Le Brésil ne sera plus jamais le même

 

La destitution de Dilma Rousseff marque un tournant historique dans la vie politique brésilienne. Le vote de 61 sénateurs dont la moitié d’entre eux sont poursuivis pour des affaires de corruption aura eu raison de l’expression populaire de 54 millions de brésiliens. Ce coup d’Etat et la prise du pouvoir par la droite risque sans aucun doute de faire voyager le Brésil vingt ans en arrière, à l’époque néolibérale.

Quelle que soit l’issue immédiate de la crise la plus longue et la plus profonde qu’ait vécu le Brésil, il s’en trouvera a jamais transformé et ne sera plus jamais semblable à ce qu’il était avant. Ce sera mieux ou pire, mais en tout cas, plus jamais pareil. La crise a dévasté la crédibilité de tout le système politique, liquidé la légitimité du Congrès, propagé la méfiance envers le pouvoir judiciaire et a enseigné au peuple qu’il ne suffit pas d’être élu et d’avoir remporté quatre élections pour qu’un mandat présidentiel soit respecté. En résumé, on pensait que le pays était une république, mais c’est terminé. On disait qu’il s’agissait d’un système politique démocratique, mais il est sur la fin. Ou le Brésil construit une démocratie solide – et pour ce faire le Congrès actuel, le pouvoir judiciaire, le monopole des médias ne pourront continuer d’exister tels qu’actuellement– ou le pays cesse réellement d’être une démocratie.

La droite brésilienne dévoile son vrai visage, sans euphémisme. Au début elle a prétendu qu’il s’agissait d’un projet pour « réunifier le pays », soi-disant divisé par les gouvernements du PT. Ils ont profité de la perte de popularité du gouvernement de Dilma, et du Congrès plus conservateur et contesté qu’aucun autre par le passé, ainsi que du rôle scandaleux et sans retenue des médias traditionnels, pour détruire la démocratie politique que nous avons obtenue et promouvoir un gouvernement antidémocratique, antipopulaire et antinational.

Nous avons pu très rapidement constater qu’il s’agissait simplement de ce que l’on dénonçait dans toute la région : la volonté de restaurer le modèle qui avait échoué dans les années 90, avec Fernando Collor de Mello et Fernando Henrique Cardoso, celui d’un gouvernement putschiste et minoritaire, contre le peuple, contre la démocratie et contre le pays.

Comment pourrait se prononcer le tribunal suprême fédéral sur un dossier quelconque alors qu’il s’est tu face au coup mis en place sous son nez, mené par le président du Sénat, et qu’il soutient toutes les illégalités flagrantes qui ont lieu ? A quoi sert un pouvoir judiciaire, si ce n’est pour empêcher qu’un crime contre la démocratie ne puisse être perpétré par le Congrès ? Ce qui se passe est un silence complice, accompagné d’une augmentation scandaleuse de 41% de leur salaires, concédée publiquement (avec des photos dans les journaux) par Eduardo Cunha, le politicien le plus corrompu du pays, dont l’impunité seule existe grâce à la complicité de ceux qui devraient le condamner, lui et tant d’autres membres du gouvernement, y compris le président intérimaire. Il n’y aura plus de démocratie au Brésil sans pouvoir judiciaire élu et contrôlé par les citoyens, avec des mandats et des pouvoirs limités.

Il n’y aura pas de démocratie au Brésil sans un Congrès effectivement élu sans financement privé, et qui ne représente pas les lobbies dirigés par le pouvoir de l’argent. Un Congrès démocratique doit être basé sur un voté conditionné, grâce auquel les électeurs peuvent contrôler le vote de représentants engagés avec un programme et un parti déterminés.

Dans une démocratie, tout le monde a droit à une voix, et pour cela l’opinion publique ne peut être fabriquée par quelques familles qui imposent leur point de vue au pays comme s’ils pouvaient parler au nom de tous, alors qu’ils ont perdu quatre élections présidentielles consécutives. Personne ne peut perdre son droit à la parole, tout le monde doit avoir le droit de s’exprimer, sans quoi il ne s’agit plus de la démocratie, mais de la dictature d’une minorité oligarchique.

Dans une démocratie, un imposteur ne pourrait avoir assumé la présidence, pas même de manière provisoire, par un coup d’état et imposer le programme économique rejeté successivement à quatre reprises (par deux fois ce putschiste s’est trouvé sur la liste victorieuse, avec un programme radicalement opposé à celui qui est maintenant imposé). Si cela arrive, c’est que la démocratie est en péril, et que la volonté de la majorité est niée.

Si le coup d’état triomphe au Sénat brésilien, il sera alors nécessaire que le prix soit à la hauteur de l’attentat qui a été perpétré. Que leurs projets échouent, que la vie de ses composants devienne insupportable, que cette bande de voleurs soit victimes d’une impossibilité de gouverner. Qu’on leur résiste dans tous les espaces de ce gouvernement illégitime, antidémocratique, antipopulaire et antinational.

 

Empêcher une action contre Lula, qui représente les désirs majoritaires du peuple brésilien, comme le montrent les mêmes sondages que les putschistes ont utilisés pour chercher la légitimité populaire, est une part indissoluble de la résistance démocratique. Ceci sera un signal quant à l’état de ce qui subsiste de démocratie. S’ils parviennent à protéger et à rendre leur gouvernement néolibéral constitutionnel, ils auront définitivement enterré tout signal de démocratie au Brésil. Dans ce cas, ils s’exposent au même destin que leurs prédécesseurs : ils seront renversés, vaincus, exécrés, et un nouveau tribunal de la vérité les jugera et les condamnera pour crime contre la démocratie. Ils seront vaincus par le peuple, par la démocratie, par le pays, par ceux qui construiront une véritable démocratie au Brésil.

 

Source: Resumen Latinoamericano

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