Femmes courageuses de la Commune de Paris

Martha Grevatt revient sur le rôle essentiel qu’ont joué les femmes dans la Commune dont on célèbre le 150e anniversaire. En face, les bourgeois de Versailles fustigeaient ces “pétroleuses” pour avoir abandonné leurs “devoirs féminins”. Mais les femmes de la Commune étaient éprises de liberté et rien ne pouvait les arrêter, à l’instar de la remarquable Louise Michel. De toutes les nobles causes, elle soutiendra les Kanaks, les Algériens ou encore les Vietnamiens aux prises avec l’impérialisme. (IGA)


 

Ce mois de mars marque le 150e anniversaire de la fondation de la Commune de Paris.
La Commune a été établie lors d’un conflit inter-capitaliste sanglant, nommé  Guerre Franco-Prussienne. En 1871, les ouvriers parisiens s’étaient révoltés contre le Gouvernement français de Défense nationale, siégeant à Versailles, qui avait l’intention de céder une partie de la France aux troupes des envahisseurs prussiens et de leur payer une amende.

Le 18 mars 1871, des femmes se sont emparées de canons appartenant à la milice populaire appelée Garde nationale. La Garde refusa de faire feu sur les femmes et repoussa les tentatives des troupes versaillaises de récupérer les canons.

Alors que la Garde nationale avait le contrôle de Paris, on prévit d’élire un nouveau gouvernement ouvrier, le premier de l’espèce. Mais la population s’inquiétait de la défense militaire de la ville. Dès le premier jour, les femmes assumèrent toute une série de tâches, certaines traditionnelles, comme les soins aux enfants, et d’autres moins. Elles cousirent des sacs de sable – et certaines femmes aidèrent à les entasser sur les barricades. Des femmes s’occupaient des blessés en tant qu’ambulancières. De nombreuses soignantes portaient des fusils ou des revolvers et tirèrent sur les troupes du gouvernement de Versailles.

Il y eut de nombreuses organisations de femmes, tels les Comités de Vigilance des femmes et l’Union des femmes pour la défense de Paris. Ce dernier était affilié à la Première Internationale, menée à Londres par Karl Marx. Il y eut de nombreux clubs sociaux où avait lieu une discussion politique. Beaucoup se tenaient dans des églises qui avaient été réquisitionnées. Certains de ces clubs étaient spécifiquement réservés aux femmes. L’éducation publique fut restructurée, indépendamment de l’Église catholique, avec des écoles mixtes pour filles et garçons. Des ateliers furent instaurés par les organisations de femmes, créant des emplois pour les femmes qui fabriquaient des produits nécessaires sur le champ de bataille, y compris des cartouches et des sacs de sable. Des préposées dirigeaient les cantines militaires, assurant le ravitaillement des soldats de la Commune.

Des femmes aidèrent à mettre en œuvre l’obligation édictée par la Commune que tous les hommes âgés de 19 à 40 ans s’engagent dans la Garde nationale – elles pourchassèrent et démasquèrent les resquilleurs. Elles dénoncèrent publiquement des officiers de police et leurs épouses comme agents de Versailles. De toutes ces façons, des femmes défendaient et promouvaient une vision d’une toute nouvelle société. Leur rêve fut réduit à néant par une campagne de terreur qui se termina le 28 mai avec 20.000 communards tués, leurs corps empilés dans des fosses communes, et plus de 43.000 arrestations. Parmi les victimes du massacre se trouvaient des passants et des enfants.

Les Pétroleuses

Le terme de « pétroleuse » fut inventé par la bourgeoisie pour discréditer les Communardes. Celles-ci furent attaquées non seulement pour avoir abandonné leurs « devoirs féminins » en tant qu’épouses et mères, mais elles furent aussi accusées d’allumer les feux qui faisaient rage dans Paris pendant les derniers jours de la Commune. Alors que les charges d’incendies criminels étaient largement infondées, les meneuses qui émergèrent de cette lutte de 72 jours, portaient bien une passion incendiaire envers l’égalité et la justice. La plus célèbre de ces meneuses hors du commun fut Louise Michel, qui possédait aussi bien le talent de tenir un fusil que celui d’oratrice politique. Elle a joué de nombreux rôles comme présidente du Comité de vigilance des femmes, y  compris la mobilisation des femmes pour soigner les blessés. Elle défendit le  droit des prostituées – qui n’avaient pas de travail régulier ou devaient compléter leurs maigres revenus – à servir d’infirmières. Certains hommes s’opposaient à leur présence.

Alors que des milliers de personnes arrêtées étaient rassemblées, Louise Michel échappa à la capture, mais elle se rendit en apprenant que sa mère avait été arrêtée à sa place.
On retrouvait parmi les autres dirigeantes de la Commune Béatrix Excoffon, André Leo, Elisabeth Dmitrieff (la responsable, âgée de 20 ans, de l’Union des Femmes), Nathalie Lemel, Anna Jaclard et Sophie Poirier. Beaucoup d’entre elles, comme Louise Michel, furent jugées et condamnées à de lourdes peines, y compris le bannissement dans une forteresse, des travaux forcés à perpétuité, des années d’emprisonnement ou l’exil dans des colonies pénitentiaires françaises, notamment la Guyane colonisée par les Français, en Amérique du Sud et la Nouvelle-Calédonie, dans l’océan Pacifique.
Beaucoup de ces femmes exceptionnelles ne manifestèrent aucun remords lors de leur procès. Michel a, mémorablement, déclaré à la Cour : « Je vous appartiens. Prenez ma vie si vous la voulez ». Elle fut bannie dans une forteresse de Kanakry.
 Lemel a témoigné sans s’excuser : « J’ai établi un manifeste avec quatre autres femmes. J’ai coopéré pour construire des barricades ». Sa sentence fut la même que celle de Michel (Edith Thomas, « Les Pétroleuses »).
Parmi les nombreuses femmes moins connues, qui furent aussi jugées et condamnées, il y avait des relieuses, couturières, cartonnières, fabricantes de lacets, prostituées et femmes au foyer. Les ouvrières avaient formé la base de l’Union des Femmes et des Comités de Vigilance.

Solidarité anti-coloniale


Louise Michel appuya en 1871 la révolte de 200.000 Algériens contre le pouvoir français. Elle fraternisa avec les rebelles qui, en même temps que 4.200 communards, étaient exilés à Kanakry. Michel embrassa la cause des indigènes kanaks, apprenant leur langue et utilisant ses talents d’enseignante pour offrir l’éducation aux enfants et aux adultes. Elle supporta le soulèvement de 1878 contre le vol des terres sous la politique française de « cantonnement ». Son leader, le Chef Atai, fut parmi les 1.200 tués quand la France réprima la rébellion. « Les Kanaks recherchaient la même liberté que nous avions cherchée lors de la Commune », écrivit Michel. On se souvient encore de sa solidarité à Kanakry, où une école primaire est nommée en son honneur. (Nic Maclellen, « Louise Michel »).

En 1880, une amnistie générale fut accordée à tous ceux qui avaient été condamnés en connexion avec la Commune de Paris. Après son retour à Paris, Michel co-présida une conférence réclamant l’amnistie pour les rebelles algériens. Elle condamna l’agression impérialiste française à Madagascar et au Vietnam.
« En aucune manière, je n’aurais pu m’empêcher de sacrifier ma vie à la révolution », écrivit Michel dans ses Mémoires.
L’esprit de 1871 est toujours vivant !

 

Source: Workers World

Traduit de l’anglais par J.H. pour Investig’Action

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