Fear the mustache of John Bolton

Comment Bolton, Netanyahu et Pompeo ont saboté les pourparlers avec l’Iran

Le livre de John Bolton sur Donald Trump fait grand bruit. L’ancien conseiller à la sécurité nationale dépeint un président incompétent et fantasque. Comprenez, le monde est danger avec un tel locataire à la Maison-Blanche. Mais venant d’un des pires faucons Washington, les accusations reprises joyeusement par la presse ne manquent pas de sel. Peu soulevé, un passage du livre explique ainsi comment Bolton, Pompeo et Netanyahou ont tout fait pour empêcher un rapprochement avec l’Iran voulu par Macron. Ce témoignage démontre à quel point les néoconservateurs toujours désireux de faire la guerre s’accommode mal de l’isolationnisme de Trump. (IGA)

 

Benjamin Netanyahu est mentionné plus de 30 fois dans le nouveau livre de John Bolton, « The Room Where it Happened », qui détaille ses 18 mois de travail tumultueux en tant que conseiller à la sécurité nationale du président Donald Trump.

La plupart des références au Premier ministre israélien sont de courtes descriptions de conversations entre Netanyahou et Bolton concernant l’Iran. Elles contiennent très peu d’informations nouvelles ou significatives.

Cependant, une histoire relatée plus en détail révèle comment Netanyahou avec Bolton et le secrétaire d’État Mike Pompeo, auraient saboté les tentatives de Trump d’ouvrir des voies diplomatiques avec Téhéran l’été dernier.

Bolton raconte cette histoire avec fierté, et laisse entendre que les efforts déployés par lui-même et Pompeo, avec le soutien de Netanyahou, ont empêché Trump de conclure un accord plus large entre les États-Unis et l’Iran, accord qui était alors poussé par le président français Emmanuel Macron.

Les événements décrits par Bolton se sont produits avant son expulsion de la Maison-Blanche. Tout d’abord, en juin 2019, Trump a surpris et déçu Bolton ainsi que les autres faucons anti-iraniens au sein de son administration en annulant, au dernier moment, une frappe militaire contre des cibles iraniennes en représailles à une attaque de Téhéran contre un drone militaire US. Bolton décrit cet événement comme l’une des décisions les moins professionnelles qu’il ait jamais vues de sa carrière dans la sécurité nationale.

Plus tard cet été-là, alors que les tensions avec l’Iran continuaient d’augmenter, Macron a commencé à offrir à Trump son aide comme médiateur entre les deux pays. Son grand projet, selon Bolton, était que Trump rencontre un haut responsable iranien fin août à la ville côtière française de Biarritz, alors que la France accueillait une réunion des pays du G7 en présence du président américain.

Bolton écrit que lui et Pompeo, les deux faucons anti-iraniens les plus en vue de l’administration, ont tous deux travaillé pendant l’été pour saborder les efforts diplomatiques de Macron et convaincre Trump de rejeter toute proposition. Mais Macron, explique-t-il, les a surpris en invitant Mohammad Javad Zarif à la réunion du G7, ouvrant la porte à une rencontre potentielle entre le ministre iranien des Affaires étrangères et Trump.

Pour Bolton, Pompeo et Netanyahou, cela était inacceptable, en particulier parce que Macron promouvait également une autre idée, à savoir une « ligne de crédit » internationale pour l’Iran, qui allégerait une partie de la pression économique grave exercée sur le pays à travers l’imposition de sanctions par Trump.

Bolton écrit que lorsque Trump est arrivé à Biarritz en août, il a eu une rencontre individuelle imprévue avec Macron, au cours de laquelle l’Iran était l’unique sujet de discussion. Selon Bolton, Trump a plus tard décrit cette conversation comme « la meilleure heure et demie qu’il ait jamais passée ».

Le lendemain, des rumeurs sur l’arrivée imminente de Zarif dans le sud de la France ont commencé à faire surface. Bolton a reçu un appel inquiet de Pompeo. Il avait parlé plus tôt avec Netanyahou des frappes aériennes contre des cibles iraniennes en Syrie qui avaient été attribuées à Israël. Bolton omet de mentionner dans le livre que tout cela se passait à peine trois semaines avant les élections israéliennes du 17 septembre, à un moment où Netanyahou était en baisse dans les sondages et en manque de la majorité dont il avait besoin pour obtenir l’immunité face aux poursuites pour corruption.

Après l’appel de Pompeo, Bolton a appris par le personnel de Trump que Macron avait invité le président à rencontrer Zarif. Trump était « impatient » de participer à la réunion. La réaction de Bolton fut de demander à son propre personnel de préparer un vol pour son retour aux États-Unis : si la réunion devait aller de l’avant, il démissionnerait immédiatement de la Maison-Blanche.

Pompeo et Bolton ont continué à manœuvrer pour empêcher Trump de rencontrer Zarif. Bolton écrit qu’ils communiquaient tous les deux avec Netanyahou et son ambassadeur à Washington, Ron Dermer. Bolton a demandé à Pompeo de dire à Netanyahu et à Dermer qu’il « se sentait comme la brigade légère », ce qui signifie que ses efforts pour arrêter la réunion se heurtaient à des forces puissantes contre lesquelles il n’était pas nécessairement équipé.

Selon Bolton, deux autres hauts fonctionnaires de l’administration, le secrétaire du Trésor Steven Mnuchin et le gendre et conseiller principal de Trump, Jared Kushner, étaient en faveur de la réunion avec Zarif. Pompeo s’est plaint à Bolton : « Nous avons Mnuchin et Jared, deux démocrates, qui dirigent notre politique étrangère ».

Bolton a confié à Pompeo son intention de démissionner, et le secrétaire d’État aurait répondu que si la réunion se passait, il ferait la même chose.

Bolton a écrit qu’il avait alors eu une conversation avec Trump, dans laquelle il a dit au président que si les États-Unis relâchaient ne serait-ce qu’un peu de la pression sur l’Iran, il serait « très difficile » de la remettre en place. Il a exhorté Trump à ne pas rencontrer Zarif, pas même pour une poignée de main privée, comme Trump l’avait laissé entendre à un moment donné. Bolton s’est dit encouragé, cependant, par le fait que Trump avait déconsidéré l’idée d’une ligne de crédit en déclarant qu’il n’y aurait pas de relâchement tant que l’entente n’aurait pas été conclue. Ceci, écrit Bolton, était le contraire de ce que Macron suggérait, ouvrir une ligne de crédit comme un geste de bonne volonté qui mènerait à d’autres négociations.

Netanyahou, quant à lui, tentait d’atteindre Trump directement pour expliquer sa forte opposition à la réunion. Mais, selon Bolton, il n’a pas pu joindre le président. Bolton a déclaré que Kushner était contre un contact avec les deux hommes, parce qu’il trouvait inapproprié pour un dirigeant étranger d’essayer de dicter à Trump qui il devait rencontrer ou pas.

Bolton était convaincu que la réunion avec Zarif aurait lieu avant la fin du sommet du G7, mais il ne fournit aucune explication claire quant aux raisons pour lesquelles elle n’a finalement pas eu lieu. À l’époque, la plupart des analystes écrivaient que la réunion n’avait jamais eu lieu principalement à cause des Iraniens, qui exigeaient un assouplissement concret des sanctions avant de donner à Trump la photo qu’il désirait.

Bolton conclut le chapitre en écrivant qu’il « ne pouvait pas exclure » la possibilité que Kushner ou Mnuchin rencontre Zarif au lieu de Trump, afin de « créer un futur canal de communication », et que cette option aurait causé de grandes inquiétudes aux responsables israéliens et aurait rendu Pompeo « furieux ».

« Je ne sais pas si j’avais convaincu Trump de ne pas rencontrer Zarif », conclut Bolton, « mais la décision de ne pas tenir la réunion était suffisante » pour empêcher Bolton de démissionner, du moins pour quelques semaines encore. Finalement, il a quitté la Maison-Blanche début septembre 2019. Au cours de l’année écoulée depuis ces mois d’été, il n’y a eu aucun progrès diplomatique entre les États-Unis et l’Iran.

 

Source originale: Haaretz

Traduit de l’anglais par JL Scarsi pour Investig’Action

 

Pour mieux comprendre la politique de Trump, retrouvez sur notre boutique en ligne Le Monde selon Trump

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.