En Pologne une partie de l’Histoire est effacée

Dès 1990 et la restauration du capitalisme en Pologne, la « décommunisation » revêt divers aspects tant économiques (privatisation des entreprises, des logements), stratégique (adhésion à l’OTAN, à l’Union européenne), administratifs (lois de lustration de 1997 et 2006 visant à interdire l’accès à la fonction publique d’anciens « collaborateurs du régime ») que politiques (interdiction des symboles communistes en 2009).

 

Le souci de réappropriation de l’espace public par les tenants du libéralisme se traduit aussi par une première vague de débaptisations de rues et places évoquant le mouvement ouvrier. Exit les rues portant le patronyme de Róża Luksemburg, militante féministe et pacifiste, théoricienne du marxisme. Déboulonnées les statues de Feliks Dzierżyński, dirigeant de la Russie soviétique et fondateur de la Tchéka ou de Vladimir Ilitch Oulianov (Lénine), le père de la révolution d’Octobre.

Fleurissent alors les artères à la gloire de Karol Wojtyła (JeanPaul II), le chef de l’Eglise catholique, du général Władysław Anders, héros de la bataille du mont Cassin et croisé de l’anticommunisme, ou encore du maréchal Józef Piłsudski, à la tête, de 1926 à sa disparition en 1935, d’une Pologne sombrant dans l’autoritarisme…

Depuis le retour au pouvoir, à l’automne 2015, du parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość / PiS) de Jarosław Kaczyński d’obédience « national-catholique », est de mise l’accélération de ce processus dit de « décommunisation ». Un concept à mettre entre guillemets tant « le mot communisme n’a pratiquement plus été utilisé en Pologne depuis la Seconde Guerre mondiale jusque dans les années 1980 puisque le régime était « socialiste ».

A ce moment, les courants d’opposition les plus pro-libéraux ou nationalistes l’ont repris pour désigner « le régime » et ses partisans sous un angle péjoratif. Ce terme a constitué après 1989 un élément de légitimation et de recherche d’un ennemi pour le nouveau régime, toutes orientations confondues. Simultanément a commencé une réécriture de l’histoire, dans les manuels scolaires notamment, et de la symbolique visuelle du pays (monuments, noms de lieux, etc.) », précise volontiers l’historien Bruno Drweski. Désormais, le PiS imagine parachever l’œuvre amorcée, il y a près de trois décennies, et ainsi porter cette logique de « décommunisation » à son paroxysme.

Son ambition ? « Assainir » l’espace public de toutes références à la Pologne populaire (1944 – 1989). Mais pas seulement puisqu’il s’agit aussi de l’expurger de toutes traces du dévouement d’hommes et de femmes qui ont imaginé le développement de ce pays sur des bases égalitaires, payant, parfois de leur vie, leur engagement. Opposants au tsarisme au début du XXe siècle, combattants du fascisme en Espagne, résistants à l’occupant nazi, pour peu qu’ils aient été porteurs d’un idéal d’émancipation, aucun militant n’échappe à la stigmatisation du PiS et de son bras idéologique, l’Institut de la mémoire nationale (Instytut pamięci narodowej / IPN).

Fonctionnant comme un véritable « ministère de la Mémoire », selon la terminologie empruntée à l’univers orwellien, celui-ci ambitionne la réécriture de l’histoire de la Pologne dans un sens ultranationaliste et clérical.

Rien d’étonnant cependant à cette offensive sans précédent à l’heure où « une majorité de citoyens polonais continue à considérer que le bilan de la Pologne populaire est positif » et où la crise « économique et sociale commence à être de plus en plus mal supportée », poursuit Bruno Drweski. Cette campagne de démonisation du passé socialiste de la Pologne a suscité une levée de boucliers dans le nord de la France où des liens privilégiés ont été noués avec la Pologne. Au cœur d’un bassin livré, jadis, à l’exploitation charbonnière et où vivent des milliers de descendants d’immigrés polonais, des voix se sont élevés contre la volonté des autorités polonaises de revisiter l’histoire.

Ici, l’attention de la population s’est portée sur la Silésie où, dès 1945, ont été acheminés des centaines de mineurs de charbon polonais soucieux de participer au redressement d’une Pologne meurtrie par six années d’occupation nazie et les combats de la libération. Initiée par l’association Les Amis d’Edward Gierek, la contre-offensive s’est développée sur plusieurs mois. C’est le bilan de cette année de mobilisation que nous vous proposons de parcourir dans cet ouvrage.

 

Jacques Kmieciak, journaliste

 

 

Postface de l’éditeur

 

Durant la Seconde Guerre mondiale, des gens ont combattu contre l’occupant allemand, complice de nombreux crimes contre l’Humanité, et ennemi commun de la France et de la Pologne.

Polonais ou Français, habitant en France ou en Pologne, à peine arrivés de leur pays d’origine pour certains, ils ont alors donné leur vie pour que nous restions Français pour les uns, Polonais pour les autres, avec notre identité, notre culture, nos racines… Certains se sont engagés dans l’Europe en guerre pour sauver d’autres vies, en renonçant à leur propre existence. C’est si difficile de l’imaginer aujourd’hui. C’est un acte que l’on peut admirer !

Après les conflits, leurs mémoires ont été saluées justement et unanimement. Pour ne pas les oublier, certains noms ont fait l’objet de baptisations de rues, tant en Pologne qu’en France. Aujourd’hui, tout ceci est bafoué en Pologne où on efface une partie de l’Histoire.

Ces mêmes plaques sont, pour certaines, enlevées du fait que ces résistants étaient engagés dans un réseau d’obédience communiste. C’est la cause politique, si futile, qui est retenue. Je ne suis d’aucun parti politique, titulaire d’aucune nomination, et je ne peux passer sous silence ces actes d’effacement de l’Histoire, cette réécriture de l’Histoire…

Si j’ai accepté de publier ce compte-rendu de Jacques Kmieciak, c’est parce que je respecte les hommes, l’Histoire autant que la vie, ce qui a été, au-delà des querelles partisanes et des idéaux, au-delà des clivages politiques, des sensibilités et des influences silencieuses, et je la transmets aussi telle qu’elle s’écrit aujourd’hui !

Dans le respect, ou dans l’indignation ! Libre, ouvert à l’échange. L’avenir dira si j’ai eu raison. A mon tour, serai-je peut être effacé par ceux qui ne veulent ou ne peuvent saisir le sens profond de la vie.

Patrice Dufossé, Éditeur

 

Source : Avant-Propos et post-face de l’ouvrage « Pologne: J’écris ton nom Liberté… », reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur

 

Les Polonais du Nord : un exemple d’intégration réussie. Mythe ou réalité ?

 

 

Conférence-débat en partenariat avec Les Amis du Vieux Somain

 

Dans les années 1980 à l’heure où la thématique de l’immigration s’impose dans le débat public, les Polonais de France sont élevés au rang de modèle d’intégration. Or, le processus d’assimilation des mineurs de charbon ou ouvriers agricoles polonais appelés dans l’entre-deux-guerres à relever la France de ses ruines, ne fut pas un long fleuve tranquille.

Hostile à l’intégration, la puissante Mission catholique polonaise invitait d’ailleurs ses ouailles à cultiver l’isolationnisme dans la perspective d’un retour en Pologne. A l’heure des crises économiques à répétition, des milliers de familles polonaises furent renvoyés au pays. Des dizaines de syndicalistes ou de militants de gauche furent, à la même époque en raison de leurs activités, expulsés comme Thomas Olszanski ou Edward Gierek, les plus célèbres d’entre eux. Enfin, de 1946 à 1948, 62 000 Polonais de France, soit près d’un sur cinq, ont fait le choix du retour, volontaire cette fois, en Pologne. Des faits qui semblent contredire l’idée d’une intégration « facile et sans problèmes » des immigrés polonais dans la société française.

La conférence sera assurée par Jacques Kmieciak. Conférencier, il est titulaire d’un DEA d’histoire dont le mémoire était : « L’immigration polonaise dans le Nord-Pas-de-Calais de 1939 à 1952 ». Journaliste indépendant, il a consacré de nombreux sujets à l’histoire et l’actualité de la Polonia de France. Animateur de l’association Les Amis d’Edward Gierek, il travaille à la célébration du 70e anniversaire des retours en Pologne, des Polonais de France.

Où ? Au Foyer Culturel Municipal Henri Martel
Rue Achille Andris, 59490 Somain
Quand ? Le mardi 13 novembre à 20h

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