De l’ubiquité du mal : la campagne contre Jeremy Corbyn, “menace existentielle pour les Juifs”

Pour ceux qui ne le sauraient pas déjà, en ce moment au Royaume-Uni, le leader du Parti travailliste Jeremy Corbyn est la cible d’une campagne médiatique tonitruante destinée à détourner les électeurs de sa candidature aux prochaines élections qu’étant donnée la faiblesse du parti Tory, le Labour est quasiment sûr de gagner, ce qui le placera incontournablement en position de Premier ministrable (le Premier ministre britannique est nommé par la Reine, qui doit choisir le leader du parti arrivé en tête des législatives). L’accusation majeure portée contre Corbyn : il serait « antisémite ». En réalité, il est seulement « coupable » de soutenir les droits des Palestiniens.

Quant à Craig Murray, il a été révoqué en 2004 de son poste d’ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan pour y avoir dénoncé des faits de torture et des violations graves des droits de l’homme. Malheureusement pour lui, l’Ouzbékistan était l’allié des USA et de la Grande-Bretagne.

 

 

Ma vision du monde a changé pour toujours quand, après 20 ans au ministère des Affaires étrangères, j’ai vu des collègues que je connaissais et que j’aimais s’aligner sur la complicité de la Grande-Bretagne dans les pires tortures, comme l’explique en détail le stupéfiant récent rapport de la Commission parlementaire du renseignement et de la sécurité [Rapport sur les mauvais traitements et la torture de prisonniers de 2001 à 2010, Commission d’enquête du Parlement britannique, PDF]. Ces collègues avaient également accepté de garder le secret sur cette politique, en contournant délibérément toutes les procédures normales d’enregistrement et de suivi des dossiers, comme la commission l’a noté :

 

131. Nous constatons ne pas avoir vu non plus vu les procès-verbaux de ces réunions, ce qui nous préoccupe beaucoup. Les discussions politiques sur une question aussi importante auraient dû faire l’objet de procès-verbaux. Nous approuvons la conclusion de M. Murray, à savoir que si cela n’avait pas été grâce à ses actions, ces questions n’auraient peut-être jamais été révélées.

 

Les gens qui faisaient ces choses n’étaient pas spécialement mauvais ; ils essayaient simplement de garder leur emploi et se rassuraient en se disant qu’ils étaient seulement des fonctionnaires qui obéissaient à des ordres. Nombre d’entre eux étaient également motivés par cette fièvre « patriotique » irresponsable qui s’empare de certains en temps de guerre, alors que nous envahissions l’Irak et l’Afghanistan. Presque personne dans le ministère des Affaires étrangères britannique ne s’était élevé contre la torture ou contre cette guerre illégale — Elizabeth Wilmshurst, Carne Ross et moi avons été les seuls à démissionner.

J’ai ensuite fait l’expérience encore plus mortifiante d’un ministère des Affaires étrangères qui a cherché à me punir pour ma dissidence par une série d’accusations d’inconduite grave — dont certains chefs d’accusation criminels. Mes accusateurs savaient très bien que leurs allégations étaient fausses. Les enquêteurs ont su qu’elles étaient fausses dès leur deuxième jour d’investigations, environ. J’ai néanmoins subi l’enfer d’un lynchage médiatique de six mois avant d’être acquitté de tous les chefs d’accusation initiaux (je n’ai été reconnu coupable que d’avoir révélé les chefs d’accusation dont je faisais l’objet, leur existence ayant été officiellement secrète !) Ceux qui m’ont fait ça étaient des gens que je connaissais.

J’avais été précédemment premier secrétaire de l’Ambassade de Grande-Bretagne en Pologne, où j’avais été brutalement confronté à l’histoire de l’Holocauste, notamment à travers ma participation à l’organisation de la commémoration du 50e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Ce qui m’avait le plus frappé était l’ampleur de l’opération de l’Holocauste, les dizaines de milliers de personnes complices de son administration. Je ne pouvais pas comprendre comment cela avait pu se produire — jusqu’à ce que je voie des gens ordinaires, au sein du Foreign Office britannique, se rendre complices de programmes de torture. Alors j’ai compris, pour la première fois, la banalité du mal ou, peut-être plus précisément, l’ubiquité du mal. Bien sûr, je ne compare pas l’ampleur de ce qui est arrivé à l’Holocauste – mais le mal peut opérer à des échelles différentes.

C’est ce que je crois revivre aujourd’hui. Je ne pense pas que la majorité des journalistes de la BBC, qui diffusent un flot continu de propagande contre Corbyn, qui serait selon eux « un antisémite », croient sincèrement Corbyn raciste. Ils ne font que leur travail, qui est d’aider la BBC à écarter la perspective d’un gouvernement de gauche radicale, au Royaume-Uni, qui menacerait le partage actuel des richesses, massivement opéré en faveur des élites mondialistes. Ils feraient valoir qu’ils ne font que répercuter ce que d’autres disent ; mais bien sûr, le choix de ce qu’ils rapportent et la façon dont ils le disent reflètent leur mission.

La vérité dont je suis certain est la suivante. Si, comme l’ont proclamé certains médias sur le ton de l’hystérie, les Juifs de Grande-Bretagne étaient réellement sous le coup d’une menace existentielle du type de celle qui a englouti les Juifs d’Europe dans les années 1930, Jeremy Corbyn, Billy Bragg, Roger Waters et, si je peux me permettre, votre humble serviteur, nous ferions partie des quelques personnes qui mourraient à leurs côtés sur les barricades. Pourtant, ils sont traités aujourd’hui « d’antisémites » et harcelés parce qu’ils soutiennent le droit à s’opposer à l’oppression des Palestiniens. Quant aux journalistes qui portent ou répercutent actuellement ces accusations, en cas de crise grave, ils continueraient à peaufiner leur propagande officielle pendant que les fonctionnaires rédigeraient des bordereaux de trains. C’est comme ça que ça marche. Je l’ai vu. De très près.

 

Traduit de l’anglais par Entelekhia/Tlaxcala

Source: Le site de Craig Murray

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