Le 27 février 2019 : faire tomber les masques du FN à Valenciennes

Les faits remontent au 15 mars 2018. Confrontés à la fermeture d’usines et aux délocalisations entraînant des suppressions d’emplois dans le Nord de la France, le syndicat métallurgie CGT appelle à manifester à Valenciennes. L’occasion est trop belle pour Sébastien Chenu le député du Front National, qui essaie de se joindre au cortège. C’était sans compter sur l’intervention des responsables syndicaux, qui n’ont pas vu d’un bon œil cette intrusion et ont sommé le député de partir. Quelques jours après, quatre militants sont convoqués, à deux reprises, au commissariat suite à une plainte déposée par le député.

 

Le 21 novembre au petit matin, des fourgonnettes et des autocars en provenance de Lille, Maubeuge ou encore Dunkerque traversent l’épais brouillard et se dirigent à Valenciennes…La CGT a appelé à un rassemblement face au Tribunal de Grande Instance de Valenciennes “pour soutenir nos camarades”. “A travers nos camarades c’est toute la CGT qui est visée !”; “On ne lâche rien ni personne !”. Le ton est donné.

Environ deux cents militants syndicalistes se donnent rendez-vous dans un esprit festif, en défiant le froid glacial. Plusieurs voitures de police sont parquées devant le tribunal, de l’autre côté de la barrière.

Les quatre syndicalistes surgissent dans la foule, serrent la main des personnes venues les soutenir et se rendent au procès avec la tranquillité de se savoir soutenus par un collectif soudé. Ils reviennent 30 minute après. Le procès a été reporté pour des raisons administratives. Un prochain rendez-vous face au Tribunal de Grande Instance de Valenciennes est donné le 27 février 2019.

 

 
“Toute la CGT vous soutient”
 

 

C’est le moment de partager quelques mots. Au nom de ses camarades, Fabrice, l’un des syndicalistes poursuivis en justice, remercie les personnes présentes : “je suis fier de vous, fier de nous tous, de porter ce combat contre le fascisme. Je le dédie à mon père et à mon grand-père qui ont mis dans mon cœur ces valeurs-là.” (1)

Ludovic Bouvier, secrétaire général CGT Métallurgie du Nord, souligne que l’analyse de l’histoire ne peut être absente des luttes du présent : “nos camarades de la métallurgie ont payé un lourd tribut au fascisme : l’emprisonnement, l’exécution, la torture”. En rappelant que son syndicat CGT métallurgie avait été à l’origine de la manifestation, il explique pourquoi “un député fasciste” n’y avait pas sa place : “jamais nous n’accepterons qu’ils soient à nos côtés, jamais. Ces gars-là sont plus que jamais nos ennemis. Il font leur lit dans les ruines du capitalisme, dans la misère du peuple, et ils essaieront de le tromper à chaque fois qu’ils pourront (…) Ils lui mentiront jusqu’au bout. Jamais, de tout leur programme démagogique, ils ne feront la moitié.” Il a fini son intervention en appelant à la résistance face aux mensonges et aux attaques et en renouvelant le soutien pour le 27 février 2019, jour du procès.

 

Les quatre syndicalistes poursuivis en justice, accompagnés par des responsables régionaux de la CGT

 

Pascal prend le relais pour “apporter le soutien total et entier de toute la CGT à nos quatre camarades ici présents. “On ne le laissera pas passer, il n’est pas question qu’il y ait la moindre sanction !” Définissant l’accusation contre les syndicalistes comme une “répression de classe”, il explique le véritable objectif de ce parti : “l’extrême droite française, parce qu’elle a des élus dans quelques communes, se croit permis d’attaquer nos militants syndicaux et nos camarades, de vouloir s’incruster dans nos manifestations et reprendre un certain nombre de nos discours, de travestir ce que la CGT a dit dans les différentes professions et territoires : les revendications de salaire, de la justice sociale, pour un avenir meilleur, pour les retraités, etc.”

Il démasque le député en question : “la vieille extrême droite française, issue de la grande bourgeoisie, de la dynastie Le Pen…Ce sont des gens qui, lorsqu’ils ont été au pouvoir, n’ont rien fait pour les travailleuses et travailleurs. Ils n’ont rien amené en termes de conquêtes sociales, au contraire ils ont défendu les intérêts du capital”.

Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’union départementale CGT des syndicats du Nord, met l’accent sur l’hypocrisie d’un parquet qui “se refuse à poursuivre le gérant du Carrefour-Market de Merville, qui a laissé déborder sa haine de classe sur les réseaux sociaux, en faisant l’apologie du nazisme”. (2) Il rappelle que la procédure de justice est “bien plus pressée d’intimider des ouvriers syndicalistes que de juger Alexandre Benalla”, et d’alerter sur un pouvoir macronien “affaibli et en crise comme le démontre l’épisode du remaniement”, qui “se tourne vers le fascisme, à qui il compte laisser la place quand il ne pourra plus gouverner lui-même”.

En qualifiant la politique du FN (aujourd’hui devenu Rassemblement National) de “cinéma, de théâtre”, le parcours politique de Sébastien Chenu est éclairé en quelques mots : “ancien de l’UMP puis de LR et qui, à l’époque, ne voulait pas entendre parler d’alliance avec le Front National, il a tenté d’entrer dans l’équipe de Anne Hidalgo (maire de Paris), lorsque Kosciusko Morizet lui a refusé la tête de liste UMP avant de joindre Marine Le Pen. Cette ‘carrière politique’ démontre ce que sont ces hommes et ces femmes qui font semblant de s’intéresser aux travailleurs. Ce sont leurs pires ennemis (…) Si le FN était au pouvoir, rien de ce qu’il prône ne serait appliqué”.

L’histoire des travailleurs et des résistants de ce pays comme l’ancienne dirigeante CGT Martha Desrumaux, c’est une histoire de la France qui n’est pas tout à fait celle de ses dirigeants. (3) La spécialité de ces derniers a toujours été le piège tendu de la division entre les travailleurs. Seule la solidarité de classe permet de le déjouer.

 

Notes :

1. L’Union Départementale des syndicats CGT du Nord a élaboré un document d’analyse intitulé “Regard syndical sur le fascisme et le patronat”. Le document est disponible en ligne : http://lamerant.pagesperso-orange.fr/fascisme.pdf

2.Voir la capture d’écran dans cet article : http://cgt-armentieres.fr/le-patron-du-magasin-carrefour-a-merville-publie-sur-facebook-quil-met-les-syndicalistes-dans-les-chambres-a-gaz-3473

3. Lors de la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil National de la Résistance adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944, un appel solennel à défendre et actualiser les conquêtes sociales et démocratiques de la résistance anti-nazie a été lu par les figures historiques de la Résistance (Lise London, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Philippe Dechartre, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Georges Séguy, Maurice Voutey)

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