Israël : Netanyahu va faire payer les Palestiniens pour sauver sa coalition

En annonçant une pause dans le coup d’État judiciaire de son gouvernement cette semaine, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a plié devant la pression de trois forces.

1) Les manifestations de masse sans précédent et inattendues, qui ont failli se transformer en un mouvement de désobéissance civile. Les perturbations de la vie économique et sociale se sont généralisées et la dissidence a atteint l’armée et même le propre parti du Likud de Netanyahu.

2) Les États-Unis. L’intervention de l’administration du président Joe Biden et la pression intense sur le Premier ministre ont été décisives dans les jours qui ont précédé l’annonce de Netanyahu. Biden a déclaré mardi que Netanyahu ne serait pas invité de si tôt à la Maison Blanche.

3) Les propres alliés politiques de Netanyahu. Pour assurer la survie de sa coalition au pouvoir, Netanyahu a cédé au chef du parti « Jewish Power » et ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, en acceptant de créer une garde nationale sous son commandement direct.

En outre, la Knesset a maintenant adopté une législation temporaire  qui permet à la police de fouiller les domiciles des citoyens palestiniens d’Israël sans mandat. La loi vise ostensiblement à lutter contre la propagation d’armes sans licence dans les communautés palestiniennes. L’effet réel, cependant, sera de donner à la police toute autorité pour prendre d’assaut et fouiller toute maison palestinienne sans ordonnance du tribunal.

Ben Gvir a également été un ardent partisan du limogeage du ministre de la Défense Yoav Gallant dans les jours qui ont précédé les manifestations massives de lundi et le gel ultérieur des réformes par Netanyahu.

Gallant a été officieusement limogé après avoir osé exiger que Netanyahu engage un dialogue avec l’opposition et suspende le projet de loi. Gallant a également transmis des avertissements de l’armée sur les dangers de son affaiblissement et même de sa désintégration au milieu des protestations dans ses rangs.

Netanyahu, craignant une vague de dissidence au sein de son propre parti Likud, a annoncé le limogeage de Gallant sans lui remettre de lettre de licenciement. Ben Gvir a applaudi dans un tweet : « Le temps des réformes ».

Déclaration de guerre

Le projet de création de la garde nationale a été annoncée pour la première fois par le gouvernement précédent, dirigé par Naftali Bennett et Yair Lapid, en réponse aux manifestations de masse des Palestiniens en Israël en mai 2021. Composée d’officiers en service actif et de réserve et de volontaires formés par la police, la force répondrait à la police et aux autorités militaires israéliennes.

Les nouvelles dispositions placerait cependant la force directement sous l’autorité de Ben Gvir.

Les hommes politiques et commentateurs israéliens l’ont ainsi qualifiée de « milice privée » qui pourrait potentiellement être utilisée contre des opposants politiques ou pour réprimer des manifestations. Pourtant, beaucoup n’ont pas souligné l’importance réelle de la création d’une garde nationale.

 

Le gouvernement précédent, conformément aux évaluations du Shin Bet et de la police à la suite des manifestations de mai 2021, considérait les citoyens palestiniens d’Israël comme un front hostile et a conçu le programme de la garde nationale pour aider à prévenir un futur soulèvement.

Aujourd’hui, en acceptant de placer la garde nationale sous l’autorité de Ben Gvir avec un budget d’un milliard de shekels, Netanyahu fait payer aux citoyens palestiniens d’Israël le prix de la préservation de sa fragile coalition. Cette milice privée financée par l’État sera utilisée pour déclarer la guerre aux citoyens palestiniens d’Israël.

Le projet a même attiré les critiques de la police israélienne sur la possibilité qu’elle entre en conflit avec son propre travail.

Escalade attendue

Il semblerait que Netanyahu n’ait plus rien à perdre dans cette crise politique, après avoir déjà mis en péril l’économie et l’appareil de sécurité, dont certaines parties le considèrent désormais comme une menace pour la sécurité nationale – tout cela pour faire passer ses « réformes judiciaires », qui ont été conçues par le Kohelet Policy Forum, un groupe de réflexion conservateur financé en grande partie par des donateurs américains.

Netanyahu a déjà réussi à faire adopter, la semaine dernière, une loi qui pourrait le protéger des retombées de ses procès pour corruption.

Pour Ben Gvir, les « réformes judiciaires » le libéreraient des contraintes procédurales et juridiques dans les politiques étatiques en cours de répression et de nettoyage ethnique des Palestiniens – à la fois dans les territoires de 1948 et dans toute la Cisjordanie occupée.

Pour le ministre des Finances Bezalel Smotrich, les « réformes » feraient avancer son plan d’annexion en légalisant les avant-postes des colons et en chassant les Palestiniens de la zone C, comme cela s’est produit lors du pogrom de Huwwara. Smotrich a publiquement préconisé l’anéantissement de la ville palestinienne et a nié l’existence des Palestiniens.

En fin de compte, Netanyahu a préservé sa coalition au pouvoir en faisant payer le prix aux Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte.

L’avenir reste incertain, mais il est évident que le mouvement du sionisme religieux va accélérer ses attaques contre les Palestiniens à travers le pays dans les jours et les semaines à venir.

 

Ameer Makhoul est un activiste et écrivain palestinien de premier plan dans la communauté des Palestiniens de 48. Il est l’ancien directeur d’Ittijah, une ONG palestinienne basée à Haifa. Il a été arrêté en 2010 par les autorités d’occupation et condamné pour espionnage sur la base de ses propres aveux obtenus sous la torture. Il a été libéré en 2019.

 

Source originale: Middle East Eye

Traduit de l’anglais par ISM France

Photo: Sakhnin, en Palestine 48, commémore en masse le Jour de la Terre, le 30 mars 2023 (photo wafa.ps)

 

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