Boris Johnson ou “ The Survival of the Fittest ”

« La société, ça n’existe pas », disait Thatcher. Notre banquier éborgneur a exprimé cela à plusieurs reprises, comme quand il a évoqué ceux qui prenaient le train et ceux qui restaient à quai. Pour Johnson et les quatre cinquièmes de la classe politique britannique, la nature sélectionne avec discernement en permettant aux plus aptes, non seulement de survivre, mais de réussir.


J’écris ce billet au moment où le Premier Ministre britannique est au plus mal [il est depuis sorti des soins intensifs, NDLR]. Pour les siens, ses enfants, sa compagne enceinte de ses œuvres, je souhaite naturellement qu’il s’en sorte. Mais je ne peux m’empêcher de constater que la grave maladie qui l’afflige actuellement est hautement symbolique de la politique de la santé et de la politique tout court menées par les pouvoirs publics depuis Margaret Thatcher.

On pense parfois en France qu’avec sa tête de chien battu fou – quand il ne grimace pas – Boris Johnson est un olibrius. Rien n’est plus faux : il est brillant, très intelligent, il parle couramment plusieurs langues, ce qui est rarissime outre-Manche. Tout ce qu’il a réalisé depuis qu’il est aux affaires a été pensé, pesé. Á commencer – ou à terminer – par son rapport à la santé publique comme quand, au début de la crise, on le vit fanfaronner dans un hôpital, « fier » de serrer la main de malades atteints par le Corona. S’il s’est permis cette démarche suicidaire, ne sachant pas qu’il jouerait la fable de l’arroseur arrosé, c’est parce que, né dans la grande bourgeoisie britannique, avec ce qu’il faut de sang bleu (BOJO a des liens de parenté avec la majeure partie des familles royales d’Europe), il a toujours été pénétré de son appartenance à l’élite sociale du pays (« la crème de la crème », comme on dit en anglais), et donc qu’il était immunisé par la grâce de Dieu.

Mais ce geste aussi dérisoire que sinistrement drôle, il l’a également accompli au nom d’une idéologie politique dont on a maintenant pleinement conscience qu’elle est mortifère, celle du capitalisme financier. Ce capitalisme ne connaît que les individus. Pas même les structures familiales. « La société, ça n’existe pas », disait Thatcher. Notre banquier éborgneur a exprimé cela à plusieurs reprises, comme quand il a évoqué ceux qui prenaient le train et ceux qui restaient à quai. Pour Johnson et les quatre cinquièmes de la classe politique britannique, la nature sélectionne avec discernement en permettant aux plus aptes, non seulement de survivre, mais de réussir. Cette philosophie fut résumée au XIXe siècle par le biologiste et philosophe Herbert Spencer après qu’il eut dévoré L’Origine des espèces de Charles Darwin. C’est ce qu’on appelle en français courant « la loi du plus fort ».

Alors quand on est fort et qu’on est responsable politique, on fait passer le privé avant le public, l’individu avant la collectivité. Et on décide de la manière la plus crétine et criminelle qui soit … de ne rien faire. Ou, plus exactement, de laisser le mal pénétrer le bien en étant persuadé que le bien finira par l’emporter de par la volonté des individus. Concrètement, BOJO et ses acolytes ont souhaité diffuser le microbe dans toute la population pour que les individus s’immunisent par eux-mêmes. Mais avec, non pas le risque, mais la certitude – une fois que les plus forts (les “ fittest ”) auraient été immunisés – que plusieurs centaines de milliers de personnes mourraient, que tout le monde perdrait, selon les mots du Premier ministre, des « êtres chers ». Heureusement que BOJO n’était pas nazi !

Les raisons de cette macabre fuite en avant étaient politiques et idéologiques. Pour devancer les poules mouillées de tous ordres (France, Italie, Allemagne etc.), il fallait que la machine économique britannique ne s’arrête pas. Il fallait que la banque triomphe, que la Cité de Londres soit dans la Cité de Londres.

Le principal conseiller scientifique du gouvernement britannique n’est autre que sir Patrick Vallance, un ancien patron du géant pharmaceutique GlaskoSmithKline. 100 000 employés dans 116 pays, 30 milliards de livres de chiffre d’affaires par an. Les choses sont claires. Tout comme la philosophie du ministère de la Santé en ce qui concerne les pandémies dans un monde ouvert : « Il est très certainement impossible de contenir ou d’éradiquer le virus dans son pays d’origine ou à son arrivée au Royaume-Uni. Il faut s’attendre à ce que virus se diffuse inévitablement, et toutes les mesures visant à bloquer ou réduire sa diffusion n’auront certainement qu’un impact très limité ou partiel et ne peuvent même pas être utilisées de manière fiable pour gagner du temps. [La seule mesure à prendre est de] « minimiser les pics et d’assurer une communication efficace » [pour éviter la panique] (cité par Le Monde Diplomatique, avril 2020).

Mais l’ironie dramatique de cette sombre histoire « raconté par un idiot, pleine de bruit et de fureur », est que Boris Johnson, après avoir amplifié les difficultés du Service National de Santé, s’est fait admettre à l’hôpital Saint Thomas, situé juste en face du Parlement, un des fleurons de la santé publique britannique.

 

Source: Le Grand Soir

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