Amérique Latine en Résistance: La pandemie avance

Editorial

 

La pandémie du coronavirus est de plus en plus grave. A ce jour, on compte désormais plus de 23 millions de personnes contaminées et environ 800 000 décès dans le monde. En Amérique Latine, les chiffres sont en augmentation accélérée, avec plus de 6,5 millions de personnes atteintes et 250 000 décès (à la date du 22 août).
Le Mexique, le Pérou, la Colombie et principalement le Brésil sont les pays les plus touchés. Mais avec l’arrivée de la saison hivernale dans les pays du sud, la situation continuera de s’aggraver dans les semaines à venir.

Cependant, ces derniers jours, la situation a changé avec l’annonce par la Russie de l’enregistrement du premier vaccin contre le coronavirus au monde: le « Spoutnik V ». Après des essais cliniques, les médecins russes ont déclaré que leur recherche a été couronnée de succès et ils confirment que le vaccin est sûr, car à la fin du processus de tests, “tous les volontaires qui l’ont reçu sont immunisés”.

Et pendant ce temps, la société d’État China National Biotec Group, dont fait partie la société pharmaceutique Sinopharm, a déclaré que le vaccin chinois contre le Covid-19 sera au point « probablement en décembre » et coûtera environ 144 dollars.

Ainsi, alors qu’il leur faudra encore attendre plusieurs mois pour pouvoir disposer du vaccin, la perspective pour les pays d’Amérique Latine en est chamboulée.

En ce qui concerne Cuba, ce pays a rendu public le fait qu’il développe également son vaccin, le « Souverain 01 » et les responsables pensent que sa mise au point sera terminée courant 2021 alors même que les autorités russes confirment qu’elles pourraient s’allier à l’industrie biotechnologique de l’île pour produire leur vaccin à destination du continent.

De son côté, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS, a précisé qu’une fois que l’organisation aura vérifié qu’un vaccin a réussi tous les tests, son Comité Stratégique formulera ses recommandations sur son utilisation appropriée. L’organisation a également déclaré que la pandémie pourrait durer moins de deux ans si tous les pays parviennent à unir leurs efforts, et elle fait remarquer que la technologie moderne est un avantage certain par rapport à la pandémie de « la grippe espagnole ».

Cependant, Covid-19 a déjà eu des conséquences économiques marquantes, à commencer pour les plus grandes puissances économiques mondiales. Par exemple, les États-Unis ont subi une baisse de leur PIB de 9,5% au deuxième trimestre 2020, après une baisse de 1,3% au premier. Par contre, la Chine a évité la récession, après avoir connu une augmentation de son PIB de 11,5% au second trimestre qui faisait suite à une baisse de 10% au premier. En Europe, la zone euro dans son ensemble a enregistré une baisse de 12,1%, après avoir déjà baissé de 3,6% durant les trois premiers mois de l’année, ce qui représente la baisse la plus importante depuis 1995.

Les faibles économies d’Amérique Latine n’en ont pas réchappé. Leur position de dépendance par rapport à l’économie mondiale a entraîné une paralysie importante, alors qu’il a fallu aider une part importante de la population qui subsistait grâce à l’économie informelle et qui s’est retrouvée sans ressources. Le FMI estime que le PIB de la zone subira une contraction de 9,3% en 2020, la pire depuis que les statistiques existent.

Par ailleurs, les affrontements politiques ont été exacerbés – ou supplantés – par la pandémie. Au Brésil, le politicien de droite Jair Bolsonaro est de plus en plus contesté à cause de l’attitude de son gouvernement face au coronavirus et il a finalement opté de camper résolument sur ses positions. Ses partisans sont accusés de ne pas respecter les recommandations officielles et de propager le complotisme.

En Colombie comme au Chili, la pandémie a révélé au grand jour les gigantesques inégalités sociales. Alors qu’avant la crise sanitaire ces gouvernements étaient déjà confrontés à de massives manifestations, ils ont été contraints de créer des programmes sociaux d’urgence. D’autres gouvernements, comme en Équateur ou en Bolivie, «récoltent» les conséquences de leurs politiques néolibérales qui ont fragilisé leurs systèmes de santé.

Des gouvernements progressistes, comme en Argentine ou au Mexique, ont essayé de protéger les secteurs les plus vulnérables, mais la crise a considérablement réduit leur marge de manœuvre. Au dire d’Alberto Fernández, l’annonce d’un accord sur la renégociation de la dette permettra à l’économie argentine de respirer un peu.

Et enfin, on ne peut pas ne pas évoquer le cas du Venezuela. Alors que l’on parle de solidarité et d’union, les États-Unis ont redoublé leurs efforts pour renverser son gouvernement en redoublant leurs sanctions et en s’acharnant contre ses compagnies maritimes. Et c’est ainsi que le peuple du Venezuela doit combattre à la fois le coronavirus et aussi le «virus» de l’impérialisme.

 

Brèves

 

Equateur / Rafael Correa et Andrés Arauz confirment leur candidature

 

Rafael Correa sera candidat à la vice-présidence (Peoples Dispatch)

L’ex-président équatorien Rafael Correa a accepté d’être candidat à la vice-présidence de son pays pour les élections qui se tiendront en février 2021.

Correa formera un binôme avec Andrés Arauz, un économiste de 35 ans, qui sera le candidat à la présidence. Tous les deux sont appuyés par la coalition Union pour l’Espoir (UNES).

“Arauz est l’un des jeunes les plus brillants que je connaisse” a dit Correa; il a ajouté qu’ensemble, ils sortiront le pays “des ruines dans lesquelles l’a laissé le pire gouvernement de son histoire”, faisant ainsi référence à Lenin Moreno.

S’il gagne, Arauz deviendra le président le plus jeune du pays, après Juan José Flores, premier président de la République d’Equateur en 1830.

 

Venezuela / Maduro dénonce “un boycott mondial”

 

Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a annoncé que l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) serait dissoute en décembre 2020, après qu’auront eu lieu les élections parlementaires. Selon le chef de l’état, il s’agit d’un décision autonome de l’ANC. A ce sujet, Maduro a précisé que le corps constituant a avancé une série de dispositions transitoires qui seront présentées en fin d’année.

Le président a également dénoncé le fait que les élections parlementaires qui se tiendront le 6 décembre prochain doivent faire face à un “boycott mondial” qui vise à “saboter” le droit du peuple à voter.

En ce sens, le président a ajouté que son homologue colombien, Ivan Duque, appelle également à ne pas reconnaître ce processus électoral, ceci en accord “avec les intérêts de l’empire nord-américain”.

 

Colombie / On exige l’arrêt des massacres

 

Manifestation contre les masacres (EFE)

Des secteurs sociaux et politiques de Colombie exige du président, Ivan Duque, qu’il garantisse l’arrêt de la vague d’assassinats d’enfants, de jeunes, de responsables sociaux, d’ex-combattants reincorporés et d’indigènes.

Cette demande surgit après le massacre de 9 jeunes à Narino et de 5 adolescents à Cali, l’assassinat de deux enfants qui se rendaient à leur école située entre Cauca et Narino pour y rendre un devoir, la mort de deux membres d’une communauté indigène lors d’une manifestation pour obtenir la restitution de leurs terres, ainsi que l’assassinat d’un journaliste, en une semaine seulement.

Selon les Nations Unies, l’an dernier 36 massacres ont eu lieu en Colombie. Depuis le début de cette année, on en compte 10.

 

Argentine / Fernández gèle les prix

 

Le gouvernement argentin dirigé par Alberto Fernandez a déclaré qu’internet, la télévision par câble, la téléphonie fixe et mobile constituaient des services publics essentiels et en a gelé les tarifs jusqu’au 31 décembre.

Ainsi, les entreprises devront-elles obtenir une autorisation de l’Etat pour augmenter les prix. La nouvelle loi tentera également de faire en sorte que les prestataires aient “des plans universels” qui garantissent une prestation minimale de services.

La mesure résulte des annonces faites par les compagnies de nouveaux tarifs applicables en septembre, après les augmentations entre 10 et 25% qui ont eu lieu en mars et avril. “Nous sommes en train de récupérer des mécanismes de régulation que le précédent gouvernement avait enlevé à l’Etat” a affirmé le président argentin.

 

Brésil / Incendies en Amazonie

 

Incendies en Amazonie (AFP)

En Amazonie, les incendies ont connu une recrudescence dans les dernières semaines. L’agence spatiale brésilienne a enregistré 6803 feux en juillet, soit une augmentation de 28% si l’on compare avec l’an dernier.

Ces chiffres sont éloignés de ceux des 30 000 incendies enregistrés en août 2019, le pire mois de ces dernières années. Néanmoins, les agences de l’environnement ont mis en garde sur le fait qu’il y a des signes préoccupants et que les prochains mois pourraient entraîner de graves conséquences pour l’Amazonie.

Le gouvernement de Bolsonaro a ouvert la forêt tropicale aux intérêts des exploitants du bois, des mines et des grands propriétaires, menaçant ainsi l’environnement et les habitants de l’Amazonie.

 

 

Interview 

 

Bolivie / Ollie Vargas: «Les manifestations en Bolivie ont mis en lumière un très large mécontentement»

 

Ollie Vargas est un journaliste et écrivain bolivien, qui a collaboré avec des médias internationaux tels que teleSUR ou Morning Star pour rendre compte des événements survenus dans le pays andin après le coup d’État contre Evo Morales. Aujourd’hui, à Investig’Action, nous évoquons avec lui les manifestations les plus récentes qui ont secoué le pays même au milieu de la pandémie de Covid-19.

 

Après le dernier report de la date électorale, le peuple bolivien est retourné en masse dans la rue. Comment se sont déroulées ces manifestations?

Les manifestations ont commencé après que le régime bolivien ait reporté les élections pour la troisième fois. Ce que nous avons vu, c’est l’éruption de manifestations dans toutes les régions du pays. Dans les zones rurales, les paysans autochtones ont bloqué les routes principales, paralysant essentiellement le pays. Nous avons également vu des actions similaires dans les quartiers ouvriers des grandes villes, comme El Alto et La Paz, le sud de Cochabamba et Santa Cruz. Ces manifestations se sont développées pendant 12 jours et les revendications sont devenues plus radicales. Ce qui était au début des protestations contre le report des élections est devenu une protestation demandant le départ du président putschiste Áñez. Bien que les manifestations aient résulté du report des élections, elles ont mis en lumière un mécontentement beaucoup plus large, face à l’effondrement économique dû aux réformes néolibérales dans le pays, aux persécutions et au racisme. Tout cela s’est transformé en une insurrection massive.

Cependant, le Mouvement pour le socialisme (MAS) a réussi à faire adopter une loi avec des garanties sur les élections, qui sont désormais prévues pour le 18 octobre. Les garanties incluent que les élections ne peuvent pas être reportées à nouveau. Le règlement a été élaboré en collaboration avec les Nations Unies, qui accompagnera le processus. Après l’approbation de cette loi, un débat a éclaté sur l’opportunité de démobiliser ou d’adopter une position plus radicale exigeant le départ du gouvernement. La plupart des mouvements ont supposé que la priorité était de reprendre le pouvoir par des moyens pacifiques, et c’est ainsi que les manifestations ont pris fin.

Le coronavirus était l’excuse officielle pour reporter les élections, voire pour discréditer les manifestations, mais quel a été le rôle du gouvernement face à la pandémie?

Ces derniers temps, la droite bolivienne a utilisé la Covid-19 comme excuse pour reporter les élections, et elle aimerait les reporter encore plus. Maintenant, avec cette loi, ils ne peuvent plus le faire. Mais il y a une certaine ironie, puisque le gouvernement a très peu fait pour lutter contre la pandémie, les hôpitaux publics sont totalement effondrés faute de fonds, tandis que les cliniques privées en ont profité pour accumuler de gros bénéfices. Dans certains cas, ils facturent 3 000 $ par nuit aux patients Covid-19. Le régime bolivien a rejeté les tentatives du MAS de forcer les cliniques privées à accepter les patients atteints de coronavirus sans les faire payer. Alors, même si la Covid-19 n’a pas été une priorité, il a bien été une excuse pour reporter les élections. Les mouvements sociaux espèrent qu’il n’y aura plus de pièges et que ce gouvernement quittera le pouvoir pacifiquement. Le pays sait que la droite ne peut pas gagner une élection. Áñez est en troisième position dans les sondages, raison pour laquelle ils ne voudraient pas organiser de campagne électorale. Le gouvernement est très vite devenu impopulaire à cause de l’effondrement économique qui a commencé avant la pandémie. La stratégie de la droite était d’utiliser la Covid-19 comme un «bouclier» pour rester au pouvoir indéfiniment.

En Bolivie, la couverture médiatique est très biaisée, chose devenue encore plus évidente depuis le coup d’État. Selon vous, quelles sont les principales déformations de la réalité bolivienne dans les médias étrangers?

Les médias en Bolivie sont complètement dominés par la droite, leur politique éditoriale est favorable au gouvernement actuel. En même temps, ils attaquent sans cesse le MAS, tout comme ils l’ont fait pendant les 14 années où le MAS était au pouvoir. Avant, il y avait au moins les médias d’État pour créer un certain équilibre. Mais maintenant, ils sont entre les mains du régime et ils ont rejoint la propagande contre le MAS et pour la défense du coup d’État.

Il est donc très difficile pour les Boliviens d’avoir accès à de véritables informations. L’un des rares médias nationaux à critiquer le gouvernement est Radio Kawsachun Coca, où je travaille. Cela augmente notre responsabilité, et nous travaillons dans des conditions très difficiles, avec des attaques gouvernementales, des journalistes arrêtés. A certains moments, ils sont allés jusqu’à nous couper le signal radio. Le projet s’est poursuivi en raison de l’énorme engagement des journalistes et de leur lien avec la base. Notre soutien financier par exemple provient des contributions des syndicats de Cochabamba.

Sur le plan international, la principale déformation est simplement le manque de couverture. Les médias internationaux ont ignoré les massacres qui ont eu lieu après le coup d’État. De la même manière, ils n’ont pas voulu rendre compte de la campagne de persécution politique contre la gauche. La plupart des médias ont choisi d’ignorer ce qui se passe en Bolivie, car la Bolivie est un exemple de la domination américaine en Amérique latine et de ce qui se passe après une intervention américaine.

 

Monument de San Martín à Buenos Aires

 

Veines ouvertes / José de San Martín

 

José de San Martín était la figure la plus importante du mouvement d’indépendance du cône sud de l’Amérique latine.

Né en Argentine, San Martín a été envoyé étudier en Espagne et a révélé très tôt ses capacités militaires. Après avoir participé à la Guerre Péninsulaire, il est entré en contact avec des mouvements d’indépendance. De retour à Buenos Aires en 1812, il se met au service des Provinces Unies du Río de la Plata dont le gouvernement était né en Argentine après la Révolution de mai 1810.

Commandant «l’Armée du Nord», San Martín a imposé des défaites décisives à l’empire espagnol en Argentine, avant de traverser les Andes pour libérer le Chili de la domination royaliste. Ses derniers succès ont été au Pérou avec la prise de Lima, avant une rencontre historique avec Simón Bolívar à Guayaquil.

 

Quels sont les sujets qui vous intéressent le plus sur l’Amérique Latine ou ceux dont la couverture médiatique suscite en vous plus de questions que de réponses? Envoyez-nous vos suggestions à investigactionAL@gmail.com .

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne correspondent pas forcément à celle des membres de l’équipe de rédaction d’Investig’Action.

Traduit par Manuel Colinas Balbona, Ines Mahjoubi et Sylvie Carrasco. Relecture par Sylvie Carrasco.

 

Source : Investig’Action

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.