Les années passent et se ressemblent aux Etats-Unis où chaque budget enregistre un record dans les dépenses militaires. Le dernier approuvé par le Congrès début mars n’échappe pas à la règle. La guerre d’Afghanistan coûtait 300 millions de dollars par jour aux Etats-Unis. Si elle est terminée, le gouvernement Biden consacre toujours plus aux dépenses militaires qui dépassent à elles seules les dépenses pour les autres besoins nationaux réunis. Avec l’Ukraine évidemment, l’industrie de l’armement US peut continuer à se frotter les mains… (IGA)
Le congrès vient d’annoncer un accord budgétaire bipartisan pour financer le gouvernement fédéral en 2022. C’est un budget déséquilibré, s’il en est.
Même après la fin, l’an dernier, de la plus longue guerre étatsunienne en Afghanistan, les dépenses militaires ne baissent pas. En fait, elles grimpent en flèche, passant de 740 milliards de dollars dans le dernier budget de l’administration Trump à 782 milliards dans ce nouveau budget.
Celui-ci n’accorde que 730 milliards de dollars pour répondre aux besoins domestiques urgents.
Ce qui signifie que même en cas de pandémie, de crise de la chaîne d’approvisionnement et d’inflation sévère, nous consacrerons plus de ressources à l’armée et à la guerre qu’à la santé publique, à l’éducation, aux emplois verts, au logement social, à la recherche scientifique et médicale, à la prise en charge de nos enfants, et à tous les autres besoins nationaux… réunis!
Ce traitement spécial pour le Pentagone gaspille de manière irresponsable de précieuses ressources qui pourraient être utilisées pour aider nos familles et nos communautés à affronter les crises qui s’aggravent chez nous.
Les familles craignent pour leur sécurité économique. La pandémie n’est pas encore terminée, les écoles et les hôpitaux sont confrontés à des pénuries permanentes de personnel, et l’épidémie d’opioïdes fait rage. Pendant ce temps, notre dépendance au pétrole continue d’alimenter la crise climatique, tout en soutenant des États autoritaires corrompus et en imposant aux familles des variations de prix sauvages.
Accroître les dépenses militaires ne résoudra en rien ces problèmes. Et nous ne serons pas plus en sécurité, même si la guerre fait rage en Ukraine. Le budget militaire US est déjà supérieur à celui des 11 pays suivants réunis et 12 fois plus important que celui de la Russie.
Cependant, ni ces dépenses, ni le matériel militaire américain de pointe disséminé en Europe de l’Est, ni les milliers de soldats déjà positionnés sur le continent n’ont empêché la Russie d’envahir l’Ukraine et de déclencher une gigantesque crise humanitaire.
Bien au contraire, cette présence militaire n’a fait qu’aggraver les tensions avec la Russie et a placé des innocents dans des pays comme l’Ukraine au cœur d’un conflit entre superpuissances.
Le président Biden a pris la sage décision de ne pas risquer une guerre nucléaire en envoyant des troupes ou une force aérienne pour s’engager militairement avec la Russie. Mais l’augmentation agressive de nos dépenses militaires globales – dont moins de 1 % sont en fait affectés à l’intervention en Ukraine – ne fait qu’accentuer les tensions entre superpuissances et risque de nous entraîner dans une guerre plus vaste.
L’accord budgétaire donne également la priorité à la militarisation du pays. Il continue de financer les agences d’application des lois sur l’immigration qui étaient responsables des pires abus durant l’ère Trump; cela comprend notamment la séparation de familles et des millions de déportations. L’accord budgétaire reconduit même le financement décidé précédemment du mur frontalier inhumain et destructeur de Trump, qui s’est déjà révélé être un gâchis coûteux.
Les entrepreneurs spéculant sur la souffrance humaine sont ici les principaux gagnants.
Ces dernières années, plus de la moitié de toutes les dépenses militaires sont allées à des entrepreneurs privés qui en ont tiré profit. Le nouveau projet de loi sur les dépenses reconduit cette manne. Il consacre plus d’argent à des systèmes d’armement coûteux dépassant même les demandes du Pentagone, et maintient des contrats lucratifs pour des entreprises qui détiennent et surveillent les immigrants.
Nos vieilles habitudes en matière de dépenses de guerre ont enrichi les entreprises sans scrupule tout en consacrant le moins possible aux besoins du pays. Elles n’ont pas non plus empêché une guerre désastreuse en Europe. Et pourtant, les conservateurs du Congrès ont insisté pour injecter plus d’argent dans le Pentagone année après année.
Ces dernières années, l’opposition du Congrès aux budgets illimités du Pentagone et aux pratiques abusives de détention d’immigrants s’est accrue. Un nombre record de membres vote contre ces augmentations de dépenses militaires totalement injustifiées. Mais si leur nombre augmente, ils restent minoritaires.
Cet accord est un signe qu’il y a encore un long chemin à parcourir avant que nos priorités budgétaires permettent de répondre à nos besoins.
Lindsay Koshgarian dirige le National Priorities Project à l’Institute for Policy Studies. Elle est l’auteur principal du nouveau rapport « Etat d’insécurité: Le coût de la militarisation depuis le 11 septembre 2001 ».
Source originale: Counter Punch
Traduit de l’anglais par M. Durand pour Investig’Action
Photo: US Army
