Au Venezuela, le droit au logement est rendu possible par la Révolution

Dans le quartier d’Antímano, dans la capitale Caracas, se dresse un bloc de maisons très particulier. Ses habitants l’ont construit de leurs propres mains, après qu’en 2011, à l’initiative du président Hugo Chávez, un peu moins d’un hectare de terre a été exproprié de la société Polar. L’idée était de sauver des terrains urbains abandonnés qui ne remplissaient aucune fonction sociale, au profit de familles en situation de “risque social, sans logement propre et de jeunes couples qui fondent des familles”. 

 

 

En janvier 2011, la loi d’urgence sur la terre et le logement a été approuvée, dont le décret Area A Vivir (Zone à Vivre, NdR) a rendu possible la récupération des terres et le développement du logement social : “l’État ne permettra pas l’existence de biens non résidentiels ou de terrains abandonnés, inutilisés, sous-utilisés ou dont l’utilisation est insuffisante et dont les conditions actuelles remplissent le potentiel pour répondre à l’objet de la loi”. C’est sous la proclamation de Chávez, “le drame du logement n’a pas de solution dans le cadre du capitalisme, seulement dans celui du socialisme”, que le camp des pionniers a pu prendre forme.
 

Le camp Amatina est situé dans une zone industrielle, mais d’autres camps ont également été mis en place “dans des zones abritant les classes supérieures, les classes moyennes et périurbaines, s’adaptant à des contextes urbains aux caractéristiques différentes”, explique Nelson Rodríguez, vice-ministre du logement. À Amatina, il y a environ 140 familles qui se réunissent en assemblées hebdomadaires. Iraida Morocoima, l’une de leurs porte-paroles, accueille les visiteurs pour partager cette expérience : “Beaucoup de gens dans ces familles n’avaient pas la moindre idée de comment fixer une brique. Il y en avait certainement d’autres qui étaient maçons, mais la plupart d’entre nous étions des femmes. Le premier défi était de reconnaître que la construction d’un bâtiment de cinq ou six étages était nécessaire ; c’était difficile, nous ne pouvions même pas le concevoir”. Pour y parvenir, les pionniers se sont appuyés sur les matériaux de construction et les conseils techniques fournis par l’État dans le cadre de la Gran Misión Vivienda Venezuela. 

 

 

Les plans architecturaux ont été étudiés et finalisés sous la supervision des futurs habitants, en fonction des besoins spécifiques de chacune des familles. “Cela nous a servi d’outil pour donner une approche différente à ce type d’urbanisme. Si nous n’avions pas politisé cette construction, nous serions tombés dans l’erreur de reproduire le modèle familial préconisé par le capital : des espaces de vie conçus uniquement pour un homme et une femme, et changeant même de couleur de peau… Mais nous avons dit non, car il existe ici un prototype de famille différent. Notre but était de bâtir une communauté”. Un exemple ? “Il n’y a pas d’ascenseur dans le bâtiment, les personnes âgées et handicapées vivent donc au rez-de-chaussée. Avant de venir ici, cette fille handicapée n’avait nulle part où partager. Maintenant, nous avons ici cet espace de réunion, où elle peut venir et participer à des fêtes”, assure Moracaimo.

 

Une fois que le soutien de l’État fut obtenu par le biais de l’assistance technique, le camp a établi un modèle de construction autogérée, sans entreprise de construction. De cette façon, “pour l’État, le coût du projet a été réduit de moitié”, concède Nelson Rodríguez. Mais le plus important, c’est la dynamique de participation qu’elle a provoquée, avec “des centaines d’heures d’organisation des familles et les 11 autres mouvements d’habitants qui leur sont venus en aide : du matériel et des ressources ont été prêtés, elle fonctionne comme un réseau, un système dans lequel on échange des travailleurs, on fait un achat commun de machines, etc.”

 

 

Une fois le droit au logement établi, le retour de l’usage d’un terrain abandonné, l’outil permettant à la communauté de consolider son objectif était d’assumer l’auto-gouvernement. C’est l’une des notions de base de ce camp. “C’est le premier projet qui a été réalisé, et il y a sûrement beaucoup d’erreurs que nous avons faites, avec des fissures dans le mur, mais nous apprenons. Et le plus important, c’est ce que nous avons appris avec cette conception participative, parce que nous sommes très conscients que vivre ici doit être différent”. C’est une idée bien établie parmi les familles, y compris parmi les plus jeunes. Alors que je monte les escaliers de l’immeuble, je m’adresse à un enfant qui m’accompagne pour lui dire combien la communauté doit être reconnaissante envers le gouvernement bolivarien. Sa réponse spontanée casse en mille morceaux le concept “d’assistanat” appliqué de façon récurrente comme le sceau caractéristique des processus latino-américains du socialisme au XXIe siècle : “Nous faisons cette Révolution, personne ne nous la donne”.

 

Nelson Rodríguez insiste sur l’idée que le camp d’Amatina n’est pas seulement une maison : “ce ne sont pas seulement des maisons, mais aussi des espaces communautaires, des espaces productifs comme des coopératives, des jardins communautaires, des services communaux comme une banque, une boulangerie, une usine… Ce qui est recherché, c’est la construction d’une communauté de vie et des moyens de production basés sur l’auto-gestion. C’est un projet intégral de production et d’approvisionnement”. Il y a ceux qui relativisent ce type de lutte pour le droit au logement, en donnant des leçons depuis leur tour d’ivoire, mais pour d’autres, c’est intolérable et il faut y mettre fin de quelque façon que ce soit : “beaucoup de secteurs économiques n’ont pas accepté cette intervention étatique. La droite dit qu’il y a des processus de confiscation des terres. Elle a l’intention de les rendre, car selon la droite, elles ont été confisquées par la Révolution. C’est une bataille, l’entreprise veut initier un processus pour les récupérer”. Loin d’être conçue comme une expérience isolée, ses protagonistes cherchent à l’étendre à toute la géographie vénézuélienne afin de renforcer la construction de “l’État communal”, destiné à saper les fondements de l’institutionnalité et à remplacer ainsi progressivement les anciennes structures étatiques, adaptées aux besoins de la classe dirigeante pendant les décennies de gouvernements issus du Pacte de Punto Fijo. Il s’agit donc d’approfondir la démocratie participative au détriment de la “démocratie restreinte”.

 

Sans aucun doute, ce sont les expériences communales comme celle d’Amatina qui expliquent le mieux l’esprit donquichottesque et l’attachement incorruptible de ce peuple à son gouvernement; c’est aussi pour cette raison que Nicolás Maduro a été réélu président en mai 2018, défiant la crise économique, les menaces de putsch de la droite, l’annonce de la non reconnaissance de l’UE et les sanctions de l’empire Obama, puis Trump. Morocoima résume ainsi la situation : “Nous ne sommes pas venus vivre ici pour ensuite devenir une autre classe sociale. Nous vivons ici pour défendre la Révolution, pour maintenir ce processus révolutionnaire. Nous sommes un peuple digne et combattant : Chávez est venu, Bolivar nous a fait revivre et maintenant nous sommes Guaicaipuro, Bolivar et Chávez ensemble !” Les Indiens, les Créoles et les métis sont les symboles de la souveraineté du Venezuela et de sa généreuse identité en faveur de l’intégration ; sa incarnation en ces trois personnages historiques prouve bien que ce peuple a rendu réalité ce qui semblait impossible : tenir les rênes de son destin contre vents et marée.

 

 

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