Abdallah d’Arabie saoudite et Fidel Castro : traitements médiatiques antagonistes

Dans notre article précédent, nous avons vu que l’Arabie Saoudite est le premier sponsor du salafisme wahhabite à l’origine de l’endoctrinement des jihadistes qui terrorisent la Libye, la Syrie, l’Irak et maintenant l’Europe. Pour rappel : l’Arabie saoudite est un pays pratiquant régulièrement la peine de mort, en augmentation de 200% en 2015. Selon The Death Penalty Worldwide, il y a eu en Arabie Saoudite 26 ou 27 exécutions en 2010, au moins 82 en 2011, au moins 76 au 2012, au moins 79 en 2013, au moins 90 en 2014, et au moins 153 exécutions en 2015. En 2016, il y a eu au moins 134 exécutions. Les motifs étaient : l’homicide, la sorcellerie, l’adultère, l’homosexualité et le renoncement à l’islam.

Janvier 2015, François Hollande présente ses condoléances à la famille régnante à Ryad.

  • Les Echos : Mort du roi Abdallah : Hollande se rend en Arabie saoudite « Ce vendredi, nombreux sont les témoignages du monde entier qui saluent son action, notamment sur Twitter ».
  • Le Parisien : Mort du roi Abdallah : Hollande présente ses condoléances à Ryad « Même si Barack Obama a rendu hommage au roi Abdallah, un homme « sincère » »
  • Le Monde : Plusieurs chefs d’Etat à Riyad après le décès du roi Abdallah « François Hollande, David Cameron et Barack Obama ont notamment présenté leurs condoléances au nouveau roi d’Arabie saoudite, Salman Ben Abdel Aziz ».
  • Le 20 Minutes Décès du roi Abdallah : François Hollande et Barack Obama sont attendus à Ryad
  • France 24 : Décès du roi Abdallah : plusieurs chefs d’État attendus à Riyad « De nombreux dirigeants, dont Barack Obama et François Hollande, sont attendus en Arabie saoudite afin de présenter leurs condoléances au nouveau roi Salmane »
  • BFM TV : Mort du roi Abdallah : Hollande a présenté ses condoléances en Arabie Saoudite
  • L’Express : Mort du roi Abdallah : Hollande présente ses condoléances au nouveau souverain saoudien « Il voulait saluer un dirigeant qui a « profondément marqué l’histoire de son pays ».
  • Libération : François Hollande « salue la mémoire » du roi Abdallah d’Arabie Saoudite « un homme d’Etat dont l’action a profondément marqué l’histoire de son pays et dont la vision d’une paix juste et durable au Moyen-Orient reste plus que jamais d’actualité », selon le communiqué de l’Elysée.
  • Le Figaro : Le roi Abdallah d’Arabie saoudite est mort « François Hollande a rendu hommage au roi Abdallah »
  • Le Point : Décès du roi Abdallah : Hollande ira « présenter ses condoléances »

Décembre 2016, Ségolène Royal s’exprime aux funérailles de Fidel Castro

  • Le Figaro : Ségolène Royal fait l’éloge de Fidel Castro, tollé dans la classe politique
  • Huffington Post : Ségolène Royal défend depuis Cuba le bilan de Fidel Castro : les chiffres qui contredisent la ministre
  • À Cuba lors des funérailles publiques de Fidel Castro, Ségolène Royal s’est attirée les foudres de nombreux responsables …
  • Le Monde : Ségolène Royal critiquée pour son éloge sans nuances de Fidel Castro La ministre de l’environnement a salué « un monument de l’histoire », oubliant les atteintes aux droits de l’homme perpétrées par le régime cubain.
  • Le Point : Cuba : Ségolène Royal défend le bilan de Fidel Castro « Rejetant les accusations de violations des droits de l’Homme à son encontre « .
  • Le Point : À Cuba, Ségolène Royal atteinte de « stalinitude » La ministre de l’Écologie a cru bon d’encenser le régime de l’un des derniers dictateurs staliniens, contre toute évidence et en toute indécence « .
  • France Info : Le Foll reprend Royal après ses propos sur Cuba : « On n’est pas dans une démocratie » La ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a maintenu, au micro de france info dimanche, ses propos de la veille sur l’absence d’une liste de prisonniers politiques à Cuba ».
  • L’Express : Pluie de critiques sur Ségolène Royal après son hommage à Castro « Les réactions les plus vives sont venues de l’opposition, mais aussi d’intellectuels cubains en exil en France ».
  • 20 Minutes : Ayrault désavoue Royal en affirmant que Fidel Castro était « un dictateur »

Rappel : Les droits de l’homme dans les deux pays (Cuba et Arabie Saoudite)

Pour se convaincre qu’en matière des droits de l’homme, il n’existe pas de « symétrie » entre Cuba et Arabie Saoudite, il suffit de comparer les rapports d’Amnesty International :
Pour Cuba, le rapport 2015/2016 d’Amnesty International nous donne les titres des différents paragraphes suivants : Liberté d’expression et d’association – Arrestations et détentions arbitraires – Prisonniers d’opinion – Surveillance internationale.

Pour l’Arabie Saoudite, le rapport 2015/2016 d’Amnesty International nous donne les titres des différents paragraphes suivants : Conflit armé au Yémen – Liberté d’expression, d’association et de réunion – Défenseurs des droits humains – Lutte contre le terrorisme et sécurité – Arrestations et détentions arbitraires – Torture et autres mauvais traitements – Discrimination – minorité chiite – Droits des femmes – Droits des migrants – Châtiments cruels, inhumains ou dégradants – Peine de mort.

Amnesty International est une ONG dont le siège se trouve à Londres. Elle reçoit des subventions du Royaume-Uni, du Department for International Development, de la Commission européenne et du Département d’État des États-Unis. Il est peu probable qu’elle ait été indulgente avec Cuba qui n’est pas, contrairement à l’Arabie saoudite, partenaire économique et militaire du bloc occidental.

On notera une tentative de bilan nuancé du régime de Castro a été effectué par l’AlterJT

« Ce qui a été omis à la mort de Fidel Castro »

Interviewé par l’Humanité Dimanche, le linguiste Noam Chomsky a confié ses impressions sur cette attitude du « deux poids deux mesures ». En résumé il nous dit : « Aux États-Unis, l’ambiance générale a été résumée par le premier titre du « New York Times », lequel indiquait en substance : « Le dictateur cubain est mort ». Par curiosité, j’ai jeté un œil aux archives de ce journal pour voir combien de fois ils avaient qualifié le roi d’Arabie saoudite de « dictateur ». Sans surprise, il n’y avait aucune occurrence… »

« Il y a également un silence absolu sur le rôle joué par les États-Unis à Cuba, la manière dont Washington a œuvré pour nuire aux velléités d’indépendance de l’île et à son développement, dès la révolution survenue en janvier 1959. L’administration Eisenhower a tenté de renverser Castro, puis, sous celle de Kennedy, il y a eu l’invasion manquée de la baie des Cochons, suivie d’une campagne terroriste majeure. »

« Des centaines, voire des milliers de personnes ont été assassinées avec la complicité de l’administration américaine et une guerre économique d’une sauvagerie extrême a été déclarée contre le régime de Fidel Castro. Cette opération, baptisée opération « Mangouste », a culminé en octobre 1962 et devait aboutir à un soulèvement à Cuba auquel Washington aurait apporté son appui ».

Le leader de la révolution cubaine, Fidel Castro, a soutenu des luttes indépendantistes sur le continent africain. De l’Algérie à l’Afrique du Sud, en passant par l’Angola, cet engagement lui vaut jusqu’à ce jour la reconnaissance de nombreux pays. En ce sens sa participation à la lutte anti-impérialiste en a fait l’homme à abattre pour les puissances coloniales. Et les néoconservateurs sont parmi les premiers à tirer à boulets rouges sur Cuba et ses dirigeants. Comme les autres pays de l’Amérique latine, qui sont encore chasse gardée des États-Unis, Cuba a payé très cher la farouche volonté d’indépendance politique en opposition totale avec l’implacable hégémonie américaine prônée par l’idéologie néoconservatrice. L’histoire nous rappelle qu’en 1898 les États-Unis déclaraient déjà la guerre à Cuba et que près de 120 ans plus tard ce n’est pas tant des problèmes démocratiques que les enjeux géopolitiques qui font de Cuba une cible des puissances coloniales conservatrices.

Conclusion

Rendons-nous à l’évidence : la classe politico-médiatique dans sa grande majorité a plus de respect pour le roi fondamentaliste d’une pétromonarchie qui finance le terrorisme et pratique l’exécution publique par décapitation que pour l’ex président d’une petite ile des Caraïbes qui vit sous la contrainte d’un embargo économique, commercial et financier extrêmement violent depuis 1962.

Évidement si Cuba était le plus gros acheteur d’armes françaises comme l’est l’Arabie Saoudite, nous pouvons facilement imaginer que les rôles seraient inversés. Nous verrions alors Manuel Valls en « VRP » défendre bec et ongle un Cuba pourvoyeur d’emplois avec une indulgence envers les atteintes aux droits humains proportionnelle aux contrats d’armements.

Source : ANTICONS

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