Le parti pris des médias occidentaux favorise la guerre d’Israël contre la Palestine

Outre les armes et le soutien politique de l’Occident, un courant sans fin de désinformation et de représentation erronée dans les médias permet les guerres meurtrières d’Israël contre Gaza. 


 

Si les grands médias américains et occidentaux restent biaisés en faveur d’Israël, ils se présentent souvent comme une tierce partie neutre. Or, la réalité est clairement différente.

Citons l’exemple de l’article publié le 6 août 2022 par le journal New York Times au sujet de la guerre la plus récente contre les Gazaouis, Les combats entre Israël et Gaza s’intensifient après deux jours . Ce reportage reflète la couverture médiatique occidentale classique du conflit israélo-palestinien, mais avec une touche propre au NYT.

En effet, le rédacteur parvient à faire entendre un langage nuancé au lecteur non informé pour relater des faits opposant deux camps égaux. Cette équivalence morale trompeuse constitue l’un des plus importants angles morts intellectuels des journalistes occidentaux. S’ils ne défendent pas ouvertement le discours d’Israël sur la sécurité et le droit à la défense, ils créent de faux parallèles entre Palestiniens et Israéliens, en prétendant qu’un colonisateur militaire et une nation colonisée détiennent des droits et des responsabilités comparables.

De toute évidence, cette logique ne vaut pas pour la guerre opposant la Russie à l’Ukraine. Pour le NYT et tous les grands médias occidentaux, il n’existe aucun doute sur l’identité des opprimés et des oppresseurs dans ce combat sanglant.

L’Occident a toujours considéré les “militants palestiniens et “terroristes comme un camp méprisable.  Selon le raisonnement de leur couverture médiatique, Israël ne déclenche pas de guerres injustifiées contre les Palestiniens, et n’est pas un colonisateur militaire impénitent ni un régime raciste d’apartheid. Ce discours ne peut être tenu que par les médias marginaux “radicaux et “de gauche, mais jamais par les grands médias.

La brève introduction de l’article du NYT traite de l’alourdissement du bilan des victimes. Cependant, dans un premier temps, elle omet de mentionner que parmi les 20 Palestiniens tués figurent des enfants. Au contraire, elle souligne que les attaques israéliennes ont tué un chef militant.

Dans le deuxième paragraphe de l’article, le rédacteur révèle que six enfants ont perdu la vie à la suite des attaques israéliennes. Puis, il précise immédiatement, et sans commencer une nouvelle phrase que “selon Israël, des militants dissimulant des armes dans des zones résidentielles ont provoqué la tuerie de certains civils. En outre, des roquettes palestiniennes “mal tirées en ont tué d’autres.

Le 16 août, l’armée israélienne a finalement admis qu’elle était à l’origine des frappes qui ont causé la mort de 5 jeunes Palestiniens à Jabaliya. Il importe peu que le NYT en ait fait état ou non. Le mal est fait, et telle était l’intention d’Israël depuis le départ.

Le titre de l’article de la BBC paru le 16 août 2022, Les enfants de Gaza sont habitués à la mort et aux bombardements, ne désigne pas immédiatement les responsables de ces attaques meurtrières. Les porte-parole militaires israéliens, comme nous le découvrirons plus tard, seraient d’accord avec une telle déclaration, bien qu’ils rejettent toujours la faute sur les terroristes palestiniens.

La journaliste annonce finalement qu’une petite fille, Layan, a été tuée dans une frappe israélienne, tout en nuançant soigneusement son langage afin de minimiser la responsabilité de ses meurtriers israéliens. La fillette, lit-on, se rendait à la plage avec sa famille lorsque leur tuk-tuk est passé près d’un camp militaire dirigé par l’organisation armée du Jihad islamique palestinien, qui, à ce moment précis (…) a été visée par des tirs israéliens. L’auteure de l’article ne prend pas la peine d’expliquer comment elle est parvenue à la conclusion que la famille n’était pas la cible de ces attaques.

Cette narration laisse transparaître que l’intention d’Israël n’était pas de tuer Layan, et logiquement, aucun des 17 autres enfants assassinés pendant les trois jours de guerre contre Gaza. D’ailleurs, selon la BBC, Israël a essayé de sauver la petite fille. Hélas, une semaine de traitement dans un hôpital israélien n’a pas pu lui sauver la vie

Parallèlement, des politiciens israéliens se sont ouvertement exprimés sur le fait de supprimer les enfants palestiniens. C’est le cas de l’ancienne ministre israélienne de la Justice Ayelet Shaked qui a avancé : les mères palestiniennes mettent au monde des ‘petits serpents’. Malgré de tels discours, le reportage de la BBC, ainsi que d’autres reportages sur la dernière guerre, n’en ont jamais fait mention. Au lieu de cela, la journaliste cite le Premier ministre israélien Yair Lapid qui a déclaré : la mort de civils innocents, en particulier d’enfants, est déchirante. En fait, Lapid a donné l’ordre de lancer la dernière guerre contre Gaza, qui a causé 49 morts palestiniens.

Même un reportage d’intérêt humain sur le meurtre d’un enfant palestinien a évité, d’une manière ou d’une autre, de choisir des mots qui pourraient désigner Israël comme  responsable du massacre sans pitié d’une petite fille. En outre, la BBC s’est également efforcée de présenter Israël sous un jour positif, en se contentant de rapporter la déclaration de l’armée d’occupation selon laquelle elle était dévastée par la mort de Layan et celle de tous les civils.

Le NYT et la BBC ont été sélectionnés dans le cadre de cet article non pas parce qu’ils représentent les pires exemples de partialité des médias occidentaux, mais plutôt pour être souvent présentés comme des médias libéraux, voire progressistes. Leur couverture est cependant révélatrice d’une crise permanente du journalisme occidental, notamment en ce qui concerne la Palestine.

À ce propos, des livres ont été rédigés, et des organisations de la société civile ont été créées pour amener les médias occidentaux à rendre des comptes. De surcroît, de nombreuses réunions de comités de rédaction ont été tenues afin d’exercer une certaine pression sur les rédacteurs en chef occidentaux, en vain.

Désespérés par les récits pro-israéliens immuables, certains défenseurs des droits de l’homme pro-palestiniens affirment souvent qu’il existe de plus grandes marges au sein des grands médias israéliens qu’aux États-Unis, par exemple. Cette observation se révèle également inexacte.

La conception erronée de médias israéliens prétendument davantage neutres découle directement de l’incapacité à influencer la couverture médiatique occidentale de la Palestine et d’Israël.  Cette fausse notion est souvent soutenue sous prétexte qu’un journal israélien, tel que Haaretz, accorde des espaces de discussion libres  aux voix critiques, comme celles des journalistes israéliens Gideon Levy et Amira Hass.

Or, la propagande israélienne, l’une des plus puissantes et des plus sophistiquées au monde, peut difficilement être pondérée par des chroniques ponctuelles de quelques journalistes dissidents. 

En outre, le journal Haaretz fait souvent figure d’exemple de journalisme relativement juste, essentiellement en raison de l’absence d’alternative. Le Times of Israel, le Jerusalem Post et d’autres médias israéliens de droite sont exemplaires en termes d’insensibilité, de manque d’objectivité et d’ interprétation erronée des faits.

Les partis pris pro-israéliens présents dans les médias occidentaux se répercutent souvent sur la presse pro-palestinienne au Moyen-Orient et dans le reste du monde, en particulier ceux qui relatent les informations en anglais et en français.

Étant donné que de nombreux journaux et plateformes en ligne font appel à des agences de presse occidentales, ils adoptent, souvent par inadvertance, le même langage que celui utilisé dans les sources d’information occidentales. Ainsi, ils décrivent les résistants ou les combattants palestiniens comme des militants, l’armée d’occupation israélienne comme les Forces de défense israéliennes et la guerre israélienne contre Gaza comme des flambées de violence.

Dans son ensemble, ce langage interprète de manière erronée la lutte palestinienne pour la liberté en la réduisant à des actes de violence aléatoires dans un conflit interminable où des civils innocents, comme Layan, sont pris entre deux feux.

Outre les armes et le soutien politique de l’Occident, un courant sans fin de désinformation et de représentation erronée dans les médias permet les guerres meurtrières d’Israël contre Gaza. Alors que le colonisateur a assassiné des milliers de civils palestiniens ces dernières années, les médias occidentaux persistent à défendre Israël comme si rien n’avait changé.

 

Source originale: Common Dreams

Traduit de l’anglais par K. Amara pour Investig’Action

Photo: ISM – CC 2.0

 

Ramzy Baroud

Ramzy Baroud est journaliste et le rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Il est l’auteur de cinq livres dont, Ces chaînes seront brisées : Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons (2019), My Father Was a Freedom Fighter : Gaza’s Untold Story (2010) et The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle (2006). M. Baroud est chercheur principal non résident au Center for Islam and Global Affairs (CIGA) de l’Université Zaim d’Istanbul (IZU). Il dispose d’un site web : www.ramzybaroud.net.

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.