Hillary et l’illusion des plafonds de verre

Meryl Streep doit être une femme très intelligente pour être une si bonne actrice. Il était donc embarrassant de la voir vêtue d’un drapeau des Etats-Unis en pom-pom girl pour Hillary Clinton à la Convention démocrate.

l faut supposer qu’elle est trop occupée à étudier ses nombreux rôles pour trouver le temps de se renseigner sur la nature sinistre de la politique étrangère de Hillary Clinton. Elle a proclamé que l’élection de Hillary Clinton « entrerait dans l’histoire » simplement parce qu’elle est une femme. C’est-à-dire dans l’histoire symbolique. Le fait que la Présidente Hillary Clinton soit plus susceptible d’entrer dans l’histoire réelle en déclenchant une autre guerre encore plus désastreuse que celles qu’elle a déjà aidées à faire entrer dans l’Histoire ne semble pas avoir traversé l’esprit de Meryl Streep.

Pas plus que cela n’a traversé l’esprit des millions d’autres femmes états-uniennes qui partagent la même illusion.

Ces femmes pensent trop en termes de symboles et d’images. Elles ignorent l’enjeu majeur pour les Etats-Unis : faire la paix ou la guerre. Elles ne s’inquiètent pas que le conflit imminent avec l’autre grande puissance nucléaire, la Russie, pourrait les toucher elles-mêmes, leurs familles, le monde et l’avenir. Elles sentent qu’elles pourraient en quelque sorte tirer un bénéfice personnel de l’élection d’une femme à la présidence des Etats-Unis.

L’idée féministe derrière cette illusion est que, en devenant présidente, Hillary « brisera les plafonds de verre » – ces obstacles invisibles – qui empêchent les femmes de grimper aux sommets. Partout les femmes en bénéficieraient – tout comme les Noirs états-uniens ont tous bénéficié de l’élection de Barack Obama. Oops… attendez une minute… en ont-ils vraiment bénéficié ? Qu’en est-il de la population carcérale noire de plus en plus nombreuse, ou des Noirs désarmés abattus dans la rue par la police ? Peu importe, beaucoup de Noirs ont éprouvé un sentiment de satisfaction d’avoir un président noir, ce qui est compréhensible au regard de l’histoire des Etats-Unis. Mais en termes concrets, cela n’a rien changé pour la population noire dans son ensemble.

Les femmes espèrent vivre la même expérience de satisfaction. Elles croient qu’elles la connaîtront lorsque Hillary Clinton brisera le plafond de verre – « pour vous », comme Hillary aime à dire.

Mais attendez une minute. S’il est en verre, vous ne pouvez pas le voir, alors dans quelle mesure existe-t-il réellement ? Qu’en est-il de Christine Lagarde, la Française qui dirige actuellement le Fonds Monétaire International ? Qu’en est-il de l’actuelle chancelière allemande, de l’actuelle Première ministre britannique, de la ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, et de Meryl Streep qui ont toutes réussi des carrières au sommet ?

Madeleine Albright, Samantha Power, Susan Rice, Loretta Lynch, Michèle Flournoy n’ont pas l’air de marcher sur des débris de verre. Elles se sont élevées aux sommets sans rencontrer plus d’opposition que le premier homme ambitieux venus – et peut-être moins.

En réalité, le « plafond de verre » qui empêchait les femmes de poursuivre des carrières couronnées de succès n’a-t-il pas déjà été brisé, précisément par l’ordre mondial néolibéral actuel qui favorise la promotion des femmes et des représentants symboliques de divers groupes ethniques ? Cela ne ferait-il pas partie de la stratégie du néolibéralisme pour prouver que le capitalisme moderne permet aux meilleurs d’atteindre le sommet, une caractéristique qui devrait remporter l’adhésion de tous les « groupes identitaires » – dont l’auto-identification a largement réussi à effacer des esprits le vieux concept de conscience de classe ? N’est-ce pas une cause majeure promue par l’Open Society Foundation de George Soros et la National Endowment for Democracy partout dans le monde (on y reviendra dans un autre article) ? Cela n’aide-t-il pas à gagner le soutien de l’opinion publique aux guerres menées par les Etats-Unis que d’avoir des femmes sur les lignes de front, proclamant leur attachement aux « droits humains » ?

Pour la plupart des femmes, comme pour la plupart des Noirs, lorsque les salaires sont bas, leurs salaires sont bas. Lorsque les logements décents ou l’éducation sont trop chers pour la plupart des gens, ils le sont aussi pour les femmes. Lorsque les dépenses pour les guerres ruinent l’économie, c’est aussi leur économie.

Le fait est que les carrières à succès de ces briseuses de plafond de verre n’avancent en rien la cause de la majorité des femmes qui se trouvent encore loin d’un tel plafond à briser.

Ce n’est pas Hillary qui est en train de changer le système. Au contraire, c’est le changement dans le système qui est en train de promouvoir Hillary.

Diana Johnstone

Traduction “Il était une fois une méchante sorcière. Boum. La fin de l’histoire” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source: Le Grand Soir

 

Retrouvez Diana Johnstone pour parler de son livre Hillary, la Reine du Chaos, à la librairie Tropiques (Paris) le 6 septembre en compagnie de Jean Bricmont, Jean-Pierre Garnier, Michelle Brand et quelques autres complotistes du même acabit.

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