Venezuela et Colombie : pourquoi Washington essaie de les opposer

Luz Perly Cordoba Mozquera est porte-parole internationale de l’Association paysanne d’Arauca (ACA), Colombie

LE VENEZUELA ET LA COLOMBIE

DEUX ENFANTS DE BOLIVAR QUE LE FASCISME ESSAIE D’OPPOSER

“Aujourd’hui, le bras et l’épée libératrice de Bolivar parcourent à nouveau, infatigables, la grande patrie latino-américaine. Avec eux, des millions de Bolivars fleurissent dans le cœur des femmes et des hommes qui luttent pour une patrie latino-américaine juste, grande, digne et souveraine pour tous”

Historiquement, la Colombie et le Venezuela sont deux nations sœurs, filles du Libérateur Simon Bolivar et, par conséquent, héritières de la tradition libératrice léguée par l’héroïque geste de nos patriotes lors de la guerre révolutionnaire contre la tyrannie espagnole. Nos peuples partagent indissolublement de vastes traits culturels et de profonds liens de solidarité et de fraternité qui ont toujours transcendé les différences formelles tracées par les frontières.

Dans le cadre actuel de la mondialisation et de l’internationalisation du capital, ainsi que de l’ajustement géopolitique hégémonique, les USA et les autres puissances mettent en œuvre un ordre économique, politique, juridique et militaire supranational obligatoire qui limite le droit à l’autodétermination, à la souveraineté et à la dignité des peuples et des nations du monde entier.

Aujourd’hui, les thèmes de la « sécurité globale » et de la « sécurité démocratique » ont pris beaucoup d’ampleur dans l’agenda mondial, les Etats-Unis s’arrogeant le droit d’intervenir sur les terrains économique, politique et militaire dans n’importe quel pays, sous prétexte de maintenir sa démocratie et leur ordre mondial injuste et inhumain.

Le capitalisme impérialiste étatsunien et ses alliés dans son essence et pratique politiques, économiques, sociales et culturelles produisent des Etats gérés par des gouvernements fascistes, terroristes, maffieux, mercenaires et autoritaires, écrasant des peuples entiers pour assouvir leurs appétits économiques voraces.

La démagogie et l’immoralité de la Maison-Blanche utilisent un discours différent selon les circonstances : les droits humains, la lutte anti-terroriste, la défense de la biodiversité, la défense de la démocratie, la recherche de la paix, la lutte contre le narcotrafic, mais qui ne vise, en vérité, qu’à soutenir le nouveau-vieil ordre capitaliste mondial, anachronique et décadent.

Hier c’était le Vietnam, le Panama, la Grenade, le Nicaragua, le Salvador, aujourd’hui l’Irak, l’Afghanistan, la Colombie, demain l’Iran, le Venezuela, la Bolivie, la Corée du Nord. Hier le communisme, aujourd’hui le terrorisme, le shérif de l’Oncle Sam ne se donne guère de trêve dans ses efforts odieux pour tourmenter l’Humanité.

La Colombie vit un conflit politico-militaire prolongé, qui s’approche dangereusement des niveaux d’une guerre civile. Ce conflit est le résultat d’une confrontation entre la classe dirigeante de l’Etat et les secteurs populaires, du haut degré d’iniquité et d’exclusion économique, sociale et politique auquel ont été soumis la grande majorité des citoyens. En Colombie, la pauvreté et la faim sont des réalités quotidiennes qui raccourcissent la vie de millions de personnes et l’emplissent de tristesse et de souffrance.

En réponse à la grave crise économique, sociale et politique du pays et devant la montée des luttes populaires, le régime du dictateur Alvaro Uribe Velez, par le biais de sa mal nommée politique de « sécurité démocratique », a mis en œuvre un projet fasciste reflété dans le renforcement de l’appareil militaire, l’augmentation irrationnelle des dépenses militaires alors que l’éducation et la santé publique agonisent, la militarisation de la vie nationale, l’exécution de ses faillis plans « Colombie » et « Patriote », le réseau d’un million d’indicateurs, l’achat de matériel militaire mis au rebus par les Etats-Unis, la présence de mercenaires et de conseillers étatsuniens sur sol colombien, la création de bataillons de haute montagne, de « soldats paysans », la légalisation et l’institutionnalisation des hordes assassines de paramilitaires, bref, la guerre totale contre les pauvres.

L’élite qui promeut actuellement le projet fasciste en Colombie est formée par des secteurs de la bourgeoisie industrielle et financière, des commerçants et des propriétaires terriens, auxquels s’ajoutent des secteurs des forces armées, les narco-paramilitaires, incrustés dans toutes les sphères du pouvoir de l’Etat, les trafiquants de drogue et les politiciens traditionnels et corrompus.

D’autre part, pour consolider ses projets économiques et militaires rapaces, le Pentagone attise, lui aussi, le fascisme, dévastant le pays avec ses plans de guerre et de famine, dans un interventionnisme ouvert et chaque jour plus éhonté, transformant le pays en laboratoire de sa politique guerrière et expansionniste, qu’il essaie de projeter dans d’autres pays de la région latino-américaine.

Le Venezuela, qui, lui aussi, a longtemps vécu sous le joug aberrant d’une bourgeoisie antipatriotique au service de l’impérialisme yankee, a aujourd’hui repris avec courage et dignité le sentier libertaire de Bolivar et, de la main du Commandant Chavez, a initié un processus irréversible vers la consolidation de la Révolution bolivarienne, qui s’est traduit dans l’augmentation de la qualité de vie des immenses majorités, et qui, sans aucun doute, se dresse aujourd’hui comme un exemple de lutte et de courage pour les peuples exploités et humiliés d’Amérique Latine et du monde entier. Le peuple courageux et héroïque du Venezuela est aujourd’hui la lumière qui éclaire le chemin de la liberté, la dignité et la souveraineté de nos peuples.

L’ingérence politique et militaire étatsunienne en Colombie vise, en outre, à intimider les peuples de l’Amérique Latine. Les Etats-Unis cherchent à se repositionner géo-stratégiquement dans la région, devant le mécontentement populaire croissant qu’éveillent les politiques néolibérales en Equateur, au Pérou, au Brésil et au Panama. De même, les étatsuniens voient d’un très mauvais œil les changements sociaux et politiques qui s’opèrent au Venezuela.

Tandis que le Venezuela surmonte ses difficultés, la Colombie est saignée par la guerre et la violence que génèrent l’obéissance aveugle aux politiques financières et aux recettes du FMI, ainsi que l’imposition de la stratégie étatsunienne pour les Amériques à travers le Plan Colombie, l’ALCA, l’IRA et l’Axe de développement occidental, sans parler du Plan Puebla-Panama.

En effet, le Plan Colombie, l’Initiative Régionale Andine (IRA) et l’ ALCA, aujourd’hui transformé en TLC, exigent en première instance la libération des marchés de capitaux, communication, transport et énergie, et s’ajoutent aux autres mesures imposées par le FMI.

Le cadre stratégique étatsunien comprend l’ « Axe de développement occidental », qui prétend utiliser la région appelée « Région historique marabine », laquelle comprend les Etats vénézuéliens de Zulia, Trujillo, Mérida et Tachira et les Départements colombiens de Guajira, Cesar et Norte de Santander. On prétend imposer dans toute cette région une dynamique en accord avec les plans de mondialisation en raison de ses richesses minières (charbon) et de ses vastes surfaces de terres fertiles. L’installation de bases militaires étatsuniennes est déjà une réalité en Colombie, dans les zones riches en gisements de pétrole, de charbon, en sources d’eau, en génétique et en récifs de corail, entre autres.

Le département d’Arauca se trouve à l’Est de la Colombie, à la frontière avec le Venezuela. Sa surface est de 23.517 km2 et, selon les projections, sa population en 2005 était de 273.136 habitants (le 0,59% du total national), desquels 149.034 (le 54,6%) se trouvent dans les chefs-lieux et 124.102 (le 45,4%) dans les zones rurales, regroupés en sept municipalités : Arauca (capitale), Saravena, Fortul, Tame, Cravo Norte et Puerto Rondon.

Jusqu’au moment du développement des champs de pétrole découverts par la compagnie étatsunienne Occidental Petroleum Corporation (OXY), Arauca était un territoire typique de l’Orénoquie, en prolongement des plaines du Venezuela, qui arrivait jusqu’au pied de la Cordillère Orientale de Colombie. Un territoire oublié par les gouvernements successifs, dans lequel il n’y avait que pauvreté, marginalisation et isolement du reste du pays.

Tout a commencé à changer lorsque, en 1983, on a découvert qu’il y avait de grands gisements de pétrole, qui ont rempli les coffres des multinationales, exacerbé la corruption et généré pour ses habitants davantage de violence et de pauvreté.

Ce sont essentiellement les transnationales pétrolières et minières étatsuniennes et européennes qui contrôlent le secteur, depuis la production jusqu’à la commercialisation. Pour protéger leurs intérêts économiques, ces transnationales interviennent directement dans le conflit colombien à travers le financement de la guerre contre la population, qui inclut l’appui économique et logistique aux groups narco-paramilitaires.

En tant qu’acteurs de la stratégie de terreur et de mort contre la population dans les zones d’intérêt économique étatsunien, les groupes paramilitaires sont entrés dans Arauca en 2001, en provenance du département de Casanare, et ils ont établi leur influence dans les munucipalités de Tame, Puerto Rondon et Cravo Norte.

Ceci a entraîné des conséquences gravissimes : la stigmatisation des habitants de la région comme auxiliaires de la guérilla, les blocus alimentaires par les militaires et les paramilitaires, le déplacement forcé comme méthode de guerre, l’expulsion des paysans des chefs-lieux, les détentions massives, illégales et arbitraires, les massacres collectifs et l’assassinat sélectif, principalement de leaders de la région ou de communautés qui se sont organisées et ont exercé leurs droits constitutionnels à la liberté d’expression, de mobilisation et de protestation pacifique.

D’autre part, dans le cadre du développement de la stratégie paramilitaire de l’Etat, ces bandes d’assassins se sont déplacées dans des pays voisins tels que le Venezuela, où elles ont déployé leurs agissements criminels ; elles ont même participé à la préparation d’un attentat contre le Président Hugo Chavez, payées par des réactionnaires vénézuéliens qui cherchent à déstabiliser le processus de changement qui se déroule actuellement dans ce pays frère. Ces manœuvres, téléguidées depuis Washington, ont pout but de générer un environnement hostile contre la République bolivarienne du Venezuela qui permette de considérer sérieusement une invasion étatsunienne avec l’appui des armées des laquais voisins.

Cette stratégie d’utilisation des bandes paramilitaires contre le Venezuela et sa Révolution est fomentée par l’aile la plus retardataire de l’opposition vénézuélienne, téléguidée par Washington et appuyée par les élites fascistes colombiennes.

Les paramilitaires se sont déjà positionnés le long de la frontière, dans la Serrania del Perija (Département Cesar), contrôlent la Guajira et ont commencé à contrôler le Catatumbo (Norte de Santander), ainsi qu’une partie importante du département d’Arauca, et leurs incursions vers le territoire vénézuélien sont constantes.

« La tactique paramilitaire consiste à réunir des forces, espérant concentrer des hommes et des ressources. Ils vont attendre deux choses : ou bien qu’un secteur extrémiste et puissant de l’opposition vénézuélienne les engage pour faire la guerre au Venezuela dans le style de la Contra nicaraguayenne, ou bien que le gouvernement des Etats-Unis lui-même, lorsqu’il se sera affranchi de son problème en Irak, s’il s’en sort bien, décide de s’appuyer sur les forces militaires pour intervenir au Venezuela. Les paramilitaires attendent cela, et c’est la raison pour laquelle ils contrôlent la frontière et y concentrent chaque jour davantage d’armes et d’équipements » (Gustavo Petro, représentant à la Chambre des députés)

Les provocations des paramilitaires colombiens ont augmenté pendant les dernières années le long de la frontière avec le Venezuela. Mais ces groupes n’agissent pas seulement en Colombie. Dans les Etats vénézuéliens proches de la frontière, des groupes de sicaires ont été détectés qui assassinent des leaders paysans pour le simple fait de recevoir des terres de l’Etat, des terres qui ont été confisquées à des propriétaires terriens.

D’autre part, l’organisation criminelle paramilitaire qui opère le long de la frontière et qui réalise des incursions au Venezuela contrôle aussi la contrebande d’essence du Venezuela vers la Colombie, le trafic d’armes, le trafic de drogues et mène des activités d’extorsion et de séquestration à l’encontre d’éleveurs et de commerçants vénézuéliens, ce qui établit des organisations criminelles très bien articulées des deux côtés de la frontière.

Il est dès lors clair que la politique étatsunienne pour la consolidation de ses intérêts économiques cherche par le biais de toutes ces stratégies de générer une politique ouverte d’hostilité entre les deux nations sœurs, qui serve de prétexte pour persévérer dans ses tentatives de déstabilisation du processus révolutionnaire du Venezuela. Le plan des Etats-Unis est que le Venezuela fasse à leur place leur guerre en Colombie et que la Colombie leur donne le pétrole vénézuélien.

C’est pour cela que l’aigle impérial capitaliste du Nord menace les peuples bolivariens du Venezuela et de la Colombie, essayant d’y planter à nouveau ses griffes. Le moment est venu de lever à nouveau les drapeaux de l’anti-impérialisme bolivarien afin d’arrêter la bête fasciste.

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