Bolivie: le droit à la communication et l’information

Durant la dernière décennie, la Bolivie a réalisé des progrès extraordinaires; elle est notamment devenue le premier pays du monde à atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU en matière de couverture en eau. De telles informations pourraient donner de l’espoir aux peuples du monde entier; ils sont cependant soumis à une censure des médias dominants sud-américains et européens. Et ce n’est pas tout, car les campagnes médiatiques désinforment constamment le public en diabolisant les leaders du Sud qui désobéissent à l’empire. Le Journal de notre Amérique a interrogé la vice-ministre des Politiques de communication de l’État plurinational de Bolivie afin de lui demander comment le peuple pouvait défendre son droit à l’information qui est censé être l’un des piliers de l’émancipation dans les pays démocratiques.

 

Quel est votre bilan personnel dans le cadre de la communication durant votre mandat de 2012 à 2016 ?

 

Au début de mon mandat, il manquait à l’État une politique de communication qui puisse contribuer à éduquer et à former la population. J’ai aussi constaté que les ressources économiques destinées à la communication étaient distribuées à une poignée concentrée de médias. D’un autre côté, la communication avait grandement besoin d’être modernisée car elle accusait un énorme retard.

Durant notre mandat, en collaboration avec la ministre de la Communication Amanda Davila, nous avons progressé dans trois domaines. D’abord, la création d’une politique de communication comme, par exemple, la démocratisation de la publicité gouvernementale qui a atteint plus de 600 médias, journaux, médias numériques, etc. Ensuite, la création d’un système de surveillance des médias de communication. Enfin, l’application de lois sociales qui protègent les droits de l’homme. Tout ceci a permis de réaliser des campagnes éducatives et de sanctionner les médias qui ne respectaient pas leurs obligations.

Nous avons aussi modernisé l’usage des nouvelles technologies de l’information (TI) du ministère de la Communication, permettant ainsi à plusieurs médias et secteurs sociaux de s’en servir.

 

La culture dominante reproduit les préjugés issus de l’eurocentrisme. Une de leurs conséquences est la culture de la banalisation de la violence. Pour combattre cette situation, quelle importance ont d’après vous les campagnes de sensibilisation et l’accès à l’information du grand public ?

 

Tout ceci est fondamental. La violence a un caractère structurel et historique. Les États comme l’État plurinational de la Bolivie ont donc l’obligation de réaliser des campagnes systématiques et permanentes afin de respecter la constitution politique de l’État et les lois en vigueur. Pour y parvenir, il faut utiliser tous les médias de communication (y compris les TI), respecter les langues d’origine ainsi que développer les processus de communication interpersonnelle.

 

En tenant compte de la période antérieure à celle du gouvernement d’Evo Morales, comment définiriez-vous la situation actuelle du plan de la communication nationale et de la décolonisation culturelle? Et quels défis sont toujours d’actualité ?

 

La communication du néolibéralisme n’avait qu’un caractère économique. L’État n’assumait aucune responsabilité concernant la communication de la société, son importance et son impact.

Avec Evo Morales, le gouvernement a fait des progrès historiques, inédits, à commencer par la reconnaissance du droit à la communication et à l’information dans la constitution politique et dans d’autres lois qui comprennent la mise en œuvre des médias de communication et des sanctions à leur endroit.

Il est cependant nécessaire de réviser quelques-unes de ces lois et d’ajuster certains règlements et procédés en vue de faire progresser la décolonisation culturelle, un long processus difficile entamé il n’y a que 11 ans.

 

Nous avons pu observer récemment comment de grands leaders de notre Amérique du XXIe siècle, comme Cristina Kirchner, Lula Da Silva ou Dilma Roussef, ont fait l’objet de virulentes critiques en partie par de grands monopoles médiatiques (Clarin, Globo, etc.). Le président Evo Morales a lui aussi été discrédité de la même manière. Qu’en pensez-vous ?

 

L’opposition nationale et internationale de forme articulée a adopté différentes stratégies afin de discréditer le président Evo Morales dans le cadre de ce qu’on appelle la Guerre de la quatrième génération, où les armes utilisées sont les médias de communications et les réseaux sociaux.

Ils ont exploité le filon du racisme et de la discrimination pour atteindre sa crédibilité. Toutefois, en matière de gestion publique, le président n’a été l’objet d’aucune accusation.

 

Y a-t-il d’autres exemples à souligner ? Et comment fait le gouvernement du MAS (Movimiento al Socialismo, parti au pouvoir) face à ces attaques ?

 

Les cas les plus emblématiques sont ceux du Fondo Indigena et de l’affaire Zapata. Le premier concernait les ressources destinées aux organisations sociales. Dans les cas détectés, les responsables de détournements de fonds de l’État sont en train d’être jugés. Le deuxième était l’histoire d’une femme, Gabriela Zapata, qui a proféré un mensonge en prétendant avoir eu un fils avec le président. Les deux cas ont été utilisés largement par les médias pour attaquer le gouvernement du MAS.

À part avoir dénoncé publiquement les journalistes et les médias de communication, le gouvernement a mis en œuvre des procédés juridiques qui ont donné raison au président.

 

Que répondriez-vous aux déclarations suivantes d’Emmanuel Colombié, responsable du bureau d’Amérique latine des Reporters sans frontières : «les journalistes (en Bolivie) font face à un État fort et déterminé qui tente de faire taire les voix dissidentes. La principale menace contre la liberté de presse est donc l’État»?

 

La liberté d’expression en Bolivie n’est pas restreinte et cette réalité a pu être observée à maintes reprises. Premièrement, elle est reconnue dans la constitution politique de l’État; deuxièmement, les cas d’infamie, d’insultes et de manipulations présents au quotidien dans les médias n’ont été censurés d’aucune façon; et troisièmement, aucun média n’a été muselé et aucun journaliste n’a été arrêté sous la gouvernance d’Evo.

 

Aux yeux du MAS, quelle est l’importance de développer un modèle de communication anti-hégémonique par le biais des réseaux de communication communautaires ou populaires?

 

Son importance est capitale puisque le MAS est fondé en pratique grâce à ces médias communautaires et populaires. Au début de son mandat, le président Evo a doté quelques organisations sociales de radios communautaires pour les aider à exercer leur droit à la communication. Le satellite Tupak Katari répond à l’urgence d’offrir aux zones rurales la technologie qui leur donne aujourd’hui accès à la télévision par satellite et à Internet.

 

Selon vous, que révèlent les attaques de la droite latino-américaine portées contre TeleSur ?

 

Elles font partie de la stratégie impériale ayant pour but d’étouffer la voix du peuple. TeleSur joue un rôle fondamental dans le monde des communications; il s’agit de l’unique média qui divulgue l’autre visage de la réalité latino-américaine. Il montre aussi aux Latino-Américains un visage différent des autres continents.

 

Comment les nations de notre Amérique peuvent-elles améliorer cet outil d’intégration régionale ?

 

Là où les gouvernements progressistes demeurent, il est nécessaire d’institutionnaliser TeleSur comme droit démocratique du peuple. Afin de développer cet outil, les nations doivent y participer davantage, en accroître la diffusion dans les réseaux sociaux et soutenir ses campagnes permanentes.

 

Traduit de l’espagnol par Laurent Sioui

Source: Le Journal de Notre Amérique, janvier 2017

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