Le problème, ce n’est pas Netanyahu mais les Israéliens

Alors que les élections approchent et que Benyamin Netanyahu se présente pour un nouveau mandat, de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer le Premier ministre israélien. La politique aurait dérivé vers l’extrême-droite sous la barre de ce provocateur raciste. Pour le journaliste et écrivain Gideon Levy, faire porter le chapeau à Netanyahu est trop facile et trompeur. “L’apartheid n’a pas commencé avec lui et ne finira pas avec son départ“, écrit le pacifiste israélien.  


Ce n’est pas le Premier ministre Benyamin Netanyahu, ou du moins pas seulement lui. On ne peut pas blâmer une personne, aussi influente et puissante soit elle, pour tous les maux. C’est pourtant ce que font ses adversaires et ses ennemis. Selon eux, le racisme, le nationalisme extrême, les divisions, les provocations, la haine, l’anxiété et la corruption… Tout cela est dû à Netanyahu.

 

Mais ce n’est pas le cas. Ses péchés sont innombrables et le mal qu’il a fait incommensurable. Ce serait merveilleux de l’avoir hors de nos vies. Mais le blâmer pour tout est trompeur, c’est se défiler devant les responsabilités.

 

Si Netanyahu est la cause de tous ces maux, alors nous pourrions tout simplement nous débarrasser de lui, et tout rentrerait dans l’ordre. Ce n’est pas le cas. Si Netanyahu est à blâmer pour tout, alors nous n’avons rien à voir avec la situation actuelle. Ce n’est pas le cas. Netanyahu a causé de gros dégâts, mais derrière lui se trouvent une nation, des électeurs et d’autres élus, pour la plupart pas très différents de lui, ainsi qu’un public, une société et des médias. La responsabilité leur incombe tout autant, sinon plus.

Pour le dire simplement, le problème, c’est le peuple. Netanyahu a des électeurs. Il y a ceux qui votent dans son sens. Il y a ceux qui ont détesté les Arabes bien avant Netanyahu. Il y a ceux qui méprisent les Noirs, détestent les étrangers, exploitent les faibles et regardent de haut le monde entier – et ce n’est pas à cause de Netanyahu. Il y a ceux qui croient qu’ils sont le peuple élu et méritent donc tout.

 

Il y a ceux qui pensent qu’après l’Holocauste, ils sont autorisés à faire n’importe quoi. Certains croient qu’Israël est au top mondial dans tous les domaines, que le droit international ne s’applique pas à lui et que personne ne peut lui dire quoi faire.

 

Il y a ceux qui pensent que les Israéliens sont des victimes – toujours des victimes, les seules victimes – et que le monde entier est contre nous. Il y a ceux qui sont convaincus qu’Israël est autorisé à faire n’importe quoi, simplement parce que c’est possible.

 

Il y a ceux qui ne croient qu’en la force de l’épée. Il y a ceux qui défendent l’agression, dans les territoires et sur les routes, et qui ne connaissent aucune autre langue. Il y a des niveaux d’ignorance sans précédent.

 

Le lavage de cerveau a atteint des niveaux inconnus dans une démocratie. Netanyahu est-il responsable de tout cela ? Allons…

 

Le problème est l’atmosphère, l’esprit du temps, les valeurs et les conceptions qui s’y sont enracinées au cours de plusieurs décennies de sionisme.

 

Netanyahu ne les a pas semés et ils ne seront pas déracinés quand il partira. Le racisme et la xénophobie sont profondément enracinés ici, beaucoup plus profondément que n’importe quel Netanyahu. Comment cela pourrait-il être attribué à l’homme de Balfour Street alors que tout a commencé bien avant qu’il ne soit choisi comme envoyé à Washington ?

 

L’apartheid n’a pas commencé avec lui et ne finira pas avec son départ ; il ne sera probablement même pas éraflé. L’un des pays les plus racistes au monde ne peut pas se plaindre du racisme de son Premier ministre.

 

Lorsque le débat public est dominé par la droite, est-ce à cause de Netanyahu ? Quand les médias sont dominés par un seul récit, dans lequel la droite devient le centre, est-ce sa faute ? Dans quelle mesure peut-on écarter les souhaits, les croyances, les valeurs et les choix d’un peuple ? Comment est-ce que tout cela peut être imputé à un seul politicien ?

 

Qu’il n’y ait pas d’alternative idéologique n’a rien à voir avec Netanyahu.

 

Que la campagne électorale ne traite que de sottises, ce n’est pas à cause de lui. Ce n’est pas sa faute si le centre-gauche a peur d’ouvrir la bouche.

 

Netanyahu est la meilleure chose qui puisse arriver à la politique israélienne – vous pouvez tout lui mettre sur le dos ; c’est un provocateur qui sème la peur et propage des mensonges. Mais il y a trop de gens pour acheter ce qu’il vend et ses adversaires sont trop peu nombreux. Ne faites pas de lui le bouc émissaire – nous sommes à blâmer.

 

Le problème n’est pas Netanyahou, mais l’admiration qu’il suscite et le vide d’opposition qui l’entoure. La provocation est pour le faible. Si les Israéliens sont si facilement influencés par leur Premier ministre, le problème c’est eux, pas lui. Netanyahu, que les gens désignent comme cynique, distille son poison dans des endroits où il sait qu’il sera capable de le répandre facilement.

 

Ce serait formidable si un Nelson Mandela local apparaissait, un dirigeant courageux avec une vision qui changerait les valeurs fondamentales du pays et dirigerait une révolution. Mais aucune personne de ce genre n’est née ici et il est peu probable qu’elle ne le soit jamais. Je souhaite que Netanyahu disparaisse. Mais ne dites pas qu’il a tout ruiné et qu’une fois qu’il sera parti, tout s’épanouira. Netanyahu est Israël, et Israël est Netanyahu, même si Benny Gantz lui succède.

 

Source originale: Hareetz

Traduit de l’anglais par Invstig’Action

Source: Investig’Action

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