Le gouvernement des États-Unis cultive-t-il le conflit d’intérêt ?

Le ministère étasunien de l’Agriculture (USDA) vient de nommer un dirigeant de la société de biotechnologie Pairwise. Cette dernière commercialisera, en 2023, ses premiers aliments génétiquement modifiés. Conflit d’intérêt patent ou routine administrative ?

En novembre 2022, l’USDA a nommé Haven Baker, directeur commercial et co-fondateur de la société Pairwise [1], au sein de son comité « Fruit and Vegetable Industry Advisory Committee » (FVIAC, voir encadré ci-dessous) [2] [3]. L’USDA est un des départements (ministères) en charge du dossier « OGM » qui décide notamment si un OGM est soumis à la réglementation ou pas. Le FVIAC actuel est constitué de 25 membres, dont trois produisent et/ou commercialisent des OGM. Nathan Pumplin est le président de la société Norfolk Healthy Produce, qui développe, comme Pairwise, des produits issus de techniques de modification génétique, notamment la tomate violette récemment autorisée à la commercialisation aux États-Unis [4]. Un troisième membre du FVIAC, Amy Baker, est responsable qualité et affaires réglementaires pour Peterson Farms, qui produit certains OGM, comme du maïs.

Les membres à profil « biotech » du FVIAC – tous ne le sont pas – ont intérêt à rentabiliser, à court terme, des investissements en recherche importants, et donc voir les produits OGM intégrer rapidement le marché étasunien. Pairwise, société historiquement et structurellement liée à Monsanto (Bayer) [5] [6], est aujourd’hui dans une phase clé de son développement puisqu’elle lance, en 2023, une gamme de produits génétiquement modifiés sous le label « Conscious Foods » [7]. La mission est claire : « construire un monde plus sain grâce à de meilleurs fruits et légumes en utilisant CRISPR et l’édition de gènes pour cultiver de nouvelles variétés nutritives et savoureuses » [8].

Aux États-Unis, les OGM ont franchi la barrière des assiettes sous différentes formes. Concernant le soja GM, si la grande majorité est destinée au bétail, des huiles et des lécithines sont autorisées à la consommation humaine. On peut aussi citer : le saumon Aquadvantage, commercialisé en 2015 (finalement peu produit) [9], des pommes de terres, des pommes (dans des volumes qui semblent assez restreints) ou la tomate violette riche en antioxydant de Norfolk Healthy Produce. On ne peut savoir aujourd’hui si les nouvelles techniques de modification génétique vont aboutir à la commercialisation de plus en plus de produits sur le marché étasunien. Ce dernier reste néanmoins « juteux » et Pairwise s’en réjouit : « Le ministère américain de l’agriculture est chargé de promouvoir et de protéger l’approvisionnement alimentaire de l’Amérique, qui représente 1 000 milliards de dollars. Il fournit également des programmes de recherche et de développement pour améliorer la qualité et la sécurité de nos aliments ».

La société de Caroline du Nord est très bien placée dans cette course puisqu’elle détient des droits exclusifs de brevets sur la technologie Crispr/Cas9 dans les domaines alimentaire et agricole [10]. Le fait qu’un de ses dirigeants intègre le comité FVIAC, dont les décisions impactent l’autorisation et le statut des OGM, est un atout supplémentaire majeur pour Pairwise.

Ce qui semble être une situation courante à l’USDA – elle comprend de nombreux comités ayant pour membres des industriels [11] – n’est pourtant pas exempt de conflit d’intérêt. Nous avons contacté l’organisme fédéral pour obtenir un éclairage sur cette question. Aucune réponse ne nous a encore été apportée.

Qu’est le « Food and Vegetable Industry Advisory Commitee » (FVIAC) ?

Le FVIAC conseille le Secrétaire à l’agriculture étasunien sur les questions touchant l’industrie des fruits et légumes « y compris la façon dont les programmes peuvent être adaptés pour répondre aux besoins changeants de l’industrie américaine des fruits et légumes ». Ce comité comprend divers acteurs de la filière alimentaire, dont « des producteurs biologiques et non biologiques, […] des associations commerciales de l’industrie, […] des fournisseurs de services alimentaires […] » à différents échelles territoriales. L’Agricultural Marketing Service (AMS) de l’USDA veille à ce que ce type de comité « reflète la diversité de leurs industries en termes d’expérience des membres, de méthodes de production et de distribution, de stratégies de marketing et d’autres facteurs distinctifs ».

Source : infogm

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