Élections Régionales au Venezuela: le triomphe du chavisme, l’opposition désorganisée et les médias en plein déni

Alors que le président de la Commission Électorale du Venezuela (CNE) lit les résultats des élections régionales ayant eu lieu le dimanche 15 octobre, on peut sentir l’agonie dans les salles de rédactions des medias mainstream. Le chavisme vient de gagner 18 des 23 (1) régions, un résultat qui, selon eux, n’aurait pas dû arriver. Les observateurs internationaux ont loué le processus électoral et les accusations de fraude, reprises naïvement par les médias, ne tiennent pas debout.

 

Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) a remporté une victoire retentissante lors de ces élections. Parmi les trois quart des régions sécurisées, certaines sont plutôt importantes. Hector Rodríguez, un jeune leader chaviste charismatique, a repris la gouvernance de Miranda à l’opposition. Miranda comprend une partie de Caracas et était le principal point chaud des violences de l’opposition des derniers mois. Un autre exemple concernait l’État de Barinas, d’où Chávez est originaire, qui avait montré quelque agitation ces mois passés. Le plus jeune frère de Chávez, Argenis, était le candidat et l’État était gouverné avec succès par le PSUV.

L’opposition a perdu les trois régions gagnées en 2012 (Miranda, Amazonas et Lara) et en a gagné cinq autres (Anzoátegui, Mérida, Nueva Esparta, Táchira et Zulia), avec trois de celles-ci à la frontière de la Colombie, soulevant des craintes de voir l’activité paramilitaire augmenter. La participation totale a été de 61%, en comparaison des 54% cinq ans plus tôt, et le PSUV a récolté 54% des votes, soit environ 5,6 millions de votes. Ceci marque un revirement complet par rapport aux législatives de 2015. Cela démontre aussi que le noyau central du chavisme reste très fort et ceci moins grâce à ses actions cohérentes qu’à l’incapacité de l’opposition à mobiliser ses supporters.

Carte électorale après les élections régionales de dimanche. Le chavisme a remporté 18 régions (rouge), et l’opposition cinq (bleu).

La réaction des médias est digne de figurer dans les livres d’histoire. N’ayant pas prêté beaucoup d’attention à ces élections, la période pré-électorale ne présentait que le même discours recyclé : « si les élections sont justes et transparentes, ce sera un raz-de-marée de l’opposition ». Une fois les résultats publiés, plutôt que de chercher à les comprendre et trouver pourquoi leurs prédictions étaient fausses, les médias sont simplement descendus dans le terrier du lapin. Selon leur récit biaisé et leurs sondages historiquement inexacts, c’était tout simplement impossible !

La preuve soutenant cette impossibilité était aussi moins que convaincante. Il y avait l’habituelle accusation non fondée, ou aisément contrecarrée, de « fraude » (plus ou moins tard). Le New York Times a ajouté la très scientifique déclaration comme quoi « la participation fut apparemment plus faible », alors que Reuters, avec sa crédibilité toujours plus douteuse, a été plus loin en parlant de votants forcés de voter une arme sur la tempe ! Plusieurs analystes ont paradé en déclarant que ces résultats étaient impossibles, certain argumentant même que c’était « inconcevable ». Il semble que ces journalistes et analystes aient violé l’une des règles cardinales de la circulation (de l’information) : ne jamais se griser de ses propres sources. Dit simplement, ils ont commencé à vraiment croire en leur propre propagande.

 

 Une défaite retentissante pour l’opposition vénézuélienne

 

Examinons maintenant dans le passé récent les actions de l’opposition vénézuélienne soutenue par les États-Unis. Tout d’abord, ils ont déclenché une vague de violence dans les rues en avril qui a provoqué plus de 100 morts (la plupart causée par la violence de l’opposition). Avec la propagande des médias à plein régime, ils ont déclaré être sur le point de « renverser la dictature ». Mais à part en quelques occasions isolées, la violence ne s’est jamais répandue au-delà des bastions de l’opposition, principalement dans Caracas est.

Après que Maduro ait proposé l’Assemblée constituante, l’opposition a refusé d’y participer et déclaré qu’ils l’empêcheraient d’avoir lieu. Ils ont même mis en scène leur propre « référendum » rejetant l’Assemblée constituante et ont appelé les forces armées à intervenir. Mais dans ce qui fut une démonstration de force massive des chavistes, ainsi qu’un rejet de la violence de l’opposition, plus de 8 millions de personnes ont voté le 30 juillet. Tout ce que l’opposition, et les médias, pouvait faire, c’était de déclarer que les chiffres étaient faux, basés sur des sondages bâclés à la sortie des urnes et des déclarations sans fondement de Smartmatic (2). Ces élections et la prise de serment de l’Assemblée constituante ont effectivement apporté la paix dans les rues.

Alors, après avoir déclaré renverser la dictature et demandé que Maduro se retire le lendemain, l’opposition s’est tournée vers ses supporters et leur a demandé le plus sérieusement du monde de sortir et de voter aux élections régionales. Certaines des factions dures ont refusé d’y prendre part (et réprimande maintenant leurs dirigeants de l’avoir fait) mais la plupart des partis de l’opposition ont poursuivi le discours absurde de « voter contre la dictature ». Finalement, l’absurdité les a rattrapés et le résultat fut une défaite retentissante. Et alors, comme une horloge, l’opposition a déclaré que les résultats étaient frauduleux. Franchement, que leur reste-t-il à faire ? Ils pourraient envoyer leurs candidats vaincus à Washington DC et continuer à former leur « gouvernement en exil ». (3)

 

Les contradictions du leader d’opposition Julio Borges à propos des élections régionales (traduits à partir de Misión Verdad)

 

Accusations de “fraudes” frauduleuses

 

Si la couverture médiatique du Venezuela conservait un minimum d’honnêteté, les articles expliqueraient comment fonctionne le système de votation, et donc que ces allégations de « fraudes » peuvent êtres mises en contexte. En résumé, les votants marquent leur vote sur une machine, un bulletin papier est imprimé, et s’il correspond au vote, ils le déposent dans une urne. Une fois le vote complété, un audit est conduit dans 54,4% des bureaux de vote, sélectionnés au hasard. Il consiste à recompter les bulletins papiers et voir s’ils correspondent, avec une marge d’erreur très serrée, avec le décompte électronique. Cela assure que statistiquement les résultats sont quasiment définitifs, et c’est ce que le président du CNE, Tibisay Lucena, veut dire quand elle annonce que les résultats sont « irréversibles ».

Les chavistes, l’opposition et les observateurs internationaux prennent part aux vérifications avant le vote, sont présents dans les bureaux de vote durant la journée, et sont aussi présents pendant l’audit. À la fin du processus, ils signent un compte-rendu (acta). Il est donc très difficile de dire qu’il y a eu une vraie fraude électorale. En fait, le candidat vaincu de l’opposition à Miranda, Carlos Ocariz, a dit qu’il avait lui-même eu les comptes-rendus en main et que ce n’était pas là le problème. Il est donc ridicule pour la France et le Département d’État des États-Unis de déclarer qu’il y a un problème dans le processus de remise des résultats.

La principale plainte de « fraude » dans les médias concernait la relocalisation de plus de 200 bureaux de votes (sur 13 500) loin des zones où l’opposition est la plus forte et dans des zones traditionnellement progouvernementales. Ce qui, de façon très commode, n’a pas été signalé, c’est qu’il s’agissait de bureaux qui n’avaient pas pu être ouverts lors des élections pour l’Assemblée constituante à cause des violences exercées par l’opposition, ce qui rend les préoccupations pour la sécurité du CNE plus que justifiées.

Il y a eu aussi des protestations à propos de candidats de l’opposition ayant perdu des élections primaires (contestées) qui n’ont pas été retirés des bulletins, ce à quoi le CNE a répondu que les demandes de retrait du vote n’avaient pas été remplies à temps. Mais au vu des résultats, tous les tournois électoraux concernaient virtuellement que deux candidats, avec à peine le moindre vote pour un candidat en troisième position et avec le gagnant remportant plus de 50% des votes ; toute conséquence due à cela était négligeable (à l’exception possible de l’État de Bolivar).

Une autre plainte concernait certains bureaux de votes n’ayant pas ouvert à l’heure. Ceci étant dit, même après la fermeture des sondages à 18 heures, quiconque fait encore la queue doit voter, donc cette plainte ne tient pas la route. L’un dans l’autre, l’opposition vénézuélienne, leurs soutiens et les médias voudraient faire croire au monde que les élections étaient frauduleuses parce que les votants de la classe-moyenne ne veulent pas attendre dans une file et encore moins voir des gens pauvres sur le chemin du bureau de vote.

Célébration chaviste après le triomphe électoral (photo par AVN)

 

 Le chemin à venir

 

Il est difficile de voir où va aller l’opposition vénézuélienne d’ici, avec des signes déjà évidents de luttes internes. Avec leur comportement du « culte de la catastrophe » il est improbable qu’ils aient le moindre succès dans la réactivation de la violence urbaine, et par conséquent leur destin repose essentiellement sur ce que l’empire américain peut faire. Ils espéreront que (plus) de sanctions peuvent infliger assez de souffrances aux Vénézuéliens pour qu’ils aient une chance de gagner les élections présidentielles l’année prochaine. Les plus fanatiques pourraient même espérer que Trump continue à menacer le pays d’une intervention militaire.

Une chose sur laquelle ils peuvent compter, c’est le soutien résolu et inconditionnel des médias mainstream. Alors que les votants et les supporters de l’opposition peuvent faire appel à leur mémoire et critiquer les incohérences et les contradictions, il ne faut pas en attendre de même de la part des médias. Ils continueront de se faire l’écho des déclarations disant qu’il y a eu fraude dans ces élections, que la participation du 30 juillet était exagérée, et à étirer l’histoire de cette ancienne procureur disant à tout venant qu’elle a la preuve de la corruption impliquant les fonctionnaires du gouvernement. Comme tout ce qui peut être utilisé contre le gouvernement bolivarien, on n’a jamais besoin de preuve.

Quant au chavisme, il est indéniable que les deux dernières élections ont été pour lui de sacrées victoires. Les analystes occidentaux mesurent et encore une fois n’arrivent pas à cerner la vitalité de la révolution bolivarienne, et rabaissent les chavistes à des zélotes au cerveau lavé ou des gens simplement effrayés de perdre leurs bénéfices (4). La réalité, c’est que, même à travers une grave crise-guerre économique qui les a frappés durement, et malgré ce que le leadership aurait dû faire différemment, les Vénézuéliens pauvres et la classe ouvrière voient encore ce projet comme leur appartenant, un projet duquel ils sont acteurs et non pas de simples spectateurs.

Le mandat de Maduro a sans doute vu le chavisme être sur la défensive tout le temps, avec une guerre économique, une baisse constante des prix du pétrole, deux incarnations de la violence guarimba et les constantes pressions et sanctions internationales. Tout juste sorti de cette victoire électorale et avec l’Assemblée constituante en place, il est impératif que le chavisme saisisse ce moment pour se radicaliser, pour passer à l’offensive, avec une année devant lui avant les élections présidentielles. Le soutien qu’il a retenu à travers cette tempête ne doit pas être tenu pour acquis, et il a maintenant une fenêtre de tir pour lutter contre la corruption, augmenter le contrôle de la classe ouvrière sur l’économie, augmenter l’influence des communes, etc. Ce n’est pas qu’une question de conserver la base impliquée, il s’agit de comment sera gagnée la guerre économique, de comment on construira le socialisme.

 

Notes

(1) Les résultats initiaux n’ont été finalisés que pour 22 des 23 États. Dans l’État méridionale de Bolívar, la victoire du candidat du PSUV a été confirmée d’une maigre avance.

(2) Smartmatic, la compagnie responsable du logiciel des machines à voter, a déclaré que “sans aucun doute” la participation a été gonflée d’au moins 1 million de votes. La déclaration a été rejetée par les autorités électorales du Venezuela car la compagnie n’a pas accès aux données électorales. Plusieurs organisations de solidarité ont envoyé une lettre au directeur de Smartmatic, Antonio Mugica, le 8 septembre lui demandant que la compagnie présente soit une preuve de sa déclaration soit des excuses. Il n’y a pas encore eu de réponse à ce jour.

(3) À point nommé, María Corina Machado a exhorté l’assemblée nationale contrôlée par l’opposition, qui est accusée d’outrage à magistrat depuis mi-2016, de nommer une nouvelle autorité électorale. On espère qu’il y a assez de place au siège des l’Organisation des États américains à Washington.

(4) Si seulement ils avaient une compréhension politique profonde et mature comme celle de l’opposition et son slogan “on ne veut pas être Cuba”…

Photo couverture : Le président Maduro a qualifié la victoire électorale de message contre l’impérialisme (photo par AVN)

 

Traduit de l’anglais par Jean-Noël Pappens pour Investig’Action

Source : Journal de Notre Amérique, Investig’Action

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