Des problèmes en perspective avec le nouveau gouvernement israélien

L’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement de coalition israélien, qui a prêté serment jeudi, présente un problème. Comment le décrire idéalement ?
Droitier ? D’ultra-droite ? D’ultra-ultra-ultra-droite ? Extrémiste ? Raciste ? Apartheid-iste ?

 

Tous ces qualificatifs seraient parfaitement applicables.

Il s’agit d’un gouvernement qui a l’intention de « légaliser » des avant-postes de colonies – autrement dit, de les rendre légaux selon les lois israéliennes plutôt que selon les lois internationales, selon lesquelles toutes les colonies en territoire occupé sont illégales.

Il considère, pour reprendre les termes de l’éternel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, que « le peuple juif a un droit exclusif et indéniable sur toutes les étendues de la Terre d’Israël ». Ces étendues comprennent apparemment les hauteurs du Golan, ainsi que « la Judée et la Samarie », mieux connues sous le nom de Cisjordanie – toutes étant des territoires occupés.

Faire valoir la primauté d’un groupe de personnes sur un autre, dans quelque contexte que ce soit, mais particulièrement dans un domaine à parité de population, tout en adressant sans vergogne un doigt d’honneur aux lois internationales, serait normalement considéré au mieux comme extrémiste ou, en restant prudent, comme carrément raciste.

Le problème, lorsqu’on applique ces épithètes, c’est qu’elles créent le sentiment que ce nouveau gouvernement s’écarte en quelque sorte des gouvernements israéliens précédents.

Et ce n’est pas du tout le cas.

 

La même chose que l’ancien patron ?

Il n’y a pas si longtemps qu’Israël s’est décidé à annexer des pans entiers de territoire occupé, sous un précédent gouvernement dirigé par Netanyahou, à l’époque où l’ancien président américain Donald Trump était au pouvoir.

Le plan de « paix » de Trump a été largement tourné en dérision et les plans d’annexion ont été mis de côté, même si Israël a obtenu la reconnaissance des EU pour son annexion des hauteurs du Golan en 1981, et ce, en infraction vis-à-vis des lois internationales, qui interdisent l’acquisition de territoire par la force.

Cela n’a pas dissuadé la formation d’une coalition « tout sauf Netanyahou » qui aurait pu inclure un parti « arabe » mais qui aurait également été dirigée par Naftali Bennett, un ancien chef du conseil Yesha qui supervise les colonies israéliennes dans les territoires occupés, qui s’est opposé à l’égalité des droits, a promu la construction de colonies et s’est vanté de « tuer des Arabes ».

Une telle politique n’est pas réellement non plus un nouveau phénomène. Les plans d’annexion de la Cisjordanie par Israël ont été lancés à la minute même où fut concrètement enclenché le peuplement juif sur place, c’est-à-dire directement après l’occupation de 1967. Après tout, pourquoi transférer des civils – si on peut appeler ainsi les colons juifs – dans un territoire militairement occupé s’il n’y a pas une intention de s’approprier ce territoire ?

Dans les termes du territoire occupé en 1967, le nouveau gouvernement promet plus ou moins la même chose. Peut-être à plus haute voix et de façon plus manifeste : L’affirmation que ce territoire est la propriété « exclusive et indéniable » du peuple juif va certainement plus loin que même la très discriminatoire loi israélienne de l’État-nation.

Mais c’est néanmoins la même chose. Israël va-t-il officiellement annexer plus de territoire ? Il pourrait le faire, quoique Netanyahou, comme d’habitude, en dit plus qu’il n’en fait, et qu’il ait déjà tenté de « rassurer » ses alliés en disant que les affaires suivront le même train que d’habitude.

 

Brouiller les contours

Il y a une certaine différence. L’expansion des pouvoirs du nouveau ministère de la « sécurité nationale », sous Itamar Ben-Gvir, chef du parti suprémaciste Pouvoir juif, prévoit davantage de contrôle sur la police israélienne (faites attention, les Palestiniens à l’intérieur des frontières de 1948 !) ainsi que le transfert au ministère de ce qu’on appelle la police des frontières, habituellement déployée contre les Palestiniens des territoires occupés.

C’est un autre flou dans la distinction entre Israël à l’intérieur des frontières de 1948 – moins la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza – et les territoires occupés en 1967 qui sont tous, rappelez-vous, le domaine « exclusif » du peuple juif. De plus, le soutien ouvert de Ben-Gvir à ce que les juifs aillent prier au complexe de la mosquée al-Aqsa est appelé à devenir une source de tensions graves.

 

 

 

La désignation de Bezalel Smotrich, du parti sioniste religieux (également des suprémacistes juifs), au poste de ministre des Finances signifie que les colons ne manqueront pas de liquidités non plus.

De plus, Smotrich et Ben-Gvir ont exercé des pressions pour accroître le contrôle du gouvernement sur la justice israélienne. Cela prépare la voie vers l’annulation potentielle des charges de corruption toujours existantes contre Netanyahou ainsi que vers la fin de l’interdiction de présence (déjà manifestement peu respectée) des parlementaires qui incitent au racisme.

En attendant, le transfert au ministère de la Défense du pouvoir de désigner un conseiller juridique à la section de l’armée qui supervise l’occupation constitue une étape de plus vers l’unification d’Israël et de la Cisjordanie. Il marque également « un pas important vers l’annexion et la consolidation du régime israélien d’apartheid en Cisjordanie », estiment plusieurs organisations des droits humains en Israël.

Ailleurs, l’Iran se retrouve une fois de plus dans le collimateur. Netanyahou a désigné Tzachi Hanegbi comme chef du conseil de sécurité d’Israël. Hanegbi, un anti-iranien de longue date, a déjà dit que Netanyahou autoriserait une frappe unilatérale contre l’Iran si Washington et Téhéran devaient échouer dans la recherche d’un accord nucléaire.

 

De l’agitation

Il faut s’attendre à pas mal d’agitation du côté des alliés occidentaux d’Israël, dont le soutien à Israël et les engagements affirmés envers les lois internationales sont en contradiction permanente.

L’attention sera concentrée sur Washington – l’UE est un bailleur de fonds de longue date, mais pas un acteur et, quoi qu’il en soit, elle n’a jamais été très embarrassée par les gouvernements Netanyahou précédents.

Il ne fait pas de doute que le président américain Joe Biden considérera la nouvelle coalition comme une source de migraine.

Mais Biden est opiniâtrement pro-israélien. Quand il a appelé Natanyahou pour le féliciter de sa victoire électorale, il lui a dit : « Nous sommes frères. Nous ferons l’histoire ensemble. »

Les EU ont également des morceaux bien plus consistants sur leur assiette avec la Russie et l’Ukraine comme priorité immédiate et la Chine comme priorité à long terme. S’il n’y a pas de déflagration grave – en présumant que Netanyahou n’a pas envie de se lancer dans une dissension avec les E U et qu’il peut exercer un contrôle sur des gens comme Ben-Gvir et Smotrich – à la suite de l’annexion habituelle par le vol, la politique d’apartheid pourrait agréer les deux parties.

Les nouveaux amis arabes d’Israël peuvent eux aussi trouver leur position plus malaisée à défendre. Et les suggestions disant que l’Arabie saoudite pourrait signer un accord de normalisation afin de repousser l’annexion imminente pourraient être plus difficiles à envisager pour Riyadh, étant donné le peu d’impact exercé sur le comportement d’Israël par les « accords d’Abraham ».

Les Palestiniens paieront la facture, comme d’habitude. Et peut-être est-ce l’Autorité palestinienne qui paiera le prix définitif. Réduite au rôle de distributrice de l’aide internationale et de sous-traitante de la sécurité, la direction de l’AP a depuis longtemps été considérée comme allant de soi par Israël, ignorée par les acteurs internationaux et royalement méprisée par la plupart des Palestiniens.

 

La douleur à venir

Le sort de l’AP – un État en attente sans statut d’État à l’horizon – sera remis en question de plus en plus régulièrement et il pourrait bientôt arriver à sa conclusion inévitable.

Que l’AP s’effondre ou pas sous le poids de sa propre insignifiance, les Palestiniens vont devoir compter sur un soutien populaire mondial (substantiel) et sur l’espoir que le gouvernement suprémaciste d’Israël veuille accélérer ce qui, jusqu’à présent, a constitué un glissement glacial mais significatif dans les perceptions populaires aux EU, et pas le moins chez les Juifs américains.

Il pourrait aussi y avoir une lueur d’espoir dans l’affirmation par la Cour pénale internationale qu’elle ira de l’avant dans son enquête sur les crimes de guerre, en admettant qu’elle se décide à s’y mettre.

La CPI va-t-elle entamer les procédures contre Netanyahou pour le crime d’apartheid ? Israël va-t-il annexer la Cisjordanie en tout ou en partie ? L’AP va-t-elle s’effondrer ? Israël va-t-il bombarder l’Iran ?

Ces questions et bien d’autres auront leurs réponses au cours des semaines, des mois et (peut-être, mais c’est peu probable, étant donné la durée de vie moyenne d’un gouvernement israélien) des années à venir.

Une chose au moins est sûre : Il y aura plus de douleur encore pour les Palestiniens, même si les amis et partisans d’Israël estiment qu’il est de plus en plus malaisé de proposer une défense cohérente des « valeurs » israéliennes.

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Omar Karmi est un journaliste indépendant et ancien correspondant à Jérusalem et à Washington, DC du journal The National.

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source:  The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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