BLACKOUT !

Certains, lorsque l’on débat des politiques à mener en matière de production électrique, agitent la perspective d’un blackout pour déterminer les capacités de production électrique à prévoir. Est-ce donc si grave cette panne électrique de grande ampleur ?

Le mot blackout est d’origine anglaise et a été utilisé lors de la Seconde Guerre mondiale. En effet, les autorités redoutaient les bombardements aériens nocturnes qui amenaient un nombre élevé de morts chez les civils et des destructions massives. Comme les avions ennemis se guidaient sur les lumières au sol pour se guider et trouver leurs cibles, les autorités ont imposé un blackout. Les réverbères étaient éteints, les fenêtres masquées par d’épais rideaux ou des cartons, les phares des voitures recouverts de dispositifs qui dirigeaient la lumière des phares vers le sol. On peut comprendre que les souvenirs de ce blackout imposé étaient très négatifs.

Mais ce dont il s’agit ici est différent. C’est la menace que, si la production d’électricité était trop faible, une panne généralisée se déclencherait. C’est pourquoi on prévoit une capacité de production largement supérieure à ce qui est consommé la plupart du temps pour éviter la surcharge.
Un blackout couvrant une très large région est arrivé en 2003 dans la région nord-est des États-Unis. Cet événement imprévu fut causé par une panne dans une centrale et puis, en cascade dans 256 centrales qui ont disjoncté, car en surcharge. Au-delà des responsabilités de la société privée First Energy qui fit preuve de négligence et n’avait pas prévu des dispositifs permettant d’éviter une surcharge sur des lignes importantes. Le début de cette chaîne d’événements fut la rupture d’une ligne de transport qui a touché des arbres à cause de la dilatation des câbles causée par la chaleur (on était le 12 août et les conditionnements d’air tournaient à plein régime). Cette panne dura, selon les régions, un peu moins d’un jour et eut pour conséquence des dommages estimés à 6 milliards $ ayant touché 50 millions de consommateurs. Il s’en suivit un renforcement du réseau électrique déficient. Une autre conséquence fur l’augmentation de la natalité 9 mois plus tard (quand la TV ne marche plus, on a enfin le temps pour se livrer à d’autres activités).

Un peu de technique

Un réseau électrique doit rester constamment en équilibre : la quantité d’électricité injectée sur le réseau doit toujours être égale à la quantité d’électricité consommée, sinon se déclenche le black-out. Il faut reconnaître que la production des énergies renouvelables, solaire et éolien, rend le maintien de cet équilibre plus difficile. En effet le vent et l’ensoleillement varient selon les conditions climatiques. Il faut que d’autres sources d’électricité compensent cette variation.
Le point d’équilibre sur les réseaux européens est de 50 Herz. Si l’on injecte trop d’électricité sur le réseau par rapport à la quantité consommée, la fréquence électrique augmente. Vu que les centrales sont conçues pour fonctionner dans une certaine plage de fréquence, il y a un risque qu’elles se déconnectent du réseau après un certain temps si la production est inférieure cela mène à une baisse de la fréquence qui peut induire un blackout.

Ce dont on nous menace au cas où la capacité de production est trop faible, les centrales déclenchent les unes après les autres, jusqu’à l’effondrement complet du réseau c’est-à-dire le blackout. Cette éventualité n’arrive donc que lorsque la consommation augmente beaucoup c’est-à-dire quelques rares soirs d’hivers quand tous les appareils électriques fonctionnent, notamment ceux destinés à lutter contre le froid.

Mais soyons rassurés, il y a des gestionnaires de réseau qui veillent 7jours/7 et 24h/24 à ce que cette fréquence reste stable. Le seuil de tolérance est de 0,050 Hertz en plus ou en moins. En Belgique le gestionnaire du réseau à haute tension est Elia. Il est chargé de mettre à disposition un réseau fiable pour le transport longue distance et les importations/exportations d’électricité. Ils disposent de plusieurs moyens de lutter contre un manque d’électricité, ce qui éloigne quasi totalement le risque de déséquilibre que l’on agite pourtant pour justifier le maintien de réacteurs nucléaires, notamment en Belgique les deux dernières centrales vieillissantes.

Il existe différentes méthodes pour éviter un déséquilibre du réseau, que nous allons détailler, plus particulièrement pour ce qui est du risque de blackout dû à un manque de capacité production.

Comment agir pour assurer l’équilibre du réseau ?

1) Diminuer ou augmenter la production d’électricité.

On peut démarrer des centrales de réserve. Les centrales au gaz nommées TGV (turbines gaz-vapeur) sont très réactives, c’est-à-dire qu’elles peuvent rapidement augmenter ou diminuer leur production. Elles jouent donc un rôle important dans la régulation du réseau. La construction de plusieurs centrales de ce type était prévue en Belgique, pour remplacer les centrales nucléaires. Hélas, l’augmentation énorme du prix du gaz suite à la guerre en Ukraine a bouleversé les plans. On va donc continuer à faire fonctionner un certain temps les centrales nucléaires bien que leur âge avancé laisse craindre des pannes. Elles devront aussi être arrêtées pour les réparer pour leur permettre de dépasser la durée de vie prévue.

2. Importer ou exporter de l’électricité

Le réseau belge étant interconnecté à un grand réseau européen, on peut également faire appel aux gestionnaires de réseaux voisins pour importer ou exporter de l’électricité. Les prix de ces importations varient selon l’offre ou la demande de courant. Des problèmes peuvent apparaître si tous les pays ont une forte demande au même moment.

3. Délester

Si vraiment les deux précédentes solutions étaient insuffisantes, l’on devrait recourir au délestage. Celui-ci consiste à priver momentanément certains consommateurs d’électricité pour éviter le blackout. Cette solution n’est utilisée qu’en dernier recours puisqu’elle est un blackout très partiel.

4. Stocker l’électricité

On dit souvent que le problème avec l’électricité est qu’elle ne peut être stockée. C’est partiellement vrai, car ce n’est pas possible à grande échelle. Mais, à l’avenir on des batteries de stockage géantes, réunies dans des conteneurs et qui pourraient assurer le rôle de tampon. Ces projets de stockage visent à lisser la charge sur un cycle de 24 heures, par exemple en chargeant les batteries en journée, quand le photovoltaïque est au maximum et restituer l’électricité au moment de la pointe du soir.

Un grand parc de petites batteries domestiques raccordées au réseau intelligent pourrait également jouer un rôle important. Les batteries des véhicules électriques pourraient avoir un effet similaire. Il n’est par contre pas envisageable, avec les technologies actuelles, de stocker l’électricité en été pour la restituer en hiver.

5. Réduire sa consommation d’électricité

Des accords sont pris avec certains clients professionnels consommateurs ou « prosomateurs » (à la fois consommateur et producteur) : en cas de risque de déséquilibre du réseau, ces clients industriels acceptent de réguler leur consommation et/ou leur production pendant un certain temps. Ils reçoivent en échange une compensation financière.

Mais on n’oublie ce qui est, aux yeux des partisans d’une transition énergétique réelle : les économies d’énergie. Avec la guerre en Ukraine et aussi l’approche du pic maximum de production de pétrole, les prix de toutes les énergies ont explosé. Les consommateurs s’en plaignent et il est vrai que pour les plus démunis il devient réellement très difficile de s’en sortir. Mais ils sont aussi, surtout les plus gros consommateurs (souvent les plus aisés) capables de réduire sensiblement leur consommation. De multiples manières d’y arriver, mais cela demande une réelle modification de son mode de vie. Les médias commencent à parler de sobriété, mais peu sont prêts à assumer ce que cela signifie.
Dans un autre article, nous listerons les nombreuses manières que l’on a pour participer à la transition énergétique et plus largement la transition écologique.

Conclusion

Le blackout est souvent agité pour inciter à investir dans des unités de production, souvent nucléaires. Or il s’avère que le parc est surdimensionné et que mettre en route l’ensemble de celui-ci est fort rare 99% du temps certaines unités sont arrêtées.

Les mesures proposées sont font souvent appel à des solutions techniques, avec le coût énorme des investissements nécessaires pour assurer les rares pics de consommation. Devant cette situation les sociétés de distribution et les autorités ne font pas appel à la participation des citoyens. Des campagnes de sensibilisation devraient être développées. On ne fait pas appel au civisme des citoyens. Et puis, avec l’augmentation sensible des prix de l’énergie, ils sont plus sensibles et l’on peut aussi agir sur leur intérêt pécuniaire.

Accepter une chasse aux gaspillages et se faire un participant œuvrant au bien commun doivent être prioritairement promus.

 

Source: Pour.press

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