Ambassadrice du Venezuela auprès de l’Union Européenne : « Nous n’accepterons pas d’agenda extérieur »

Tous les yeux du monde sont à nouveau rivés sur le Venezuela. Après avoir été désigné président de l’Assemblée Nationale, Juan Guaidó s’est autoproclamé « président provisoire » du gouvernement vénézuélien. Immédiatement, les États-Unis ainsi qu’un groupe de pays européens et latino-américains lui ont apporté leur soutien, basant sa légitimité sur l’article 233 de la constitution vénézuélienne. Problème : Guaidó déclare que le président Nicolas Maduro a « usurpé et abandonné le poste », alors que le Tribunal suprême de justice a déjà déclaré que toute décision de l’Assemblée Nationale serait « nulle et non avenue ». Dans ce contexte d’urgence et de pression internationale extrêmes sur son pays, Mme Claudia Salerno, ambassadrice du Venezuela auprès de l’Union Européenne, nous a accordé un entretien exclusif. Une parole de dignité qui bat en brèche la virulence de l’assaut médiatique contre le Venezuela.

 

Alex Anfruns : Après l’expiration d’un ultimatum de huit jours, qui sommait le Venezuela d’organiser de nouvelles élections présidentielles, les gouvernements de 19 pays de l’Union Européenne (UE) ont déclaré lundi 4 février la reconnaissance de Juan Guaidó comme président provisoire du Venezuela. Quelle est votre réaction face à ces déclarations ?

 

Claudia Salerno : Notre président Nicolás Maduro et notre ministre des Affaires étrangères, Jorge Arreaza, ont été clairs dans leur réponse. Le Venezuela est un pays souverain, possédant son propre système de lois et une constitution en vigueur, adoptée en 1999, qui établit clairement les mécanismes requis pour convoquer des élections. Il n’existe absolument aucun passage dans la constitution de la République bolivarienne du Venezuela qui stipule que des élections peuvent être convoquées à la demande de pays européens. Nous sommes indépendants depuis plus de 200 ans, nous n’obéissons en aucune manière à l’Europe. Il est scandaleux que l’Europe se rabaisse à effectuer cette reconnaissance illicite. En pratique, celle-ci ne traduit rien de plus qu’un soutien à la personne désignée par les États-Unis pour mener un coup d’État au Venezuela. Celui-ci a clairement été assumé par le gouvernement étasunien à travers tous ses porte-paroles, du président Donald Trump au conseiller à la sécurité nationale, ce dernier indiquant même que l’option armée était sur la table afin de parvenir au changement de régime. L’appel de l’UE pour l’organisation d’élections n’est donc rien d’autre qu’un alignement sur Donald Trump.

 

Il n’existe absolument rien dans la constitution qui justifie qu’un individu, même en qualité de président de l’Assemblée Nationale (un poste que Juan Guaidó occupe depuis un an), lève la main et s’autoproclame président par intérim. Un tel mécanisme n’existe même pas dans notre constitution nationale. Dans tous les cas, ce mécanisme obligerait, en cas d’absence absolue de président de la République, ce qui n’est pas le cas actuellement, à tenir des élections dans un délai ne dépassant pas trente jours. Pas à convoquer des élections, mais à les organiser. Et ce n’est pas le cas actuellement, cet intérim étant destiné à être permanent. Par conséquent et de manière évidente, ces pays européens qui l’ont reconnu violent le droit international, puisque selon celui-ci, les relations s’effectuent entre les États et non entre les États et les gouvernements. En agissant de la sorte, ces pays ont donné une blanc-seing à un coup d’État caractérisé, vulgaire et grossier sur le plan juridique, tout simplement afin d’emboîter le pas de la politique d’ingérence des États-Unis. Il ne s’agit de rien d’autre que d’un coup d’État pour forcer un changement de régime. Ici au Venezuela, nous n’accepterons pas, ainsi que notre gouvernement, nos pouvoirs publics et notre armée, que ce genre d’agenda extérieur vienne ouvertement altérer et violer notre constitution nationale de cette manière.

 

Jusqu’à récemment en Europe, et dans votre pays peut-être aussi, Juan Guaidó était un inconnu. Il s’est autoproclamé président en s’appuyant sur l’article 233 de la constitution. Cette interprétation, qui est celle de l’opposition vénézuélienne et qui s’est répandue à l’étranger, est-elle valide d’un point de vue constitutionnel pour exiger un changement de régime ?

 

Non, elle est totalement incorrecte et erronée. L’article 233 réglemente les scénarios de vacance absolue de la présidence de la République. Aucun d’entre eux n’est survenu. Le président n’est pas mort, n’a pas démissionné, il n’a pas été destitué par décret par le Tribunal suprême de justice, celui-ci ne l’a pas non plus déclaré en incapacité physique permanente et il n’a pas non plus abandonné son poste. Aucune de ses situations n’est survenue. Mais même si l’un de ces scénarios s’était produit, l’article prévoit clairement que si cette vacance se produit avant la prise de fonctions, soit avant le 10 janvier, c’est le président de l’Assemblée Nationale qui doit assurer la présidence. Mais ce scénario ne s’est pas non plus produit, puisque Juan Guaidó s’est proclamé président le 23 janvier, soit bien après la prise de fonctions du président Nicolás Maduro. Le second scénario aurait été que la vacance se produise après l’investiture. Dans ce cas, la personne qui aurait assuré le rôle de président, et non de « président intérimaire », ce terme n’existant pas, aurait été le vice-président ou le vice-président exécutif, Mme Delcy Rodríguez en l’occurrence. Aucun autre scénario n’est possible. Selon l’article que brandissent l’UE et Guaidó pour justifier le statut de nouveau président de ce dernier, la personne qui devrait assurer le rôle de « président en charge », différent du rôle de « président », est la vice-présidente Delcy Rodríguez. L’article n’implique aucune autre interprétation.

 

Aujourd’hui, l’UE tente d’avoir sa propre interprétation de la constitution, qui concorde avec ses objectifs. D’un côté l’UE affirme que cette vacance absolue de la présidence était effective avant l’investiture puisqu’elle ne reconnaît pas le résultat des élections du 20 mai 2018. La question que tout le monde se pose est la suivante : si la vacance s’est produite au moment où les élections ont eu lieu, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de déclarer cette vacance ? L’Assemblée Nationale a eu plus de six mois pour débattre de ce sujet. N’est-ce que le 23 janvier qu’on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de président ? Cela prouve bien l’existence d’un agenda établi en vue d’un coup d’État parfaitement structuré.

 

La seconde question qui doit être posée est la suivante : pourquoi l’UE déclare-t-elle que Guaidó pourra convoquer des élections d’ici 30 jours, 90 jours, ou un an ? Autrement dit, lorsque les conditions seront réunies pour que ces élections plaisent à l’UE. Mais que croit-elle ? Que n’importe quel pays ou groupe de pays dans le monde peut dire à un autre pays : « Il me semble que votre constitution s’interprète de telle manière… » ? Seuls certains éléments de l’article 233, qui leur permettent de justifier leurs agissements, les intéressent. Mais il est évident que cet article ne prévoit aucune base sur laquelle Guaidó peut s’appuyer pour faire ce qu’il est en train de faire. C’est pour cette raison que le masque doit tomber. Il s’agit d’un coup d’État. Ils peuvent toujours citer un article de la constitution afin de justifier ce putsch, mais si on l’analyse, il est évident qu’il ne laisse aucune place à l’interprétation qu’ils en font à l’Assemblée Nationale.

 

La trahison de notre patrie qu’ils sont en train d’organiser est si flagrante qu’une loi permettant au mandat de Guaidó d’être prolongé de 30 jours tous les 30 jours a été votée. Il est donc renouvelable tous les mois… Une audace que l’on ne retrouverait même pas dans un contrat de location d’appartement ! Mais ils s’en accommodent, violant et transgressant la loi en vue d’un putsch parlementaire. D’ailleurs, notre système est présidentiel, et non parlementaire, et il établit clairement la séparation des pouvoirs. M. Guaidó affirme aujourd’hui assurer la présidence de la République, autrement dit le pouvoir exécutif, en même temps que la présidence du pouvoir législatif. Cela n’existe pas dans la constitution vénézuélienne, le coup d’État ne peut donc pas être plus flagrant.

 

En réalité, le Venezuela n’est pas isolé. Il possède le soutien de nombreux pays à travers le monde qui continuent de reconnaître le gouvernement de Nicolás Maduro. C’est également le cas des Nations Unies, qui défendent le droit international. Le ministre des Affaires étrangères, Jorge Arreaza, a réalisé une Tournée de la dignité Sud-Sud, afin de défendre une diplomatie pacifique. Le Venezuela peut également compter sur le soutien de nombreux peuples à travers le monde, dont le peuple étasunien, qui a témoigné des marques de solidarité avec le peuple vénézuélien agressé… Au milieu de cette situation, certains pays comme le Mexique ou l’Uruguay ont défendu un autre point de vue lors de la Réunion de Montevideo. Quelle évaluation faites-vous de ce mécanisme de dialogue ?

 

La Réunion de Montevideo s’est achevée par l’adoption d’une proposition intégrale, soutenue par le Mexique, l’Uruguay et les pays membres de la Communauté caribéenne (CARICOM). La CARICOM est une organisation de 15 pays souverains des Caraïbes qui a décidé d’adopter une proposition intitulée « Mécanisme de Montevideo », qui a vu le jour le 6 février. Sur le plan international, ce mécanisme propose la création d’un espace de dialogue et de paix entre les parties, afin de chercher une solution à ce qu’on a appelé la « crise politique au Venezuela », qui a été fomentée de l’extérieur. Ces pays de la région latino-américaine ont déjà formé une coalition et ont présenté une proposition concrète.

 

Cette proposition mise sur la table possède déjà un calendrier et une feuille de route claire avec des étapes précises. La première consiste en la tenue immédiate d’un dialogue afin de créer les conditions d’un contact direct entre les parties. C’est ce que déclarait le  communiqué commun publié par la CARICOM, l’Uruguay et le Mexique. La deuxième consisterait à négocier et à présenter les résultats du dialogue, avec des points communs et un espace permettant à chaque partie d’assouplir sa position. La troisième étape consisterait à s’engager sur des accords et à les ratifier, et la dernière étape du mécanisme se composerait de la mise en place et de l’application des accords sous accompagnement international.

 

Ce calendrier est complètement différent de l’agenda colonialiste, teinté d’ingérence et d’ultimatums de l’UE. Comme l’explique bien le Mécanisme de Montevideo, il ne s’agit pas de lancer des ultimatums, ni d’établir des délais. Il ne s’agit pas non plus d’établir un calendrier préalable, ni de conditionner les éléments qui pourront faire partie de ce débat : il s’agit d’une table de dialogue ouverte, où tous les intérêts et tous les thèmes pourront être abordés afin de trouver des points d’accord. Je crois qu’à l’heure actuelle, le monde est en train d’assister à la volonté de l’Amérique latine et des Caraïbes de continuer à être un exemple pour le reste du monde. Il y a de cela plus d’une décennie, lorsque notre commandant Hugo Chávez Frías était encore en vie, l’Amérique latine et les Caraïbes ont été décrétées comme étant une région de paix.

 

C’est un événement historique qui s’est produit hier à Montevideo, qui fera date pour le peuple vénézuélien. Tandis qu’un groupe de pays du nord, comprenant les États-Unis, accompagnés de plusieurs pays européens et latino-américains, appelle à l’intervention, à l’ingérence, au passage en force de solutions, et continue même à envisager la possibilité d’une solution armée, un groupe de 17 pays, possédant le même poids et le même niveau de souveraineté que la charte des Nations Unies a accordé à chaque pays du monde, a émis la proposition d’un dialogue ouvert et franc comprenant un accompagnement international. La balle est désormais dans le camp de l’Amérique latine et des Caraïbes.

 

L’Union Européenne doit faire un choix. Elle peut accompagner cet agenda pour la paix et le dialogue et, dans ce cas, elle est la bienvenue. Elle peut aussi continuer à évoluer sur le terrain de Donald Trump, contraignant éventuellement notre peuple à connaître un bain de sang. Que l’UE promeuve à nouveau l’effusion de sang dans notre région serait épouvantable. Nous pensions avoir changé cela il y a 200 ans. Je crois que le message ne leur est pas encore parvenu…

 

Revenons à une perspective plus régionale. Au cours de la manifestation du 2 février, Juan Guaidó a demandé à ses partisans de l’opposition s’ils étaient prêts à la guerre civile, ce à quoi ils ont répondu qu’ils « n’avaient pas peur ». Il a poursuivi en annonçant l’envoi d’une « aide humanitaire » via Cúcuta. Que répond le gouvernement vénézuélien au rôle actif qu’entend exercer un pays voisin comme la Colombie ?

 

Il est regrettable que le pays qui a précisément été libéré et rendu souverain par un Vénézuélien ait l’intention d’utiliser son espace et ses terres, et peut-être ses armes, pour les retourner contre un peuple frère comme le peuple vénézuélien. La seule chose que ce dernier a apporté à la Colombie est son soutien et sa solidarité depuis le début de son histoire, et plus récemment lors de ces 70 ans de guerre sanglante entre les Colombiens. Celle-ci s’est achevée avec une population de près de 6 millions de Colombiens présents sur le territoire vénézuélien après avoir fui leur pays. Avec des enfants nés au Venezuela et qui sont vénézuéliens, des enfants de père et mère colombiens qui fuient les balles et la guerre. Il est regrettable de voir qu’un pays qui a tant souffert puisse être disposé à prêter son territoire pour qu’un peuple frère soit attaqué.

 

Tout le monde sait ce que signifie « l’intervention humanitaire », qui n’est aujourd’hui qu’un stratagème pour pouvoir intervenir et pénétrer sur le territoire vénézuélien. Il n’existe aucun cas récent où les États-Unis sont intervenus dans un pays, pour des raisons humanitaires ou autres, qui montre que ledit pays se porte mieux qu’avant que les États-Unis n’y posent leurs mains et leurs bottes. Nous vivons un moment très difficile, mais qui nous remplit de courage et de force pour défendre ce qui nous appartient, ce qui nous a tant coûté et dont l’artisan a même donné son nom au processus en cours en Amérique latine et aux Caraïbes. Le Venezuela n’a jamais pris les armes contre aucun peuple. La seule fois où nous l’avons fait, c’était pour donner la liberté à cinq pays de la région latino-américaine, dont la majorité d’entre eux ont brandi des arguments, et peut-être des armes, contre notre peuple. Mais nous résisterons. Nous l’avons fait jadis et nous continuerons à le faire aujourd’hui.

 

Si l’on se penche sur notre histoire passée, Simón Bolívar nous a donné le meilleur exemple de la manière dont des petits peuples ont réussi à venir à bout de puissants empires. Nous l’avons fait il y a 200 ans. Nous aimerions éviter d’avoir à revivre un tel scénario. En tant que diplomate et femme politique, j’aimerais pouvoir penser qu’on accorde encore du temps et de l’espace au dialogue. C’est pour cette raison que je n’aime pas les délais, ni les personnes qui refusent les dialogues. Je crois que lorsque le dialogue a disparu, tout a disparu, et je continue de croire que la paix à sa place, et qu’il faut la lui donner. Les politiques doivent jouer leur rôle à l’heure actuelle. J’ai confiance dans le fait que cela serait plus puissant que ceux qui lustrent leurs canons et se préparent à entrer dans notre patrie dissimulés derrière des caisses de nourriture.

 

Par ailleurs, la proposition d’aide des États-Unis s’élève à 20 millions de dollars. Cela ne couvre même pas 1 % des besoins du peuple vénézuélien en matière d’alimentation. Il est absolument évident qu’il s’agit d’un cheval de Troie destiné à dissimuler le vrai dessein qui se cache derrière. M. Guaidó l’a lui-même révélé sans ambages : peu importe si cela doit coûter des vies. Il l’a même indiqué dans un tweet, qu’il a ensuite effacé, en déclarant qu’il espérait que cela se fasse « avec le moins de morts possible ». On devrait lui demander si des morts le dérangeraient tout court. Je n’ose même pas imaginer que cela coûte la vie ne serait-ce qu’à une seule personne. C’est cela qui conduit ceux qui, comme moi, prennent la politique au sérieux à faire preuve d’une grande responsabilité par les temps qui courent.

 

Le Venezuela doit également faire face à une vaste agression médiatique. Vous avez parlé « d’interventionnisme humanitaire », qui se trouve être de fait un outil qui a fonctionné dans certains cas, comme il a servi de prétexte en Libye, par exemple. Intervenir pour soi-disant protéger le peuple…

 

Au Venezuela, nous savons que nous sommes face à un ennemi très puissant qui possède des armes et des moyens de pression énormes. Mais de notre côté, nous possédons une immense dignité à l’épreuve des balles. Si nous en arrivons jusque là, nos forces seront prêtes pour défendre le pays. La tragédie qu’espéraient les États-Unis avec une intervention des forces armées ne s’est pas produite. Ils n’y sont pas parvenus non plus en demandant ouvertement à nos soldats de se retourner contre le gouvernement et le peuple. Ce que nous a enseigné Chávez et ce que nous avons bâti au cours des 20 dernières années nous a rendus imperméables à ce genre de tactiques. Au contraire, cela nous a permis d’accumuler une grande cohésion autour de notre dignité nationale ainsi qu’une volonté de défendre ce que nous ont légué nos pères libérateurs. Nous ne nous laisserons pas tomber.

 

L’un des arguments des détracteurs de la Révolution bolivarienne est que la situation économique a provoqué un phénomène d’émigration des Vénézuéliens jamais vu auparavant. Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est le gouvernement qui est responsable, car il n’a pas suffisamment œuvré pour résoudre les problèmes économiques, et à ceux qui considèrent qu’une crise humanitaire est en cours ?

 

Le président de la République a été le premier à dire et à reconnaître qu’on n’en a pas assez fait et qu’on aurait pu faire davantage. Bien sûr, on peut toujours faire plus, c’est la position d’un chef de gouvernement responsable : comprendre qu’il existe des manques et des besoins, et ne pas les nier. Il ne les nie pas, il les a assumés. Nous avons essayé au sein du gouvernement national, dans les circonstances exceptionnelles que nous savons, de mobiliser tous les ministères compétents afin de répondre aux difficultés et à la crise.

 

Il existe une chose fondamentale qu’il faut se rappeler à chaque fois que l’on évoque la situation de crise économique qui frappe le pays et que ni le président ni absolument aucun autre fonctionnaire responsable de l’État ne nie. Depuis 2015, nous sommes sous le coup d’un décret qui qualifie le Venezuela de « menace extraordinaire et inhabituelle pour les États-Unis ». C’était au moment de l’administration de M. Obama, le prix Nobel de la paix. Depuis cet instant jusqu’à l’arrivée de M. Trump à la Maison Blanche, le Venezuela a été soumis à une série de mesures économiques, commerciales et plus récemment financières qui ont engendré une paralysie totale et absolue des capacités de l’État à échanger au niveau commercial et financier via les mécanismes prévus par les relations internationales.

 

Le Venezuela a même été contraint de contourner le dollar pour pouvoir réaliser des transactions commerciales et financières avec d’autres pays. Nous avons dû modifier les circuits de nos transferts bancaires, pour pouvoir garantir que le pays continue à remplir ses obligations de remboursement de la dette envers les pays qui sont nos créditeurs. Et pourtant, malgré trois ans d’un blocus féroce qui ne cesse de se radicaliser, nous avons dû subir le vol, car il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cela, par les États-Unis des biens et des actifs du peuple vénézuélien, qui les ont confisqués sur le territoire étasunien.

 

Les États-Unis souhaitent désormais remettre ceux-ci aux mains du putschiste Guaidó, comme s’il s’agissait d’un simple colis à remettre au commerçant du coin de la rue. Ces actifs qui appartiennent à l’État sont en train d’être transférés sans aucun contrôle, sans passer par les mécanismes de contrôle de l’État, ni par l’inspection des finances, aux mains d’un monsieur qu’absolument personne ne connaissait dans le pays il y a un mois et dix jours. D’ailleurs, il est arrivé à l’Assemblée Nationale sous les couleurs de la cinquième force politique d’opposition. C’est pour cette raison qu’il est arrivé en quatrième position pour le poste de président de l’Assemblée Nationale, derrière tant d’autres candidats. Son parti politique a été celui avec le moins de sièges, ayant terminé en cinquième position. De plus, ce monsieur Guaidó ne peut compter que sur un matelas de légitimité de 97 000 votes. Et il a pourtant reçu, avec ces 97 000 votes, le soutien du gouvernement étasunien, et compte également saisir et voler les ressources de l’État…

 

La crise économique est évidente, on ne peut demander à aucun pays de résister à la pression économique et d’avoir une administration fonctionnelle lorsqu’il a été amputé de toutes ses ressources et de toutes ses capacités à commercer avec les autres pays.

 

Et en ce qui concerne l’émigration ?

 

Concernant notre émigration, il faut préciser clairement qu’il s’agit avant d’une émigration économique et de travail. Les émigrants vénézuéliens ont presque systématiquement bénéficié d’un enseignement secondaire et universitaire. Ce sont eux qui se rendent dans les pays frontaliers et voisins, qui sont au nombre de 16. Ils émigrent afin de trouver de nouvelles opportunités pour eux et leur famille.

 

On pourrait effectuer une simple comparaison en prenant les chiffres utilisés par les Nations Unies avec la situation espagnole, par exemple. Moi, je voudrais que le gouvernement de Pedro Sánchez m’explique quelque chose, puisqu’il a tant critiqué la situation actuelle et a utilisé l’émigration économique des Vénézuéliens vers les pays frontaliers comme un argument majeur contre le gouvernement du Venezuela… J’aimerais que Sánchez m’explique pourquoi l’Espagne, qui n’endure pas de situation de blocus économique et commercial, qui ne se voit pas imposer de mesures financières de saisie de ses biens, de ses ressources et de ses actifs sur le territoire nord-américain et qui n’ont pas été gelés par les États-Unis pendant trois ans, compte un million et demi de jeunes ayant eux aussi émigré vers des pays européens voisins.

 

Qu’il m’explique pourquoi l’Espagne possède un million et demi de jeunes en-dehors de ses frontières, alors qu’il continue de critiquer vertement les chiffres de l’émigration vénézuélienne, des chiffres qui s’avèrent d’ailleurs parfois absurdes. Ceux-ci indiquent qu’entre trois et quatre mille Vénézuéliens quittent tous les jours le pays. Rappelons que le Venezuela compte 30 millions d’habitants. Si ces chiffres étaient exacts, il ne resterait déjà plus aucun Vénézuélien sur le territoire. Leur argumentation est tellement impudente que même la présentation de leurs chiffres n’a pas de sens.

 

Il est évident que cela sert à orienter une campagne médiatique. Lorsqu’on est déterminé à saisir les ressources d’autres pays, on n’a aucun scrupule à mentir. Ils mentent, ils le font ouvertement. Ce n’est pas la première fois. Ils ont menti et ils mentent systématiquement. Ils ont menti pour l’Irak, pour la Libye, qui pourrait donc croire qu’ils vont dire la vérité à propos du Venezuela ? Qu’est-ce qui pourrait pousser à faire confiance à ces gouvernements qui ont déjà perdu leur crédibilité lorsqu’ils sont intervenus dans des pays pour leurs ressources ? Pensez-vous qu’ils disent désormais la vérité à notre sujet ? Ne serait-ce pas plutôt parce que le Venezuela est assis sur les plus grandes réserves de pétrole du monde ainsi que sur les réserves de diamants, d’or et de coltan les plus importantes du monde ? Ou bien exportent-ils leur démocratie vers les pays les plus pauvres en ressources ?

 

Alors ne soyons pas dupes, il s’agit d’un coup d’État en vue d’un changement de régime forcé afin de capter et de s’approprier les ressources de l’État vénézuélien. Ils n’ont même pas attendu que le putsch fonctionne avant de commencer à arracher à l’État vénézuélien ses ressources en territoire nord-américain. C’est le niveau d’obscénité qu’a atteint la situation actuelle.

 

À la demande des États-Unis, le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est réuni et a invité 38 pays à se prononcer sur le Venezuela. Parmi eux, 14 pays se sont déclarés en faveur du putsch et 24 contre. Qu’importe. À la demande des États-Unis, l’Organisation des États américains (OEA) s’est réunie à Washington. Ils n’ont réussi à obtenir que 19 votes en leur faveur. Ils n’ont donc réussi à faire adopter une décision contre le Venezuela ni à l’assemblée de l’OEA ni au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. Mais ils continuent d’agir. Ce n’est pas la première fois qu’ils le font.

 

Dans le même temps, le Parlement européen a tenté, par le biais d’une résolution, de reconnaître Guaidó, bien qu’il ne possède pas les compétences pour reconnaître un gouvernement. Mais ce n’est pas la première fois qu’ils violent la loi. Ils l’ont fait en 2011 dans le cas de la Libye. La recette n’est pas nouvelle. Ils sont tellement effrontés qu’ils n’inventent même pas de nouvelle stratégie. Dans le cas du Venezuela, toutes les recettes sont en train d’être combinées : la révolution colorée, la recette libyenne, la recette irakienne… Les États-Unis ont trouvé en Guaidó un leader content d’être la marionnette d’un coup d’État.

 

Traduit de l’espagnol par Rémi Gromelle pour Le Journal Notre Amérique

Source : Journal Notre Amérique février/mars (édition spéciale)

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