Verrons-nous des « ruines en cendres » durant le Sommet de la CELAC ?

Iroel Sánchez analyse les manœuvres médiatiques de Washington contre Cuba, dans le contexte de la célébration à La Havane du 2ème Sommet de la Communauté des Etats Latino-Américains et Caribéens (CELAC).

 
« Les forces de l’envahisseur ont isolé aujourd’hui le port de Bayamo, sur la côte sud de la province d’Orient », disait l’agence UPI le jour qui suivit le début de l’invasion de Playa Girón qui finit par être vaincue. Mais il n’y a pas de port à Bayamo, et aucun combat n’a eu lieu durant ces journées.

L’agence AP, pour sa part, avait rapporté le jour antérieur : « la majeure partie de la milice de 400.000 hommes recrutée par Castro a déjà déserté et la bataille décisive aura lieu dans quelques heures ». Pendant ce temps-là, la station de radio Radio Swan disait que les « guerriers de la liberté ont attaqué l’hôtel Hilton (actuel Habana Libre) au cours de la nuit passée et l’ont incendié. L’hôtel a brulé toute la nuit et n’est désormais qu’un tas de ruines en cendre ». Pourtant, dans l’emblématique édifice de la capitale cubaine, on n’avait pas entendu le moindre coup de feu.

La combinaison d’argent, de « guerriers de la liberté » et de mensonges médiatiques n’ont cessé depuis lors d’accumuler les défaites pour Washington dans ses actions contre Cuba et il semble qu’on soit à la veille d’un nouveau et sonore camouflet à propos de la célébration à La Havane du 2ème Sommet de la Communauté des Etats Latino-Américains et Caribéens (CELAC).

Le Chef Adjoint de la Section des Intérêts des Etats Unis a appelé, depuis son compte Twitter, les journalistes arrivés à La Havane pour couvrir l’évènement, à « Chercher des voix indépendantes sur la réalité à Cuba ». Non satisfait de l’hégémonie médiatique dont jouit son pays, l’étrange diplomate se comporte avec les professionnels de la presse étrangère à Cuba comme s’ils étaient ses subordonnés et leur dit ouvertement ce qu’ils doivent faire et avec qui ils doivent parler.



 
« Est-ce qu’un journaliste arrivant au #CELACCuba va chercher des voix indépendantes sur la réalité à #Cuba ? Ça vaut la peine ! »

Tweet envoyé par Conrad Tribble, Chef Adjoint de la Section des Intérêts des USA, à Cuba le soir du 25 janvier.


Ce que ce monsieur appelle « voix indépendantes », ce sont les personnes que les USA paient et contrôlent pour accomplir leurs objectifs de « changement de régime » dans l’île. Dans des documents révélés par Wikileaks et souscrits par ces mêmes diplomates étasuniens, on peut lire que ces individus « dirigent leurs principaux efforts pour obtenir des moyens suffisant pour subvenir aux besoins journaliers des principaux organisateurs et de leurs soutiens clés », et que « bien que cette recherche de moyens soit son principal objectif, le second objectif par ordre d’importance semble être de limiter ou marginaliser les activités de leurs anciens alliés de manière à se réserver le pouvoir et l’accès aux rares ressources ». Les « rares ressources » sont les vingt millions de dollars annuels que leur destine le budget fédéral étasunien.

D’autres câbles publiés par Wikileaks parlent de l’infiltration de ces groupes par le contre-espionnage cubain, chose qui se vérifie avec la filtration du document qu’ils pensaient publier au cours d’un évènement « alternatif » au sommet de la CELAC. Souscrit par des personnes qui ont appelé la CELAC « version sous-développée de l’OEA », cela ne surprend personne que son langage soit celui de Washington, particulièrement celui des déclarations du Secrétaire d’Etat John Kerry sur Cuba, et utilise les mêmes termes comme « concert hémisphérique » au lieu de « Grande Patrie » ou « Notre Amérique ». CADAL, l’organisation qui parraine depuis l’argentine le nouveau show, a été accusée avec des moyens solvants de ce pays comme le journal Página 12 pour « son lien étroit avec deux entreprises comme la Usaid (Agence des Etats Unis pour le Développement International) et la NED (Fondation Nationale pour la démocratie) qui la financent, et la rapprochent trop de l’exil anticastriste de Miami ».

La USAID est la principale source de fonds pour le changement de régime à Cuba et la NED – qui en 2011 a délivré 60.000 dollars à la CADAL – a été signalée par le New York Times comme un écran de la CIA. Le journal New Yorkais l’a décrite en première page le 31 mars 1997, dans un texte signé par John M. Broder, comme une organisation créée « pour faire de manière ouverte ce que l’Agence Central d’Intelligence a fait sous couvert durant des décennies, donne 30 millions chaque année pour apporter son soutien à des choses tels que des partis politiques, des syndicats, des mouvements de dissidents, et les organes de presse dans des dizaines de pays. »


Le « guerrier de la liberté » Guillermo Fariñas à côté de Luis Posada Carilles (à gauche).


Le « Guerrier de la liberté » qui sert d’invité de la CADAL à Cuba est Guillermo Fariñas, un mythomane qui n’a pas vacillé un instant pour être pris en photo fièrement avec le terroriste Luis Posada Carriles, auteur de l’explosion en plein vol d’un avion civil cubain qui a couté la vie à 73 personnes, et condamné par un tribunal panaméen pour avoir tenté d’assassiner Fidel dans le grand amphithéâtre de la principale université de l’isthme de Panama.

Si les moyens de communication internationaux veulent voir leur crédibilité se transformer en un « amas de ruines en cendres », comme ce fut le cas pour AP, UPI et Radio Swan à l’époque de Girón, peut-être que le mieux qu’ils puissent faire est suivre les instructions troubles que, en désespoir de cause, le Chef Adjoint de la Section des Intérêts des Etats Unis à Cuba tente de leur faire parvenir.
 

Traduction: Collectif Investig'Action 

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