Calomnies sur France 3 : Michel Collon réclame un droit de réponse

Le documentaire « Complotisme, les alibis de la terreur » de George Benayoun et Rudy Reichstadt diffusé par France 3 le 23 janvier calomnie Michel Collon en tronquant une citation prononcée en conférence, en lui faisant dire le contraire de ce qu’il pense. A ce jour, France 3 refuse toujours un droit de réponse contre ces calomnies. Cette attaque grave vise à discréditer et détruire le collectif de jeunes journalistes d’Investig’Action. Michel Collon va déposer plainte contre Reichstadt, Benayoun et la directrice de France Télévisions Delphine Ernotte.
 

 

Bruxelles, 3 mars 2018,

 

A la direction de France 3,

 

Ce 23 janvier 2018, vous avez diffusé un documentaire qui déforme mes propos, me calomnie et nécessite un droit de réponse.

Ce documentaire (réalisé avec la participation de France Télévision !) falsifie la phrase que j’ai prononcée lors d’une conférence publique. En la tronquant, c’est-à-dire en cachant la deuxième partie de la phrase qui lui donne son sens.

 

Tronquer et déformer ce que j’ai dit

 

Vous me faites dire : « Les frères Kouachi ont l’air de tomber du ciel. En réalité, ils ont été armés, formés militairement, endoctrinés, par Monsieur Fabius et ses amis… » Ce qui amène le spectateur à croire que j’accuse Monsieur Fabius d’être derrière l’attentat contre Charlie.

Mais cette interprétation est impossible si on entend la suite de mon intervention (on voit à l’écran que je continue à parler mais les auteurs du film ont supprimé le son !). Voici ma phrase entière : « Comme toujours dans les médias, on a les faits, une partie des faits, et de préférence, les sensationnels, et une autre partie des faits est mise de côté. Par exemple, les frères Kouachi ont l’air de tomber du ciel. En réalité, ils ont été armés, formés militairement, endoctrinés, par Monsieur Fabius et ses amis, qui ont envoyé pendant trois ans des milliers, des dizaines de milliers de frères Kouachi, faire encore pire qu’à Charlie, en Syrie et en Libye. »

Cette phrase complète est très claire : je reproche au Qatar et à l’Arabie saoudite (que Fabius soutenait activement) d’être responsables des crimes commis en Syrie et en Libye par les terroristes d’Al-Qaida d’abord et de Daesh ensuite. Je reproche aussi aux Etats-Unis et à leurs alliés dont la France d’avoir soutenu cette opération au Moyen-Orient. J’indique que les attentats commis en France et en Belgique en sont la conséquence, l’effet boomerang. La formulation écrite dans mon livre est encore plus précise que la formulation orale dans le feu d’un débat et ne laisse aucun doute. Vous avez donc déformé ma pensée.

 

Bafouer les règles élémentaires du journalisme

 

« Tailler dans les déclarations » est une pratique que dénonce Christophe Deloire, l’ancien directeur du Centre de formation des journalistes (CFJ) : «Une citation ne doit pas être transformée du tout. Lorsqu’elle est coupée, la règle est la suivante : le simple fait d’isoler une phrase ne doit pas en changer le sens».  Un avis partagé par Thierry Herman (professeur d’écriture à l’université de Neuchâtel), pour qui «on peut couper une phrase tant que l’on garde le sens». (1) Tous les manuels de journalisme confirment cette règle élémentaire.

En coupant trop tôt la citation après « ses amis », les auteurs du documentaire cachent délibérément mon véritable propos. Ils font croire que j’attribue à Monsieur Fabius la responsabilité directe de l’attentat contre Charlie. Pourtant, dans mon livre déjà cité, je dis explicitement le contraire page 240. Votre procédé est donc tout à fait malhonnête.

La production de ce film avait contacté l’équipe Investig’Action pour obtenir l’autorisation de diffuser ces images qui nous appartiennent. Nous lui avions répondu : « Si le réalisateur a la tentation de refaire une version actualisée du reportage de Mme Fourest et de manipuler l’extrait vidéo à partir d’une citation tronquée, nous ne pouvons pas vous autoriser à l’utiliser. » La mise en garde était très claire. La mauvaise foi des auteurs est ainsi démontrée. Il n’y a pas eu de réponse, donc pas d’autorisation. Nous réservons tous nos droits aussi concernant cet abus.

 

Cacher soigneusement mon travail d’investigation

 

Quand je dénonce, preuves à l’appui, le rôle des Etats-Unis derrière le terrorisme, cette dénonciation n’est pas gratuite. Dans mon livre Je suis ou je ne suis pas Charlie ? j’ai fourni plusieurs sources US qui disent la même chose : Zbigniew Brzezinski (interview du Nouvel Observateur (15 janvier 1998), le journaliste US Seymour Hersh (Prix Pulitzer) (p 72), le New York Times du 21 juin 2012 (p 83), l’amiral Stavridis, commandant suprême de l’Otan en Europe (p 67), Sibel Emonds du FBI (p 48) et même Hillary Clinton, déclarant en 2012 : « Nous, Etats-Unis, avons créé Al-Qaïda » (p 33). Auxquels il faut ajouter Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères. Louis Capriolo, ancien sous-directeur de la lutte contre le terrorisme à la DST française. Et le Figaro du 21 octobre 2011. Tous des complotistes ?

Tout ce travail d’investigation, exposé dans ce livre, et que personne n’a jusqu’ici essayé de réfuter, vous l’écartez. Pourquoi ?

 

M’accuser de « complotisme » en dissimulant tous mes écrits

 

Mais la malhonnêteté est beaucoup plus générale. Le simple fait de me classer parmi les « complotistes » est indéfendable. Car, dans mes écrits, j’ai explicitement critiqué le complotisme comme mode de pensée. Contre la thèse du « complot juif » dans mon livre « Israël, parlons-en » (p 348). Contre les fantasmes liés à l’attentat Charlie (p 239). Et contre la vision du monde complotiste dans mon livre Pourquoi Soral séduit.

Votre film pratique systématiquement l’amalgame. Vous y mélangez de purs complotistes fantasmatiques, des personnes qui ont des tendances complotistes sur certains points et des personnes qui ne sont pas du tout complotistes mais critiquent la politique des Etats-Unis et/ou d’Israël. C’est très malhonnête.

 

 

Qui est derrière Reichstadt ?

 

Pourquoi cachez-vous le fait que les références politiques de Monsieur Reichstadt sont les auteurs néo-conservateurs les plus extrémistes des USA comme Norman Podhoretz, qui voulait absolument bombarder l’Iran, « le principal foyer de terrorisme islamo-fasciste » (p 215) ?

Pourquoi cachez-vous que le MEMRI (d’où sont tirées plusieurs de vos images) est un think tank islamophobe fondé par Yigal Carmon, ancien colonel, ancien membre du renseignement militaire israélien ? Dont « l’intention est de trouver les pires citations du monde musulman et de les diffuser le plus largement possible » (p 224). Pourquoi cachez-vous le financement de ce bureau de propagande ? A savoir le Département d’Etat US et la Bradley Foundation. Celle qui avait financé le « Project for a New American Century » (PNAC) qui fut la base « théorique » des guerres de l’administration Bush et qui réunissait le vice-président US Dick Cheney ainsi que deux importants stratèges va-t-en-guerre Richard Perle et Paul Wolfowitz.

Pourquoi cachez-vous qu’au conseil d’administration du MEMRI on a trouvé l’ancien ministre de la Guerre de Bush, Donald Rumsfeld, son ministre de la Justice John Ashcroft, inspirateur du liberticide Patriot Act, James Woolsey, ancien directeur de la CIA, le général Michaël Hayden, directeur de la NSA puis de la CIA, Ehud Barak, ancien premier ministre d’Israël. Est-ce que tout ce monde-là est vraiment aussi « neutre » et « scientifique » que le prétend votre documentaire ?

Pourquoi cachez-vous le fait que la quasi totalité des « experts » français interrogés dans ce film ont pris des positions pro-guerre et pro-Israël ? Et qu’ils ont couvert ou excusé de nombreux crimes terroristes commis à cette occasion ? Parce que ces gens n’osent pas débattre ouvertement sur le fond des problèmes et qu’ils se réfugient dans l’insulte et la diffamation pour cacher la faiblesse de leurs arguments ?

 

« Financements opaques » ? Vous parlez de qui ?

 

Dans votre commentaire, prononcé d’une voix d’outre-tombe par André Dussolier (quelle honte d’employer un si bon comédien pour un si mauvais texte !), vous dites juste après m’avoir montré à l’image (à 31’59’’) : « Très visibles, jusque dans l’infamie, (…) leurs soutiens financiers sont toujours opaques ».

Ah bon ?! Monsieur Reichstadt et ses amis m’a-t-il seulement consulté sur ce point ? Non. A-t-il consulté les archives du Moniteur officiel belge indiquant la publication du bilan de notre association sans but lucratif ? Non. Mentionne-t-il que nous avons diffusé publiquement les chiffres de notre budget annuel ? Non. Si Monsieur Reichstadt avait fait le minimum du minimum des recherches qu’on est en droit d’attendre d’un « journaliste », il m’aurait posé la question. Et je lui aurais confirmé que tous nos revenus proviennent de la vente de nos livres et des petites donations de centaines de lecteurs !  Les chiffres ont déjà été fournis à notre public et sont disponibles !

Si j’avais réellement ces financements opaques, Investig’Action ne serait pas dans une situation financière constamment précaire, ce qui nous empêche d’embaucher davantage de journalistes et de chercheurs ! Quelle malhonnêteté flagrante !

M’accuser de « financement opaque » à l’encontre des faits, c’est insinuer dans l’esprit du spectateur que je suis forcément payé par tel dictateur ou tel gouvernement suspect. Cette calomnie porte atteinte à mon honneur et j’exige réparation.

Par contre, il serait intéressant de savoir qui finance depuis des années tout le travail nauséabond de Monsieur Reichstadt contre moi et contre d’autres personnes qui ont le malheur de déplaire à Israël !

Ceux qui sont « opaques », ce sont ceux qui refusent tout débat public contradictoire. Ceux qui agissent sournoisement en coulisses. Comme Bernard-Henri Lévy qui promeut le « travail » de Monsieur Reichstadt tout en exerçant sur les médias une emprise énorme, ainsi que l’explique la journaliste Aude Lancelin dans son récent livre « Le Monde libre » (Prix Renaudot 2016). Elle cite notamment la Société des journalistes de L’Observateur dénonçant « la servilité dont une grande partie de la presse française a fait preuve vis-à-vis de Bernard Henri Lévy » (p 137). Lancelin décrit : « Bernard-Henri Lévy faisait en l’occurrence régner à Paris une véritable terreur durant toutes ces années, distribuant des brevets de bonne conduite intellectuelle aux uns, appelant les patrons des autres pour les faire sanctionner, usant du train de vie que lui autorisait une fortune paternelle immense pour s’attacher les faveurs de tout un milieu » ( p. 55).

 

S’abriter derrière un discours pseudo-scientifique

 

Ce n’est pas la première fois, malheureusement, que votre service public laisse passer des calomnies et trucages. En 2013, sur France 5, Caroline Fourest avait été rémunérée pour un film aussi lamentable, « Les réseaux de l’extrême – Les obsédés du complot » sans accepter ni débat contradictoire ni de droit de réponse.

Depuis lors, la malhonnêteté intellectuelle de Mademoiselle Fourest a été démontrée maintes fois et notamment dans l’émission On n’est pas couchés de Laurent Ruquier, lequel a déclaré qu’il ne l’inviterait donc plus.

Plus récemment, le manque de sérieux de Monsieur Reichstadt a aussi été exposé lorsqu’il a publié une « enquête » intitulée « Huit Français sur dix croient aux théories du complot » d’une très grande faiblesse scientifique pour se limiter à un euphémisme.

 

M’assimiler à des racistes que je n’ai cessé de combattre

 

Le montage de votre documentaire est particulièrement malhonnête. Il me fait intervenir après une séquence d’une télé saoudienne extrêmement odieuse à l’égard des juifs. Alors que je n’ai cessé de dénoncer le racisme anti-juifs dans plusieurs de mes livres, articles et vidéos, cet amalgame est donc particulièrement dégoûtant.

De même, je n’ai cessé de condamner l’idéologie odieuse répandue dans le monde par les Saoud. Par contre, France 3 a-t-elle critiqué le président Hollande lorsqu’il a décerné la plus haute décoration française au prince Mohamed ben Nayef Al Saoud ?

 

Appel à la répression

 

Un des « experts » interrogés dans ce film, Monsieur Taguieff, assène : « Le complotisme est devenu un permis de tuer » (3’00’’). Cette phrase est extrêmement grave. Après m’avoir malhonnêtement associé à un complotisme que j’ai toujours combattu et m’avoir amalgamé à des prêcheurs de haine, ce monsieur me désigne à la répression envisagée par certaines autorités contre la liberté d’expressions critiques.

 

Qui a fait le jeu du terrorisme ?

 

Le but du film est d’accuser ceux que vous appelez « complotistes » de faire le jeu du terrorisme. Je n’ai pas de problème à tenir une réflexion sur les facteurs qui ont fait le jeu du terrorisme et qui ont contribué à provoquer ces épouvantables attentats en France et en Belgique (sans oublier ceux survenus au Moyen-Orient, n’est-ce pas ?). Nous avons tous à nous interroger.

Mais si on lance ce débat, pourriez-vous répondre aux trois questions suivantes…

1. En juillet 2011, à mon retour de Libye durant les bombardements de l’Otan, j’ai diffusé une petite vidéo où je donnais l’alerte : « Monsieur le premier ministre, les bombardements de l’Otan étaient basés sur des médiamensonges. Pour renverser Kadhafi, vous avez fait alliance avec des terroristes. Vous allez créer en Libye une base terroriste. Et si un jour, on ramasse des attentats à Bruxelles ou ailleurs, allez-vous expliquer que votre politique est à l’origine de tout ça ? » Pourquoi les médias ont-ils censuré cet appel que je lançais ?

2. En juin 2013, j’ai organisé à Bruxelles un débat « Jeunes partant en Syrie, que pouvons-nous faire ? ». Les grands partis politiques belges ont refusé d’y participer. Le débat, très riche, a eu lieu avec d’autres intervenants. Pourquoi les médias ont-ils censuré cet appel ?

3. En avril 2015, j’ai publié le livre « Je suis ou je ne suis pas Charlie ? » déplorant le fossé qui se creusait entre différentes couches de la population et appelant à débattre pour éviter la multiplicatioin des attentats.

Pourquoi l’avez-vous censuré ?

Ne pensez-vous pas qu’en tant que média de service public, vous avez le devoir de présenter au public les différentes voix qui s’expriment sur ces graves questions, y compris celles qui critiquent le gouvernement français ?

En considérant les nombreuses victimes des attentats criminels commis en France et en Belgique, ne pensez-vous pas qu’il est temps de mettre fin à la censure et d’ouvrir vraiment le débat ? Votre conscience ne vous interpelle pas ?

 

Refuser le débat contradictoire

 

A ce propos, un des « experts » interrogés dans votre film prône un « examen candide des faits ». Voilà qui est fort louable. C’est exactement ce que je vous propose. Débattons avec ce Monsieur Laurent Joffrin sans tabou aucun. Qu’il explique notamment pourquoi son journal Libération m’accuse d’avoir été en Syrie avec Frédéric Chatillon, un responsable du FN alors que je connais pas ce monsieur et que je n’ai jamais été en Syrie ! Curieux expert.

 

Un dommage matériel évident

 

Ce n’est pas seulement à ma personne que vous avez causé du tort, mais aussi à l’équipe des jeunes journalistes d’Investig’Action. Avec courage, ils réalisent dans des conditions difficiles un travail méthodique d’investigation et de documentation. Dans le but d’aider le public à y voir clair dans ce monde complexe. En calomniant ce travail, vous mettez en danger la survie de cette équipe Investig’Action et l’emploi de ces journalistes. Je ne peux l’admettre.

En me calomniant ainsi, vous avez sali mon honneur et je demande réparation.

 

Oserez-vous débattre ?

 

Le complotisme est un vrai problème aujourd’hui, il mérite des analyses et des débats honnêtes. Pas d’être récupéré et détourné par les défenseurs d’un certain colonialisme. Vous vous plaignez de la montée du complotisme dans la jeunesse ? Mais en supprimant les rares émissions où l’on pouvait dire « autre chose », en transformant « Ce soir ou jamais » en « Jamais », en écartant les opinions qui vous dérangent et pire : en les diabolisant, vous chassez le public vers ces réseaux. A vous de choisir donc ! Vous portez une grande responsabilité dans la suite des événements.

J’espère que vous allez corriger ces informations fausses. Plutôt qu’une procédure judiciaire – qui serait pourtant justifiée mais prendrait du temps – j’estime que l’intérêt du public est de pouvoir se faire son opinion au plus vite. En confrontant objectivement les diverses positions, en vérifiant qui présente des preuves et qui n’en a pas.

La meilleure solution me semble donc que vous organisiez rapidement un débat public sur votre chaîne avec les auteurs du documentaire et moi-même. La seule façon de faire éclater la vérité.

J’attends donc votre réponse sur cette proposition.

 

Bien à vous

Michel Collon

Fondateur d’Investig’Action

 

1. http://www.slate.fr/story/48857/mode-emploi-sortir-phrase-politique-contexte

 

Voici quelques textes publiés sur Investig’Action, exposant notre véritables positions et la fausseté de ceux qui nous accusent :

Dossier Spécial Charlie- les clés pour comprendre le terrorisme

A propos du « confusionnisme » et de l’extrême droite

L’attentat contre Charlie Hebdo : l’occultation politique et médiatique des causes, des conséquences et des enjeux

Charlie Hebdo : chercher à comprendre pour éviter les pièges

 

Source: Investig’Action

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