Israël déporte l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri

Dimanche 18 décembre, Israël a écarté les protestations françaises et expulsé Salah Hamouri de sa patrie.

De père palestinien et de mère française, Salah Hamouri est arrivé à Paris sous le regard ému de sa femme Elsa Lefort et de ses partisans, et a promis de continuer à se battre au nom des Palestiniens.

L’objectif d’Israël est de « vider la Palestine de ses citoyens », a déclaré Hamouri, qui est né à Jérusalem, aux journalistes à l’aéroport de Paris.
« Aujourd’hui, je sens que j’ai une énorme responsabilité pour ma cause et pour mon peuple », a-t-il ajouté. « Nous n’abandonnons pas la Palestine, d’autant plus que nous ne laisserons pas des générations souffrir ce que nous avons souffert. Notre droit est de résister. »

À la question de savoir s’il tenterait de retourner en Palestine, Hamouri, visiblement ému, a répondu : « J’ai laissé mon âme dans ma patrie. Et pour cela je me battrai, je continuerai le combat, parce que pour moi c’est mon droit de vivre à Jérusalem, de vivre dans ma patrie et c’est le droit de ma famille d’y vivre aussi. »

« Le fait qu’Hamouri ait le statut de citoyen d’un autre pays – la France – n’atténue en rien la gravité de l’expulsion, contre son gré, de sa ville et de sa patrie », a déclaré le groupe israélien de défense des droits de l’homme B’Tselem, avertissant que son expulsion crée « un dangereux précédent pour d’autres expulsions de Palestiniens des territoires occupés. »

Le prétexte invoqué par Israël pour expulser Hamouri est la « violation de l’obligation d’allégeance » de l’avocat des droits de l’homme, à une puissance occupante qui l’a soumis à diverses formes de persécution, dont plusieurs peines d’emprisonnement depuis l’âge de 15 ans, et à laquelle il ne doit aucune loyauté.

Du mois de mars jusqu’à son expulsion, Israël l’a maintenu en « détention administrative » – une emprisonnement sans inculpation ni procès sur la base de prétendues « preuves tenues secrètes ».

Avant son expulsion forcée, Hamouri a également adressé un message vocal à ses soutiens en Palestine :

Condamnation formelle et inaction de la France

La colère reste grande face à l’inaction du gouvernement du « président » Macron pour empêcher Israël de perpétrer un crime de guerre.

Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers en banlieue parisienne, et l’un des nombreux élus qui ont reçu Hamouri à l’aéroport, a exprimé sa « honte devant l’impuissance » – très certainement du gouvernement français.

« Nous condamnons aujourd’hui la décision, contraire au droit, des autorités israéliennes d’expulser Salah Hamouri vers la France », a déclaré dimanche le ministère des Affaires étrangères à Paris.

Le ministère des Affaires étrangères se targue d’avoir dit à plusieurs reprises aux autorités israéliennes « de la manière la plus claire qu’il s’oppose à cette expulsion d’un Palestinien résidant à Jérusalem-Est, territoire occupé au sens de la quatrième convention de Genève. »

Comme l’a déclaré Amnesty International France dimanche, l’expulsion de Palestiniens par Israël des territoires occupés « constitue une grave violation du droit international et de la Quatrième Convention de Genève et un crime de guerre potentiel. »

L’expulsion peut s’apparenter à un crime contre l’humanité, a ajouté Amnesty, notant que tous ces crimes relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale.

Mais plutôt que d’affirmer combien la France a été diligente et active au nom de Hamouri, la déclaration du ministère des affaires étrangères se lit comme un constat d’échec.
Ce n’est pas surprenant car à aucun moment l’administration Macron, farouchement pro-israélienne, n’a laissé entendre qu’Israël subirait des conséquences de l’expulsion de Hammouri.

Appels aux compagnies aériennes

Ces derniers jours, Addameer, le groupe de défense des droits des prisonniers palestiniens où travaille Hamouri, s’est joint aux militants pour demander à Easy Jet, Air France et Transavia de ne pas aider à l’expulsion de Salah.

“Nous appelons les compagnies aériennes commerciales à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour refuser d’assister à ce qui pourrait s’apparenter à un crime de guerre en refusant de transporter des individus subissant une expulsion forcée illégale et en faisant une déclaration publique”, a déclaré Addameer.

Il existe un précédent récent à cet égard, lorsqu’un certain nombre de compagnies aériennes ont refusé d’aider le gouvernement britannique à transporter des demandeurs d’asile au Rwanda – une politique qui a été contestée comme étant cruelle et illégale.

En fin de compte, l’expulsion de Hamouri a été effectuée par la compagnie aérienne nationale d’Israël.

The Electronic Intifada a appris qu’Hamouri est resté menotté depuis le moment où les autorités israéliennes l’ont sorti de la prison de Hadarim et l’ont forcé à monter à bord d’un vol El Al, jusqu’à l’ouverture de la porte de l’avion à Paris.

Face à la calomnie et à la diffamation

Pendant ce temps, les fanatiques partisans d’Israël en France ont poussé leurs efforts jusqu’à des niveaux absurdes, pour défendre les actions de Tel Aviv .

Jacques Attali, personnalité publique éminente et ancien conseiller de feu le président François Mitterrand, a vilipendé un député du bloc parlementaire de gauche La France Insoumise (LFI) pour avoir décrit l’expulsion de Hamouri par Israël comme une déportation.

« Quoi que l’on pense de la situation en Palestine et de la politique du gouvernement israélien, l’utilisation du mot ‘déportation’ ici est méprisable, et révèle une fois de plus les nombreux dérapages vers l’antisémitisme des élus de LFI », a affirmé Attali en réponse à un tweet de la législatrice, Ersilia Soudais.

Attali faisait vraisemblablement allusion à la façon dont le mot français « déportation » est utilisé pour décrire les actes des collaborateurs français qui ont envoyé des milliers de juifs français à la mort dans les camps de concentration du pouvoir allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.

Mais le texte officiel en français de la Quatrième Convention de Genève, dont même l’administration Macron reconnaît qu’elle s’applique aux territoires occupés par Israël, y compris Jérusalem-Est, utilise le mot « déportation » pour décrire le déplacement forcé interdit de civils des territoires occupés par une puissance occupante – exactement ce qui est arrivé à Hamouri.

Les propagandistes israéliens qualifient également Hamouri de « terroriste » parce qu’Israël l’a inculpé en 2005, affirmant qu’il faisait partie d’un complot du Front populaire de libération de la Palestine visant à éradiquer Ovadia Yosef, un éminent rabbin israélien qui incitait habituellement à des niveaux de violence génocidaires pour « anéantir » les Palestiniens.

Hamouri a toujours protesté de son innocence. Il a été maintenu en détention administrative pendant trois ans, avant d’accepter un accord « de plaidoyer » [aveux fictifs contre une peine moins lourde] de la part du tribunal militaire israélien afin d’obtenir une peine plus courte que les 14 ans demandés par les procureurs militaires.

Le tribunal militaire israélien a un taux de condamnation des Palestiniens de près de 100 %.

Maintenant qu’il est de retour en France, M. Hamouri risque d’être confronté à la poursuite des campagnes de calomnie et de diffamation menées par les groupes de pression pro-israéliens.

Mais s’inspirant d’autres luttes anticoloniales, il reste certain que les Palestiniens finiront par gagner leur liberté.

« Les Israéliens ne sont pas plus forts que les Américains et nous ne sommes pas plus faibles que les Vietnamiens. Nous continuerons le combat jusqu’au bout », a déclaré Hamouri à l’aéroport de Paris. « Tant que nous résistons, cela signifie que nous existons ».

 

source: chroniquepalestine

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