Amérique Latine en Résistance: Pandémie, sanctions et elections

Editorial / La guerre contre le Venezuela

 

Un pays “normal”, dans des conditions “normales”, pourrait importer de la nourriture, des médicaments, des carburants et tout ce qui était nécessaire, dans un système hégémonique où les vertus du “marché libre” sont exaltées. De la même façon, un pays normal dans des conditions normales n’aurait aucun problème à exporter du pétrole ou toute autre matière première demandée sur le marché mondial.

De même, un pays normal dans des conditions normales devrait pouvoir procéder à des élections selon les normes et les dates requises par sa condition.

Maintenant, en situation de pandémie, un pays normal devrait non seulement être en mesure d’importer (ou d’exporter) ce dont il a besoin, mais devrait également avoir accès aux crédits d’organisations multilatérales afin de résister à l’impact économique d’une crise comme celle-ci.
Sauf que le Venezuela n’est pas un pays “normal”.

Depuis que Hugo Chávez est arrivé au pouvoir et a conduit le pays sur une voie indépendante et anti-impérialiste, et vers le socialisme, l’hégémonie du nord ne s’est donné aucun répit dans le souci d’éliminer un adversaire insolent de son arrière-cour.

Et c’est ainsi que, au milieu d’une pandémie mondiale, Washington a non seulement atténué mais intensifié son agression contre la nation des Caraïbes.
Après un embargo sur le pétrole, un blocus total, des sanctions secondaires contre d’autres sociétés qui ont acheté du pétrole vénézuélien, une interdiction d’exportation de diluants pour le Venezuela, le Département du Trésor a également commencé à persécuter les compagnies de navigation qui transportent du brut vénézuélien.

Après des années passées à bloquer de plus en plus l’accès vénézuélien aux marchés financiers, les États-Unis et leurs alliés ont commencé à séquestrer des actifs de l’État à l’étranger, toujours avec l’aide de leurs marionnettes locales comme Guaidó.

Après toutes ces étapes, nous en sommes arrivés à une scène aussi absurde que scandaleuse qui a eu lieu dans un tribunal de Londres les premiers jours de juin. En faisant quelque chose qu’un pays “normal” n’aurait jamais fait, le Venezuela a signé un accord avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour pouvoir accéder à ses réserves d’or déposées à la Banque d’Angleterre, et pouvoir acheter, par le biais du Agence des Nations Unies, des aliments et des médicaments indispensables dans ce contexte. Mais, la justice anglaise a décidé qu’elle devait suivre la ligne du gouvernement britannique, en reconnaissant, rien de moins, comme leader un député qui s’est autoproclamé un jour “président par intérim” sur une place.

L’objectif est simple, étouffer tous les Vénézuéliens jusqu’à ce que le changement de régime souhaité se produise et ramène les élites asservies au pouvoir. Qu’est-ce qu’une pandémie sinon une occasion de continuer à essayer de renverser des gouvernements indésirables?

Et puis il y a la question électorale. La constitution vénézuélienne exige la tenue d’élections législatives en 2020, pour choisir l’Assemblée nationale pour la période 2021-2025. Cependant, Washington et ses alliés ont déjà annoncé qu’ils ne reconnaîtront pas les élections, sanctionnant les (nouvelles) autorités électorales et même des éléments de l’opposition désireux de participer au jeu démocratique.

Pour sa part, Guaidó et l’aile de l’opposition la plus proche du Département d’État refuseront également de participer aux élections, défendant le fait qu’il ne peut y avoir d’élections qu’une fois que Maduro aurait quitté la présidence. De cette façon, ils se préparent, avec l’aide des sponsors à Washington, à continuer indéfiniment avec Guaidó dans la “présidence intérimaire”.

Les précédents ne manquent pas. Et il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin dans l’auto-proclamation absurde de Guaidó. En janvier 2020, alors qu’il était temps de renouveler la présidence de l’Assemblée nationale, une faction de l’opposition a retiré son soutien à Guaidó, qui a fini par perdre son poste.

En réponse, le chef de l’opposition a rencontré ses partisans dans le siège d’un média anti-Chaviste et a proclamé un parlement parallèle (où il a continué en tant que président). Immédiatement après, les États-Unis et les alliés habituels ont déclaré que c’était le Parlement qu’ils avaient reconnu. Comme si de rien n’était.

Telle est la réalité d’un pays “exceptionnel” à plusieurs titres. Pour avoir commis le crime de refuser de se soumettre aux desseins du nord, l’empire américain fera tout ce qu’il peut non seulement pour punir le Venezuela, mais pour servir d’exemple à tous ceux qui envisagent de défendre leur dignité. Et pour les médias, c’est parfaitement «normal».

 

Brèves

 

République Dominicaine / Changements politiques

 

Luis Abinader sera le prochain président dominicain (Diario 16)

Les élections générales en République Dominicaine ont provoqué des changements politiques drastiques dans ce pays des Caraïbes.

Ces élections présidentielles, qui ont connu un très fort taux d’abstention, ont abouti à la victoire de Luis Abinader, homme d’affaires, candidat du Parti Révolutionnaire Moderne (PRM), parti issu d’une scission du Parti Révolutionnaire Dominicain (PRD).

Le grand vaincu est le Parti de la Libération Dominicaine (PLD), qui outre la présidence, actuellement exercée par Danilo Medina, perd également la majorité au Congrès Dominicain.

Les élections ont été dominées par le coronavirus, et Abinader a centré sa campagne sur le «changement», avec deux axes principaux : la lutte contre la corruption et la croissance économique.

 

Brésil / Élections municipales retardées

 

Le Congrès brésilien a décidé que les élections municipales prévues en octobre 2020 sont reportées à novembre 2020 en raison de la pandémie de coronavirus. Il a été décidé que les deux jours d’élections, initialement fixés au 4 et 25 octobre, seront reportés au 15 et 29 novembre de cette année.

Mais il n’y aura pas de prolongation des mandats actuels et l’intronisation des nouveaux élus aura lieu le 1er janvier 2021.

Les Brésiliens se rendront aux urnes pour élire le maire, le maire-adjoint et les conseillers des 5 570 municipalités de ce pays sud-américain.

 

Colombie / Crise dans l’armée

 

L’armée colombienne traverse une crise (El Tiempo)

La Colombie est sous le choc depuis qu’il a été rendu public qu’une enfant indigène Embera Chamí, âgée de 12 ans, a été enlevée puis violée par sept militaires colombiens, dans un refuge à Risaralda, dans le centre-ouest du pays.

De plus, après la révélation de ces faits, le commandant en chef de l’armée, Eduardo Zapateiro, a déclaré que 118 autres cas d’abus sexuels présumés commis par des membres des forces armées, au cours de ces quatre années passées, faisaient l’objet d’une enquête.

« Sur les 118 personnes impliquées, 45 ont été exclues de l’armée et 73 seront jugées par l’institution militaire », a-t-il précisé. Selon ce général, le ministère public et l’armée enquêtent sur ces affaires pour déterminer les suites à donner.

 

Amérique Latine / L’OMS prévoit plus de 400 000 décès

 

L’Amérique Latine et les Caraïbes vont compter environ 438 000 décès dus au Covid-19 d’ici le 1er octobre « si la situation actuelle se prolonge », a prévenu l’Organisation Panaméricaine de la Santé (OPS).

Selon le modèle établi par l’Institute for Health Metrics and Evaluation de l’Université de Washington (IHME, en anglais), ce centre américain qui conseille l’OPS, les décès tripleront presque d’ici le 1er octobre sur tout le continent américain, (États-Unis compris) et dépasseront le nombre de 627 000.

Selon cette même étude, le Chili et la Colombie connaîtront un pic de la pandémie dans les prochains jours. L’Argentine, la Bolivie, le Brésil et le Pérou, le connaîtront en août.

 

Mexique / AMLO en visite aux Etats-Unis

 

AMLO avec Trump (AP)

Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) s’est entretenu avec Donald Trump à la Maison Blanche. L’entretien a porté sur les relations économiques entre les deux pays ainsi que sur la question de l’émigration d’Amérique Centrale vers les États-Unis.

Bien que Trump et AMLO aient construit l’un et l’autre leurs campagnes électorales présidentielles respectives sur la base de leur hostilité envers leur voisin, cet entretien entre les deux présidents a été qualifié de « cordial. »

S’adressant à la presse, le représentant mexicain a souligné l’importance du nouvel accord de libre-échange entre les deux pays avant de louer le fait que M. Trump ait traité le Mexique comme un pays « digne et souverain ».

Pour sa part, le président américain a souligné la « confiance mutuelle » entre les deux présidents et la collaboration du Mexique sur les questions qui concernent l’immigration.

 

Interview 

 

Pérou / Gustavo Espinoza: « La situation économique est dangereuse »

 

Le Pérou est le deuxième pays le plus atteint par le coronavirus du continent latino-américain. Pour parler de la situation dans ce pays andin, nous avons questionné Gustavo Espinoza Montesinos, professeur de langue et de littérature, journaliste et leader historique de différentes organisations au Pérou. Actuellement président de l’Association des Amis de José Carlos Mariátegui, Espinoza nous parle de la pandémie, de la réaction du gouvernement et de la crise politique au Pérou qui en découle.

 

Le Pérou a dépassé les 10 000 décès dus au coronavirus et le pays est entré dans le classement mondial des pays les plus atteints par cette pandémie. Pourquoi cela ? Quelle a été la gestion de cette pandémie par le gouvernement de ce pays ?

Plus de cent jours après le début de la pandémie et de la mise en quarantaine, nous pouvons dire que la situation est assez grave. Malgré les mesures prises, semblables à celles décidées dans d’autres pays, nous avons échoué dans la lutte contre le coronavirus. Nous pouvons attribuer cela à quatre facteurs.

Le premier : la situation économique du pays, qui est extrêmement précaire et cela à cause du modèle néolibéral qui nous est appliqué et imposé de manière immodérée depuis plus de 30 ans. 72 % de la population économiquement active travaille dans l’économie informelle. Cela crée de nombreux problèmes, entre autres le fait que la population active dans ce secteur ne dispose d’aucune épargne. Qui ne travaille pas ne mange pas. Et c’est pourquoi il est si difficile de faire respecter la mise en quarantaine.

Le deuxième facteur est que les gouvernements successifs ont sciemment œuvré à affaiblir pleinement le système de santé publique afin de favoriser les cliniques privées. Et c’est dans ce contexte qu’est arrivée la pandémie, avec des hôpitaux publics déjà pratiquement effondrés depuis le début. Ici, nous ne disposions que de 150 respirateurs mécaniques quand il en faudrait au moins 2 000 ; il n’y a que 200 lits d’hôpital quand il en faudrait 10 fois plus. C’est un système précaire qui n’a aucune chance de pouvoir faire face à la crise.

Le troisième gros problème est la corruption généralisée. Le fujimorisme, puis le gouvernement de l’APRA, ont dégradé la vie publique sur tous les plans. Ils ont généralisé la corruption à toutes les strates de la vie publique. Et on retrouve aujourd’hui cette situation à tous les niveaux : les gouvernements locaux, municipaux, régionaux, le Congrès, le pouvoir judiciaire, le ministère public, etc. avec des mécanismes de corruption qui s’expriment à travers le versement de pots de vin, l’utilisation abusive des biens publics, le pillage du patrimoine national et un ensemble de pratiques qui réduisent la capacité de l’État à intervenir.

Et le quatrième facteur est le fait qu’en réaction à cette situation, les gens ne font plus confiance. Ils doutent, ne prennent pas en compte les injonctions qui viennent d’en haut. Les gens se rebellent, mais pas dans les modalités « d’une lutte offensive », mais sous une forme de « non-obéissance », une sorte de résistance passive, et tout cela a conduit à l’effondrement de la quarantaine. Près de cent mille personnes ont été arrêtées en un mois. Cela signifie qu’il y a eu une désobéissance civique évidente envers les injonctions officielles, un manque de discernement pour respecter les règles élémentaires visant à protéger la population de la pandémie.

A plusieurs reprises, le gouvernement a tenté de relancer l’activité économique, réduite de plus de 50% par le confinement global depuis le 16 mars. Pourquoi cet effort ? Quelle est, actuellement, la situation économique ?

La situation économique est dangereuse, presque en crise. On peut dire que les grandes entreprises qui contrôlent l’économie du pays ont subi des pertes, mais pas des pertes extrêmes et elles ne sont pas sur le point de s’effondrer. Les détenteurs de ces entreprises exagèrent leurs pertes pour générer des opérations de « sauvetage » par l’État. Et en effet, le gouvernement a créé un certain nombre de programmes qui visent à relancer l’activité de production et qui se résument à donner de l’argent aux entreprises, ou des crédits et des programmes de relance qui viennent renforcer ces puissances patronales dont beaucoup sont impliquées dans des affaires de corruption.

Ce qu’a fait la Confédération Nationale des Institutions Privées des Entreprises (la CONFIED) c’est obtenir du gouvernement la mise en place d’un dispositif qui revient à annuler le Droit du Travail. Désormais, l’entreprise peut se référer à ce dispositif et renvoyer ses salariés. Certaines entreprises ont même reçu des aides financières de l’Etat et ont quand même mis des employés à la porte. On estime que deux ou trois millions de salariés ont été licenciés, un chiffre énorme si on considère qu’il y a 4 ou 5 millions d’emplois formels. Donc, en fin de compte, c’est l’État et tous les Péruviens qui payent leurs impôts qui financent la crise. Il y a un mécontentement général à ce sujet et les critiques à l’égard du président Vizcarra se sont multipliées parce qu’il est prisonnier du modèle économique néolibéral et qu’il refuse de prendre les mesures nécessaires pour l’affronter. Il verse ainsi d’énormes rançons aux entreprises, mais ne livre pas de paniers de nourriture à la population. À Lima, par exemple, les presque sept millions de personnes qui vivent dans une grande misère dans les bidonvilles des hauteurs qui entourent la capitale n’ont reçu aucune aide.

Le Pérou connaît une crise politique profonde depuis mi-2017. Quel est le tableau actuel ? Cela a-t-il influencé la gestion de la crise sanitaire ?

Il y a évidemment une crise politique qui vient de loin, qui dure depuis des années. Ce que nous appelons la mafia, ce groupe qui a perdu le pouvoir après la chute du fujimorisme, s’est reconstitué et est devenu, avec le soutien du grand patronat, une alternative politique. Keiko Fujimori a été chassé, mais en retour un autre mal a été institué : nous avons eu Pedro Pablo Kuczynski, qui était très pro-nord-américain, mais maintenant, nous avons Vizcarra qui obéit aux États-Unis avec autant de zèle et prend des décisions que combattent et dénoncent le mouvement populaire et les forces démocratiques.

Mais malheureusement, la gauche est très éparpillée. Lors des dernières élections, elle était présente sur cinq listes et c’est la raison pour laquelle une seule d’entre elles a obtenu quelques sièges au Parlement, comme en 2016. La gauche a perdu les moyens d’une action politique ; elle n’est plus réellement impliquée. La Confédération des syndicats, le mouvement syndical dans son ensemble et les organisations culturelles, malgré les efforts qu’ils déploient pour essayer de se faire entendre, sont tout aussi affaiblis. Il faudrait qu’un processus unitaire émerge pour que nous ayons une possibilité d’aller de l’avant.

 

Fresque de la Brigada Ramona Parra sur le cuivre chilien

 

Veines ouvertes / Nationalisation chilienne du cuivre

 

Après la victoire populaire de 1970, l’une des priorités du gouvernement de Salvador Allende et de l’unité populaire a été la nationalisation du cuivre chilien, principale ressource du pays. La souveraineté dans ce secteur stratégique était une étape essentielle sur la «route chilienne vers le socialisme».

Le 11 juillet 1971, le Congrès national approuve à l’unanimité l’amendement constitutionnel qui rend possible la nationalisation totale du cuivre, et quelques jours plus tard, la National Copper Corporation (CODELCO) est créée.

Cependant, la nationalisation du cuivre a généré de puissants ennemis dans les sociétés transnationales minières nord-américaines. Leur influence à Washington fut décisive pour lancer l’agression contre le gouvernement Allende qui aboutira au coup d’État militaire du 11 septembre 1973.

 

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Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne correspondent pas forcément à celle des membres de l’équipe de rédaction d’Investig’Action.

Traduit par Manuel Colinas Balbona et Ines Mahjoubi. Relecture par Ines Mahjoubi.

 

Source : Investig’Action

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