Il est curieux que la France, et en particulier cette mairie du 16me arrondissement, accueille le 31 mai prochain une conférence concernant la politique israélienne en Afrique.

Mais rien ne nous étonne de la part de la France dont les ministres, leur président et certains parlementaires confondent antisionisme avec antisémitisme et pour ce faire s’alignent sur la définition donnée par l’alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste (IHRA), digne d’un dictionnaire fait pour les nuls par des nuls.

Rien ne nous étonne quant à l’indignité d’un Etat soutenant l’apartheid, les crimes de guerre et contre l’humanité dont sont victimes les Palestiniens depuis la Nakba. Rien ne nous étonne de la part de l’Etat israélien qui ment sur ses actes ; coupable d’avoir assassiné Shirin, il prétend que la balle n’est pas sortie du fusil d’un de ses soldats et tout comme il assure depuis 2001 que le peuple palestinien luttant pour ses droits inaliénables est un peuple terroriste, et tout cela avec l’assentiment d’une communauté internationale qui feint d’ignorer les crimes commis sous ses yeux. Il faudra bien qu’un jour elle décille ses yeux et assume sa responsabilité internationale pour l’aide apportée dans la commission d’actes illicites. 

Accueillir une telle conférence, organisée conjointement par l’ambassade d’Israël en France et par l’American Jewish committee (AJC) alors que l’on sait que l’Etat israélien commet au quotidien des crimes de guerre en totale impunité relève d’un accord implicite à la commission de ces crimes; qui sont de même nature que ceux que commet la Russie en Ukraine ; là, la communauté internationale, dans un élan unanime, demande des comptes. Politique du double standard dont usent et abusent les Nations Unies et cette même communauté.

Ne pouvant tenir cette conférence au Togo, le gouvernement israélien, qui tente depuis des années d’obtenir le statut d’observateur au sein de l’Union africaine -un ambassadeur israélien a été accrédité, en juillet dernier, dans le cadre de la commission de l’Union africaine, ce qui a causé quelques soubresauts au sein de l’institution-, sait pouvoir compter sur certains amis qui sont soumis au diktat étatsunien et qui ne peuvent rien refuser aux amis de ses amis. A-t-il pensé que le passé colonial de la France lui assurait une protection et le dédouanerait de ses visées coloniales en Afrique ? La France aide-t-elle ce pays qui devrait être mis au ban de la communauté internationale alors qu’elle perd la main dans les pays africains à qui elle a imposé une politique coloniale bien au-delà des indépendances ? Le cynisme n’a pas de fin….

Le maire du 16me, Francis Szpiner -ancien avocat de nombreux présidents africains-, accueillera des ministres israéliens, des ambassadeurs africains dont celui du Sénégal, des entreprises israéliennes et africaines ; signalons entre autres la présence de Rama Yade, actuellement directrice de l’Atlantic Council, du PDG de Future Africa (un fonds d’investissement africain dédié aux nouvelles technologies avec un bureau en Israël), du PDG d’ActiveSpaces ainsi que celle d’Irwin Boutboul, cadre chez Google Israël, de Shavit Dahan, directeur du développement chez Agrigo -solution technologique pour l’agriculture.

Parmi les 3 thèmes abordés, la diplomatie d’Israël, la technologie et l’agriculture et la sécurité, le second retient l’attention.

Dans un article du 17 mai dernier, d’un cynisme absolu, https://www.israelhayom.com/2022/05/17/israeli-envoy-turns-to-food-tech-to-win-hearts-minds-and-stomachs/), le journaliste rapporte que le jour de la fête de l’indépendance, le représentant de l’Etat d’Israël aux Nations Unies a réuni des ambassadeurs du monde entier pour leur faire goûter de nouveaux produits comestibles respectueux de l’environnement. La nourriture va ainsi devenir la prochaine ‘guerre’ menée par ce gouvernement, fatigué d’être mal traité par les Nations Unies. Une façon pour Israël de « gagner les cœurs, les esprits et les estomacs » comme le souligne le titre de l’article.

Il n’y a pas si longtemps, les colons gagnaient le cœur et l’esprit des Africains en leur échangeant des armes contre des babioles, puis une indépendance contre la mise en place du modèle de gouvernance euro-centrée avec l’aide de nombreux conseillers et coopérants qui ont permis le pillage systématique des ressources naturelles du continent et la fuite des cerveaux des jeunes africains.

Le cynisme et l’indignité n’ont plus de limite, alors qu’une crise alimentaire et de l’eau va frapper le continent voilà maintenant qu’un Etat criminel et colonial, va déverser sur l’Afrique une nourriture artificielle, plutôt que de laisser les peuples africains se centrer sur les cultures qui auraient dû leur assurer une souveraineté alimentaire avant que leurs marchés ne soient envahis de produits manufacturés et transformés ou que ne leur soit imposées des cultures vivrières exportées.

La terre africaine suscite bien des envies et des désirs. La Turquie, la Chine, les Etats Unis avec ses 34 bases Africom, et maintenant Israël qui use de la crise alimentaire pour justifier de son nouvel engouement pour le sol africain. Ne s’était-il d’ailleurs pas entiché, dès 2010, de l’Afrique et en particulier du Sénégal, au prétexte qu’Israël est le seul pays au monde qui a été en mesure de conquérir le désert. Plus de 50% de ce que nous exportons est produit dans des zones semi-arides. C’est notre atout, et c’est ce que nous aimerions apporter ici”, avait affirmé le ministre de l’agriculture de l’époque (https://www.reuters.com/article/ofrtp-afrique-israel-agriculture-2010042-idFRPAE63P0IR20100426).

Ainsi, sous prétexte de répondre à de réelles problématiques, dont la crise alimentaire et celle de l’eau, l’Etat d’Israël en profite pour mailler le continent africain de ses systèmes de sécurité et d’espionnage même quand il n’y a pas d’ambassade. La technologie israélienne a pignon sur rue en ce qui concerne le renseignement ; ainsi la vente de systèmes d’écoutes israéliens est pratiquée dans certains pays musulmans, comme le Nigéria et aide nombre de chefs d’Etat a espionné leurs oppositions. 

Israël se rend indispensable à l’Afrique et entend bien que ses relations avec les Etats soutenant le peuple palestinien se renforcent, évidemment au détriment des Palestiniens et de leurs droits inaliénables. A coup de nourriture, de lutte contre le désert et de services de renseignement, cet Etat espère que ses relations se normaliseront et qu’il pourra rejouer le coup de poker réalisé avec certains Etats arabes.

Mais cela ne masque-t-il pas la bataille que se mènent certains Etats pour la terre africaine ? La terre africaine, pas plus que les estomacs africains ne seront colonisés par un Etat colonial, criminel et d’apartheid. Rappelons-nous ce que disait Nkrumah « Aussi longtemps qu’une seule portion de la terre Africaine demeure sous la domination étrangère, le monde ne connaîtra pas la paix ».Cet avenir africain que se souhaite l’Etat d’Israël ne doit pas arriver. Espérons qu’il ne soit pas trop tard ?

Cette rapacité sur le continent africain doit nous rappeler les luttes de nos pères pour l’indépendance. Cette lutte n’est pas achevée, et c’est bien pour cela que certains estiment que ce continent leur appartient ou en tout cas qu’ils peuvent en tirer profit avec le soutien de présidents corrompus et dépendants du modèle capitaliste eurocentré. Elle n’est pas achevée ; elle est plus que jamais menacée, dès lors il revient aux Africains et à la diaspora africaine, y compris aux Afro-descendants, de revendiquer le droit à la souveraineté et à l’autodétermination du peuple africain et de refuser que le continent soit recolonisé par des Etats qui eux-mêmes en colonisent d’autres en menant des politiques illicites et meurtrières. L’Afrique a les moyens de faire face aux crises qu’elle traverse pour peu qu’elle refuse de se soumettre à des régimes racistes, capitalistes et libéraux. Elle ne doit pas oublier que ce qui se passe en Palestine, si des Etats comme les Etats Unis, Israël mettent la main sur ces ressources naturelles, se passera demain dans différents pays africains. Pour ces pays ne comptent que leurs intérêts, rien ne doit entraver leurs profits, et surtout pas les corps noirs.

Cette velléité expansionniste sous prétexte de garnir les estomacs africains oblige les politiques et le peuple africains mais aussi l’ensemble des afro-descendants, à repenser l’unité africaine qui ne pourra se réaliser sans la libération de la République d’Haïti mais aussi sans la libération du peuple palestinien maintenu sous le joug du colonialisme et de l’apartheid israélien dans lequel il est obligé de vivre puisque la communauté internationale l’a abandonné. Les luttes pour l’émancipation et le droit à l’autodétermination et à la souveraineté passe par une mise en relation de toutes ces luttes. Lutter pour Haïti, pour une Afrique Unie, c’est aussi lutter pour l’ensemble des droits inaliénables du peuple palestinien.

Comme nous refusons la FrancAfrique, les bases nord-américaines, Africom, refusons le rapt colonial qu’essaie de mettre en place l’Etat colonialiste, d’apartheid, raciste et libéral d’Israël en Afrique et continuons à sans cesse exiger l’autodétermination et la souveraineté pleine et entière pour l’Etat palestinien et son peuple, avec l’effectivité du droit au retour.

Source: Fondation Frantz Fanon