Belgique : s’associer entre citoyens, une liberté menacée

“Qu’adviendra-t-il lorsque les activités comme la santé, la culture, l’enseignement… seront mises sur le même pied que l’extraction minière, les banques et les usines qui assemblent les voitures ?” Dans les suites de la pétition lancée par la Fédération des maisons médicales, une carte blanche collective témoigne des inquiétudes sur le futur statut des Associations sans but lucratif (ASBL).
 

 

Le Ministre Koen Geens a entamé en toute discrétion une vaste réforme du code des sociétés en y intégrant au passage les ASBL. La loi de 1921 qui leur donne la personnalité juridique devrait se diluer dans ce code. Le secteur associatif s’inquiète fortement et peine à faire entendre sa voix dans ce dossier complexe, débattu actuellement au parlement fédéral.

 

Plus de 60.000 associations sans but lucratif actives, portées par des centaines de milliers de citoyens travaillent à développer des activités d’intérêt commun, le plus souvent comme volontaires, mais aussi comme travailleurs du secteur appelé « non marchand ». Celui-ci, par opposition au secteur marchand, a pour objectif premier l’intérêt collectif et non le profit financier. Ce faisant, il constitue le troisième pilier de notre société démocratique, à côté de l’Etat et du secteur privé marchand.

Son rôle est irremplaçable : de la petite ASBL de quartier qui organise un club sportif, aux hôpitaux qui engagent plusieurs milliers de travailleurs en passant par la maison médicale ou le centre culturel, ces ASBL rendent des services d’intérêt général qu’aucun autre acteur ne pourrait accomplir avec la même pertinence. Mais voilà : Le gouvernement considère que, puisque la majorité des ASBL ont une activité économique, même accessoire, il n’y a pas de raison de faire une différence fondamentale entre une société commerciale et une ASBL. Il propose donc que celles-ci soient intégrées dans le droit classique des sociétés, en leur aménageant quelques spécificités.

 

Pourtant, intégrer les ASBL au code des sociétés tout en ouvrant la voie à des activités commerciales exclusives conduit à réduire la question fondamentale du droit de s’associer à celui de commercer. La Constitution belge, en son article 27, accorde aux Belges “le droit de s’associer” ; elle précise que “ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive”. La Loi de 1921 encadre ce droit puisqu’elle permet à une association d’obtenir la personnalité juridique à certaines conditions, somme toute assez légères. Cette Loi, outre son objectif de publicité et de contrôle, apporte une sécurité juridique à ses membres et administrateurs ; elle leur permet d’exécuter aisément des opérations de gestion comme l’utilisation collective d’un compte bancaire, le paiement de factures, la location de salle…

Demain, il y a fort à craindre que les personnes qui souhaitent s’associer pour mener une action désintéressée renoncent au statut d’ASBL au vu de la complexité, réelle ou supposée, d’un code plus contraignant qui compte plusieurs centaines de pages. À moins qu’elles soient simplement découragées et renoncent à leur projet associatif.

 

Si, effectivement, sociétés commerciales et ASBL ont en commun de générer une activité économique, elles diffèrent sur un point fondamental : les premières ont pour objectif premier de réaliser du profit à redistribuer aux actionnaires ; les secondes servent un but désintéressé. Leurs éventuels bénéfices ne peuvent pas être redistribués aux membres ; ils doivent être affectés à leur objectif au profit de la société.

 

Aujourd’hui, les pouvoirs publics soutiennent l’action associative de diverses façons : en permettant le volontariat, en organisant un régime d’impôt particulier, en accordant des exonérations de TVA, en octroyant des subventions à l’emploi ou en vertu de règlementations particulières fixées dans des cadres qu’il veut soutenir… Ces soutiens via des ressources collectives visent à protéger une série d’actions des seules lois du marché, à garantir l’accès aux services pour les plus démunis, à permettre l’éclosion d’actions hors des cadres de profit… La mise en parallèle des statuts de sociétés commerciales et de l’ASBL porte en germe un parallélisme complet des règles applicables.

 

Qu’adviendra-t-il lorsque les activités comme la santé, la culture, l’enseignement, l’accompagnement social, les petits clubs sportifs… seront mises sur le même pied que l’extraction minière, les banques et les usines qui assemblent les voitures ?

 

A l’heure où le politique est à ce point décrié, et où les inégalités sociales se creusent toujours plus, où des multinationales ferment leurs sites alors qu’elles réalisent des bénéfices, nous avons plus que jamais besoin d’un secteur associatif fort, différencié, reconnu, porté par des citoyens engagés dans la construction d’un monde où le commerce et le profit ne sont pas les seules mesures des relations humaines. Diluer le statut d’ASBL dans un code des sociétés, c’est réduire le droit de s’associer entre citoyens à des aspects de simple gestion : c’est inacceptable !

 

Dès lors, nous lançons un appel, via une pétition en ligne, à tous les parlementaires et tous les citoyens de ce pays, pour rejeter cette initiative qui montre à la fois la méconnaissance et le dédain qu’a ce gouvernement envers l’engagement associatif.

 

 

Signer la pétition online

 

 

Source : Maison Médicale

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