Crise COVID-19 : les oubliés des mesures de soutien

La pandémie de COVID-19 a été un choc. Les autorités ont pris des mesures d’urgence impactant de manière importante l’activité économique. Elles ont aussi rapidement décidé de mesures de soutien pour les travailleurs, salariés ou indépendants, qui ne pouvaient plus vivre de leur activité. Mais un an après le début de la pandémie, de nombreux travailleurs ne sont pas couverts par les mesures de soutien prises au niveau fédéral (chômage économique pour les travailleurs salariés, droit passerelle pour les indépendants), et n’ont pas d’autre perspective -pour ceux qui y ont droit- que le recours au CPAS.

Il s’agit souvent des travailleurs des « petits boulots » qui, avant la crise, étaient déjà les plus précaires. Avec la crise, ils subissent une double peine. En plus de ne pas bénéficier de mesure de soutien, ils ont été les premiers à perdre leur activité (et ils seront sans doute dans les derniers à le retrouver), parce qu’ils n’avaient pas d’engagement de longue durée.

Or on sait maintenant que la pandémie et ses suites nous impactera longtemps encore. Peut-être même faut-il apprendre à vivre avec une menace pandémique continue, comme c’est le cas sur d’autres continents. Il est donc indispensable de penser aussi aux travailleurs qui n’ont pas été soutenus jusqu’ici.

 

En italique, nos propositions/revendications.

 

Travailleurs intermittents

Travailleurs qui ont des occupations sporadiques, entrecoupées de périodes de chômage : on en trouve beaucoup dans le secteur artistique/culturel, qu’ils soient artistes, techniciens ou dans des métiers périphériques, mais il y a des travailleurs intermittents dans tous les secteurs d’activité. Il ne s’agit pas toujours de travailleurs intérimaires, les activités intermittentes étant beaucoup plus larges que celles du seul secteur de l’intérim. Vu la pandémie, les occupations sporadiques ont souvent disparu ou été annulées. Ces travailleurs devraient retomber sur le chômage « complet » (chômage normal), mais beaucoup ne peuvent pas y prétendre ou insuffisamment, parce que leurs occupations sporadiques ne sont pas suffisantes pour rentrer dans les conditions d’admission et/ou les règles de calcul de l’indemnité font qu’avec les occupations intermittentes, l’allocation qui leur est éventuellement allouée est très basse.

Avec la loi du 15/7/2020 prise par le Parlement fédéral en soutien au secteur culturel, les artistes et techniciens du secteur sont admis au chômage sur base de conditions temporairement allégées, qui tiennent compte de la nature intermittente des prestations dans le secteur (10 prestations ou 20 jours de prestation sur l’année précédente suffisent).

Cette loi d’urgence ne devrait pas être limitée au secteur artistique mais être étendue à TOUS les travailleurs intermittents.  10 prestations ou 20 jours de prestation sur l’année précédente devraient suffire, quel que soit le secteur ou la nature de l’activité.  Cette disposition doit en outre être prolongée. Actuellement elle ne court que jusqu’au 31 mars 2021.


Travailleurs de plateforme (régime de l’économie collaborative)

Depuis 2016, le régime de l’ »économie collaborative » permet de toucher un revenu de prestations pour des plateformes, jusqu’à 6390€ par an (montant 2021), sans devoir payer de cotisations sociales et avec un impôt forfaitaire très réduit. Ces prestations ne sont pas considérées comme du travail salarié, ni comme des prestations d’indépendant. Mais ces paiements sont déclarés par les plateformes, de sorte qu’on connaît exactement le revenu perçu.

Depuis le début de la pandémie, les revenus de l’économie collaborative, s’ils sont perdus ou réduits, ne donnent lieu à aucune aide.

Si un revenu de l’économie collaborative est perdu en raison des conséquences de la pandémie, une allocation de soutien proportionnelle au revenu perdu devrait être octroyée.

 

Activités en « indépendant complémentaire »

Le droit passerelle n’était octroyé qu’aux indépendants à titre principal. Ensuite un demi droit-passerelle a été ouvert pour les indépendants à titre complémentaire, mais uniquement s’ils ont un revenu (frais et cotisations déduits) d’au moins 6994€ par an.  Or il y a beaucoup d’indépendants à titre complémentaire qui ne gagnent pas ce montant, mais dont l’activité complémentaire est pourtant essentielle pour assurer leur survie (exemple : si un travailleur preste un mi-temps dans la grande distribution et gagne 900€/mois + 500€ par mois de son activité complémentaire, la perte de ce revenu complémentaire sera très significative pour lui, mais apparemment pas pour les autorités).

Si une activité complémentaire est réduite à cause des conséquences de la pandémie, le travailleur concernée devrait être soutenu en proportion de sa perte de revenu, sans condition de revenu minimum.

 

Même s’il ne s’agit pas nécessairement de travailleurs « freelance », nous voulons encore évoquer d’autres situations :

 

RPI (régime des petites indemnités), flexi-jobs

D’autres rémunérations, payées sous des formes impropres (RPI – régime des petites indemnités, forme de rémunération très utilisée dans le secteur artistique ; « flexi-jobs », forme de rémunération pour des prestations en « extra », très utilisée dans l’horeca) ne donnent pas non plus droit à une quelconque forme d’aide lorsqu’elles sont perdues.

Si un tel revenu est perdu en raison des conséquences de la pandémie, une allocation de soutien proportionnelle au revenu perdu devrait être octroyée.

 

Etudiants

Les travailleurs étudiants n’ont souvent droit à aucune aide :

L’étudiant sous contrat de travail « étudiant » n’a pas droit au chômage temporaire Corona (sauf pour les contrats pendant des périodes de vacances ou s’il suit uniquement des cours du soir ou de week-end).

L’étudiant a en plus souvent des contrats de courte durée, qui ne sont pas renouvelés à cause de la crise. Il n’a pas droit au chômage complet (chômage normal). A nouveau on voit bien les limites de créer des niches de travail sans cotisation : l’employeur ne paie pas de cotisations sociales pour un étudiant ; en retour, l’étudiant n’a pas droit au chômage en cas de problème.

L’étudiant indépendant (« étudiant-entrepreneur ») n’a pas droit au droit passerelle sauf s’il gagne plus de 13.993,77€ par an, ni au demi droit-passerelle, sauf s’il gagne plus de 6.996,89€ par an.

 

Travailleurs au noir

Personne n’ignore l’importance du travail au noir (même si on ne peut qu’en estimer l’ampleur), particulièrement dans les secteurs les plus touchés par la pandémie (horeca par exemple). Cela peut mener à des situations criantes d’injustice ; imaginons par exemple qu’un exploitant horeca est soutenu avec un double droit passerelle (ce qui, suivant la situation, peut être très généreux si l’exploitant est propriétaire de son local d’exploitation ou n’a pas de charge importante), alors que les personnes qu’il employait en noir ne perçoivent, eux, aucune aide (ou une aide partielle insuffisante s’ils étaient partiellement déclarés). Il est évidemment impossible de compenser la perte d’un revenu par définition inconnu.

Nous proposons, comme mesure générique et filet de sécurité social, d’augmenter temporairement substantiellement le RMI et allocations versées par les CPAS, tout comme on a doublé le droit-passerelle. Et de permettre à tous ceux dont les allocations de remplacement n’atteignent pas ces minima « rehaussés », de percevoir du CPAS un complément.

 

 

Martin WILLEMS

CSC United Freelancers

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.