Cela aurait pu être “le paradis pour tous”

 

This could be heaven for everyone
This world could be fed, this world could be fun.”
Queen

 

En Belgique la richesse a atteint des sommets sans précédent. Aujourd’hui, par habitant, nous produisons cinq fois plus qu’il y a soixante ans (1). Pour un ménage moyen de deux adultes et deux enfants cela représente un revenu potentiellement disponible de 8.650 € par mois et un capital de 785.000 € (2).

Avec une telle richesse il devrait être évident pour nous tous de vivre sans souci dans l’abondance. En tout cas les conditions matérielles pour que “ce soit le paradis pour tous” sont plus que remplies.

 

Que pourrait signifier “Le paradis pour tous” ?

 

Revenus d’intégration et allocations ont été majorés au-dessus de la limite de pauvreté. La peur quotidienne de tomber dans la pauvreté appartient au passé. Aujourd’hui elle concerne 20% de Belges.

Les ménages monoparentaux ne risquent plus de tomber dans la pauvreté ou la marginalité. Actuellement, 54% des ménages monoparentaux y sont confrontés.

Il y a plein emploi et les chômeurs peuvent cesser de craindre de ne pas arriver à boucler le mois. En 2017, cela reste un problème pour 70% des chômeurs.

La semaine est de 25 heures avec maintien du salaire. Si dès à présent le travail est réparti équitablement entre la population active (au travail et demandeurs d’emploi), on arrive déjà à une moyenne de 30 heures/semaine. En outre un travailleur du secteur privé non financier voit une part non négligeable de la valeur qu’il crée lui échapper. Il s’agit d’environ 43%, qui vont dans les poches de l’employeur ou des actionnaires, et une partie, d’un quart à un tiers, à l’Etat, sous forme d’impôts sur les bénéfices. Il ou elle travaille donc quinze heures “gratuitement” pour son patron. Si nous les réduisons à dix heures – bon pour les bénéfices et les revenus pour l’employeur ou ses actionnaires – la semaine de travail peut encore être réduite de cinq heures (3).

Une semaine de 25 heures n’est donc pas du tout radicale. Keynes, un des plus célèbres économistes, prédisait dès 1930 que ses petits-enfants ne devraient travailler que 15 heures par semaine pour disposer d’un style de vie correct (4).

Les gens peuvent prendre leur retraite à 65 ans et il existe des voies de garage dès 55 ans. L’augmentation de la productivité peut aisément absorber le vieillissement. Ces dix dernières années, le vieillissement a coûté 1,4 point de pourcentage du PIB, soit moins de 0,2 point de pourcentage par an. La croissance annuelle en est un multiple.

Désormais les citoyens hors UE ne vivent plus dans la pauvreté. Aujourd’hui c’est le cas de 70% d’entre eux. Il n’y a pas non plus de sous-emploi, de manque de services ni de logements, ce qui a fait disparaître les tensions entre divers groupes de population.

Plus de problèmes avec la facture des soins de santé. Plus personne ne reporte la visite au médecin ou l’achat de médicaments, par manque d’argent. Aujourd’hui, respectivement 26 et 88% des Belges en pâtissent (5).

Le modèle kiwi permet d’économiser 2 milliards (6). Rémunérer les médecins spécialistes d’une façon “normale”, par exemple en leur attribuant le traitement d’un professeur d’université, peut rapporter 2 milliards supplémentaires. Eviter les examens superflus en hôpital en abolissant le système du “paiement par prestation” rapporte encore 0,8 milliard. Ces mesures sont largement suffisantes pour résoudre le déficit médical .

L’enseignement est assuré de moyens et de personnel suffisants et il est à nouveau en tête au classement mondial. Le retard dans la construction d’écoles, qui se monte aujourd’hui en Flandre à 2.500 écoles, a été résorbé.

Finies les listes d’attente pour l’accueil des handicapés, des enfants, pour les maisons de repos ou les logements sociaux. Aujourd’hui 10% des Flamands sont confrontés à ces listes d’attente.

Toutes les habitations sont de qualité adéquate et sont suffisamment isolées. Il s’agit aujourd’hui de respectivement 37 et 60% des logements.

Chacun est en mesure de payer son loyer, de chauffer son logement et peut se permettre de préparer tous les deux jours un repas comportant viande, volaille ou poisson. Aujourd’hui ce n’est pas le cas pour 5% de la population.

Tout ménage peut désormais épargner et mettre quelques sous de côté pour les vieux jours ou pour les enfants. Pour 40% des ménages c’est impossible aujourd’hui.

Chacun peut partir en vacances sans souci. Actuellement 27% des ménages ne peuvent pas partir.

Ce sont en bonne partie les géants de l’énergie qui détiennent les remèdes aux objectifs climatiques. C’est pourquoi ils sont dans le secteur public. Ils sont passés en masse aux énergies vertes. En outre un vaste programme d’investissement – transports publics, isolation, capture et stockage du CO2, etc. s’emploie à réaliser à temps les objectifs climatiques décidés à Paris.

 

Pas assez d’argent pour tout cela ?

 

Les entreprises belges et les riches ne savent tout bonnement pas quoi faire de leurs montagnes de cash. Ces trois dernières années ils ont déplacé pour plus de 300 milliards d’euros vers des havres fiscaux (8). Avec 1 milliard d’euros, on peut employer 30.000 personnes pendant toute une année (9). Calculez ce qu’on pourrait faire avec ne serait-ce qu’une fraction de ce montant. Les dix familles les plus riches de notre pays disposent ensemble d’un capital de 42 milliards d’euros, pratiquement autant que les 2 millions des Belges les plus pauvres.

Jamais encore le fossé n’a été aussi grand qu’aujourd’hui entre ce qui est possible et ce qu’on réalise réellement. Autrement dit, vu le niveau élevé de prospérité dans notre société, c’est un véritable scandale si autant de personnes ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires.

En effet, ce monde peut être un paradis pour chacun, mais pour beaucoup, pour beaucoup trop de gens, il est hélas encore un enfer. Il est temps de réinitialiser en profondeur. Ou pour le dire comme Jacques Brel : “La plus grande forme de folie est d’accepter ce monde tel qu’il est et de ne pas se battre pour un monde tel qu’il devrait être” (10).

 

 

Notes :

 

(1) Calcul sur base de : Maddison A., Contours of The World Economy, I-2030AD, Oxford 2007, p. 377 et 379.

(2) Le revenu net disponible en Belgique s’élève à 28.700 dollars par personne sur une base annuelle. En euros cela revient pour un ménage avec deux enfants et deux adultes à 8.650 euro par mois. http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/countries/belgique-fr/ Le capital net total (financier et non financier) revient en tout à quelque 2.220 milliards d’euros. Les chiffres sont respectivement de 2014 et 2015. Sources : https://www.nbb.be/doc/dq/n/dq3/histo/nndc15.pdf p. 119 et http://moneytalk.knack.be/geld-en-beurs/sparen/in-deze-landen-hebben-de-inwoners-het-hoogste-nettovermogen/article-normal-755253.html .

(3) Source du rapport entre frais de personnel et “valeur ajoutée” : http://economie.fgov.be/nl/binaries/analyse-Structurele%20ondernemingsstatistieken_nl_tcm325-244851.pdf, p. 4

(4) http://www.econ.yale.edu/smith/econ116a/keynes1.pdf; p. 5

(5) Wetenschappelijk Instituut Volksgezondheid, Gezondheidsenquete 2013. Rapport 3: Gebruik van gezondheids- en welzijnsdiensten, Bruxelles 2015, https://his.wiv-isp.be/nl/Gedeelde%20%20documenten/Summ_HC_NL_2013.pdf , p. 36. : Gebruik van gezondheids- en welzijnsdiensten, Bruxelles 2015.

(6) Le modèle kiwi s’appuie sur l’approche de la Nouvelle-Zélande : des appels d’offre publics sont lancés pour les meilleurs médicaments. L’application complète du modèle kiwi peut abaisser le prix des médicaments de 50 à 90% en Belgique. https://ptb.be/articles/le-modele-kiwi-pour-les-nuls

(7) https://hiva.kuleuven.be/nl/docs/persberichten/201502_perstekst-GWO.pdf p. 4

(8) http://www.standaard.be/cnt/dmf20160714_02385565; http://www.standaard.be/cnt/dmf20170814_03017672.

(9) Un emploi coûte environ 50.000 euros par an. Cela en donne 20.000 par milliard d’euros. Avec l’effet retour fiscal, les prélèvements de sécurité sociale d’une part et moins d’allocations d’autre part, on arrive même facilement à 30.000 emplois voire plus. En outre ces nouveaux emplois relancent encore l’économie.

(10) Cité dans Mertens P. “Comment osent-ils ? La crise, l’euro et le grand hold-up” Bruxelles, 2012, p.312

 

Traduction du néerlandais : Anne Meert pour Investig’Action

Source : Investig’Action

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