteurs qui bénéficient de ce modèle économique, nous sommes parfois tentés de croire en la fatalité naturelle de ce système exprimée par le « no-alternative » de Margaret Thatcher. Si nous n’avions aucun pouvoir, s’il n’y avait pas d’alternative, alors pourquoi les capitalistes et les politiciens ont mis tant d’effort depuis 40 ans pour fragiliser les mouvements populaires, écologistes et syndicaux ? Pourquoi s’acharnent-ils à renverser des gouvernements socialistes au profit d’opposants néolibéraux dans des pays ne représentant aucune menace pour l’occident ? Pourquoi taire les succès de ces systèmes dans certains domaines en diabolisant systématiquement ces pays ? Les idées alternatives émergent, les peuples font preuve d’une volonté de changer et de créativité. Les alternatives donnent l’exemple, créent de l’indignation et de la solidarité. C’est pourquoi les plus puissants mettent tant de moyens en œuvre pour empêcher ces alternatives de se concrétiser.

Le livre d’Anne Plourde Le capitalisme, c’est mauvais pour la santé démontre bien comment le capitalisme a grandement contribué à la détérioration des conditions de vies et de la santé. Cette analyse de l’histoire du système de santé au Québec permet également de comprendre comment la logique néolibérale en santé ne s’est pas imposée d’elle-même. La santé a fait l’objet d’offensives capitalistes, contre la volonté et l’intérêt des québécois et québécoises.

Nous devrons suivre attentivement les décisions que nos gouvernements prendront prochainement. Le premier ministre Legault déclare : « il faudra se souvenir qu’on s’est dit : plus jamais » après avoir admis sa responsabilité dans l’affaiblissement de la qualité des soins dans le secteur de l’hébergement. L’ampleur des problèmes liés à la santé décrits plus haut suggère que pour un scénario « plus jamais » il faudra faire beaucoup plus que ce que le gouvernement propose actuellement.

Leçon 6 : Se faire la guerre ou coopérer ?

En plus d’avoir échoué dans la gestion de la pandémie, les pays occidentaux ont vu leur réputation se détériorer durant cette crise sanitaire. Ils ont également fait mauvaise figure dans la collaboration internationale. La Chine et la Russie ont grandement contribués à l’effort de vaccination mondiale, Cuba a envoyé du personnel soignant dans plusieurs pays.

Les États-Unis ont tenté de convaincre des pays de refuser l’efficace vaccin russe Spoutnik V et même de recevoir des médecins cubains. Les pays alliés américains et européens se sont concurrencés pour l’achat de masques. Sans compter que les sanctions économiques imposées par les États-Unis et le Canada sur des pays comme le Venezuela, Cuba et l’Iran ont nuit a la capacité de ceux-ci à bien gérer l’épidémie.

En masquant et en minant les efforts et les réussites ailleurs, nos représentants ont minimisé leur propre incompétence et la fragilité de nos économies. Cela relève d’une arrogance occidentale dangereuse comme l’affirme Richard Horton, rédacteur en chef du journal médical britannique The Lancet.

« Du point de vue de la science et de la réponse de santé publique, les critiques vis-à-vis de la Chine et de l’Organisation mondiale de la Santé sont totalement injustes. […] Cette arrogance est responsable de dizaines de milliers de morts. Les décès ont été provoqués par un virus, mais ils ont aussi été causés par un orgueil d’exceptionnalisme occidental »18

Quel prix sommes-nous prêts à payer au nom de l’arrogance occidentale ? Quel prix nos gouvernements sont-ils prêts à faire payer aux autres pour paraître du bon côté de l’histoire ? Lorsque nous ferons face à des enjeux climatiques de taille, nos dirigeants prendront-ils les avertissements au sérieux ? Cacheront-ils les réussites extérieures pour faire diversion de leur inaction ? Seront-ils capables de coopérer à la hauteur des problèmes, en dépit des divergences politiques et idéologiques ? Certains pays peuvent être justement critiqués sur certains plans mais cette coopération est vitale pour l’humanité et l’environnement.

Leçon 7 : Avons-nous été bien informés ?

Les autorités du Canada et du Québec n’ont pas fait le nécessaire pour anticiper l’arrivée de la pandémie comme le démontre la pénurie de masques et autre matériel. Lors de la première vague, le directeur national de santé publique du Québec, Dr Arruda déclare que le masque ne doit pas être utilisé pour la prévention. Quelques mois plus tard, le masque sera rendu obligatoire dans les lieux publics intérieurs. Est-ce qu’on a simplement tenté de cacher une pénurie en gagnant du temps ?

Le Dr Arruda déclarait que les masques devaient être réservé au personnel soignant. Lors de la première vague, des employés de CHSLD ont reçus des ordres de ne pas porter de masques et on fait état de disparitions de masques dans ces établissements. Il faut rappeler le niveau élevé de contamination chez ces employés lors de la première vague.

On a donc d’un côté des informations contradictoires, qui cachent un manque de préparation et des conséquences graves, ceci n’en est qu’un exemple.

La chronologie des faits soulevée dans Planète Malade démontre que la Chine a informé la communauté internationale par l’entremise de l’OMS notamment en fournissant des informations essentielles ainsi que des avertissements et des indications utiles. En effet, la séquence génétique a été identifiée dans un temps record et partagée pour permettre aux autres pays de produire des tests et d’étudier mieux le virus dès la mi-janvier 2020.

Dans son récent article, le chroniqueur Richard Martineau stipule que « le régime chinois a des comptes a rendre » en reprenant l’idée que la chine a caché des informations essentielles sur le virus et qu’il pourrait provenir d’un laboratoire. Cette suspicion a circulé librement dans les médias depuis le début de la pandémie, reprenant la rhétorique de Trump sur le « virus chinois ». En plus de détourner l’attention du public des causes domestiques de la catastrophe que fût la pandémie de Covid-19 en occident, cette suspicion semble avoir contribué à une montée des violences racistes envers les personnes asiatiques en occident.

Qui a des comptes à rendre ? Certes enquêter sur l’origine de la pandémie est nécessaire, mais ce qui circule actuellement est une hypothèse qui accuse déjà, sans preuves suffisantes. Alors que la pandémie semble toucher à sa fin, c’est notre gouvernement qui a des comptes à rendre en premier, ce sont les groupes d’actionnaires des résidences privés. Ils ont des comptes à rendre et nous avons vu pourquoi, il ne s’agit pas de théories et d’hypothèses mais de faits dans ce cas. L’enquête à mener est une enquête sur la gestion de la pandémie au Québec, les conséquences de la fragilisation du système de santé sur son déroulement. C’est l’information dont les Québécois et les Québécoises ont besoin pour que la situation change et que nous n’ayons plus à revivre la même catastrophe.

Notes:

1              https://comparaisons-sante-quebec.ca/donnees-sur-la-covid-19-la-situation-du-quebec-sur-le-plan-international-mise-a-jour-du-12-mai-2021/

2              https://www.erudit.org/en/journals/rel/2015-n781-rel02269/79720ac.pdf

3              Angeles Maestro dans Planète Malade Tome 2, p. 80-89, Michel collon, Investig’action

4              https://www.erudit.org/en/journals/rel/2015-n781-rel02269/79720ac.pdf

5              https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2050895

6              https://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/200812/09/01-809024-couillard-livre-un-plaidoyer-pour-le-prive-en-sante.php

7              https://www.persistencecapital.com/

8              https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2019-09-17/reforme-barrette-la-sante-publique-frappee-de-plein-fouet

9              https://www.courrierfrontenac.qc.ca/2020/12/10/rapport-sur-les-chsld-plus-jamais-dit-francois-legault/

10            https://www.creatas-quebec.org/wp-content/uploads/2020/11/Rapport-Boivin-Plourde2020_FINAL_PDF.pdf

11            ibid

12            https://iris-recherche.qc.ca/blogue/une-residence-pour-tous-mais-les-profits-pour-qui

13            https://iris-recherche.qc.ca/blogue/une-residence-pour-tous-mais-les-profits-pour-qui

14            Johan Neyts dans Planète Malade tome 1, p. 145, Michel Collon, Investig’action

15            https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Industrie_pharma_WEB.pdf

16            https://www.oecd-ilibrary.org/sites/d889ceef-fr/index.html?itemId=/content/component/d889ceef-fr#:~:text=On%20estime%20que%20les%20pays,depuis%202013%20(Graphique%207.3).

17            http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/69831/WHO_IER_CSDH_08.1_fre.pdf;jsessionid=FB6BB626AA38F8C16E8332F41C262C51?sequence=1

18            https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/horton-face-au-covid-la-faillite-des-etats-a-tue-des-milliers-de-fois/article-normal-49375.html?cookie_check=1622646005

 

 

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