France : les lycéens en lutte pour l’égalité

Ce jeudi 20 décembre, environ 200 lycéens se sont rassemblés devant le Lycée Queneau de Villeneuve d’Ascq. Sous la pluie, faisant preuve de détermination, les jeunes prennent le micro pour entonner à l’unisson des chants et des slogans revendicatifs : “On n’est pas fatigués”, “Macron, t’es foutu, La jeunesse est dans la rue!”, “Un pas en avant, Trois pas en arrière ! C’est la politique du gouvernement !”

L’esprit joyeux contraste avec le déploiement disproportionné d’une vingtaine de policiers très semblables à des CRS, munis de leur casques et armes de dissuasion. Ce matin, leur présence a été à l’origine de quelques débordements, lorsqu’ils ont retiré les grilles qui servaient de barricades à l’entrée du Lycée. Les jeunes ont témoigné de plusieurs actions violentes dont celle du proviseur, qui, essayant d’empêcher l’installation des barricades, semble avoir perdu les nerfs “en bousculant tout le monde”. Il aurait pris par le cou un lycéen, qui se plaigne d’avoir été “étranglé”. Il s’est ensuivi des coups de matraque, ce que dénoncent les jeunes présents : “Les policiers n’y sont pas allés par quatre chemins”. Pour preuve, “un lycéen se déplace en boitant”, après être tombé “sur la pique d’une grille et été matraqué au sol”. 

La fierté des lycéens face aux provocations

Au micro, les jeunes dénoncent l”‘incompétence totale” du proviseur et rappellent le caractère pacifique du mouvement. Un assistant d’éducation confirme : “jusqu’ici, c’était pacifique, c’est l’intervention des policiers qui a rendu le climat tendu ce matin”. Au blocus de Queneau, les rassemblements ayant eu lieu depuis une dizaine de jours n’ont pas donné lieu à des dégradations. Le personnel chargé de la médiation avec les étudiants à la vie scolaire, ainsi que plusieurs professeurs y sont présents, et signalent l’ambiance “bon enfant” du blocus. “C’est ce qui fait la différence de notre mouvement à Queneau par rapport à d’autres” – indique un groupe de lycéennes.

Pendant une dizaine de minutes, l’arrivée de plusieurs fourgonnettes et le renfort de policiers génèrent une sensation d’angoisse chez certains lycéens qui se demandent : “On va nous gazer?”. En réalité, les fonctionnaires sont venus relayer leurs collègues. Malgré la pluie, la solidarité est là. Quelques jeunes ont ramené de quoi manger, et le distribuent collectivement. Cette initiative est devenue une bonne habitude au cours des rassemblements successifs.

Un mouvement riche en propositions

Mais pour quoi ces jeunes se rassemblent-ils, au point de risquer d’être la cible des débordements ou d’humiliations, comme cela a été perçu par de millions de citoyens en regardant la scène de Mantes-la-Jolie ?

Ils refusent le service militaire obligatoire que le président Macron a annoncé pour les jeunes français, tandis qu’ils souhaitent “avoir plus de moyens d’études”.” Notre but est d’étudier et non d’apprendre à faire la guerre”. Ils dénoncent aussi le “paradoxe de la société” dans laquelle ils se projettent : “en 2019, le gouvernement veut supprimer 2600 postes d’enseignants en collèges et lycées alors qu’il y aura 32.000 élèves de plus. Cela se traduira par plus d’élèves par classe, nous empêchant d’étudier convenablement, d’avoir accès aux savoirs et à la réflexion. Le gouvernement voudrait au lieu de cela nous entraîner à la guerre contre d’autres jeunes adultes comme nous”.

S’adressant à quelques lycéens restés à l’intérieur de l’établissement, un porte-parole lance : “on se bat aussi pour eux !”. La conscience de construire une société d’accueil et pas de rejet de l’autre, se manifeste aussi par la revendication d’accès gratuit pour tous à l’université. Ils dénoncent au passage l’augmentation faramineuse des frais d’inscription annuels pour les étudiants non européens : de 170€ à 2770€ en licence, et de 170€ à 3770€ en master et doctorat !

Enfin, les étudiants du lycée Queneau en lutte considèrent que “le gouvernement préfère financer des porte-avions coûtant plusieurs milliards d’euros plutôt que d’investir dans nos études et notre avenir”. Le dispositif “Parcoursup” est dénoncé pour avoir laissé en attente 115.000 étudiants cette année. Selon les lycéens, celui-ci “renforce les injustices” et “réalise une véritable concurrence (…), une rivalité entre nous”, en créant “plus d’écart pour empêcher les étudiants de classes populaires d’avoir accès à l’enseignement supérieur”.

L’injustice est une affaire très sensible que la jeunesse ressent de manière particulièrement aiguë. C’est une révolte saine pour la défense de l’égalité d’accès à l’éducation qui s’exprime, et qui devrait être saluée par l’ensemble de la société.

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