Venezuela: Hugo Chavez déraperait-il ?

Le 31 janvier, les députés ont accordé au président Chavez des « pouvoirs

spéciaux » qui lui permettent de gouverner par décrets pendant dix-huit

mois, au nom de la poursuite de la « révolution socialiste ». S’agit-il

d’une dérive vers un pouvoir plus autoritaire ?

L'Humanité Dimanche du 1er AU 7 MARS 2007

Eh oui ! Si tous les médias l’assurent, le susurrent, le trompettent…

Mais en huit ans de révolution,la démocratie participative a beaucoup

progressé au Venezuela. Plus vite que la justice sociale. Celle-ci a subi

la résistance de lobbies économiques, l’inertie ou la corruption de

fonctionnaires, le coup d’État et le sabotage économique de 2002.

C’est pour donner un coup d´accélérateur aux réformes que les Vénézuéliens

ont réélu Hugo Chavez à 62,8 % en décembre. Un scrutin qualifié de «

transparent, équitable et démocratique » par l’Organisation des États

américains, l’Union européenne et le Centre Carter. Tenant ses promesses,

Chavez annonce en janvier un contrôle accru de la banque centrale pour

financer les programmes sociaux; la nationalisation des compagnies de

téléphone et d´électricité, qui permettra d´étendre le service

public aux secteurs exclus car peu « rentables » comme les secteurs

ruraux; l’accroissement des parts de l’État dans les sociétés mixtes

pétrolières

– atout majeur pour le développement et garantie, pour les ouvriers

pétroliers, de nouveaux droits sociaux ; l’explosion des « conseils

communaux » où des millions de citoyens géreront avec l’État

3,8 milliards d’euros en 2007 pour construire écoles, routes, hôpitaux,

logements sociaux, coopératives – la vigilance populaire limitant la

corruption.

Pour réaliser et accélérer ce vaste programme, le président a demandé aux

députés le permis de légiférer seul pendant 18 mois. Un droit

constitutionnel qu’il avait déjà obtenu en 2000, créant 49 lois,

dont celle de la réforme agraire ou de la nationalisation du pétrole. Les

décrets de Chavez ne visent pas à imposer, comme ailleurs, le

néolibéralisme.

Ses prédécesseurs ont usé du même droit. Thomas Shannon, le diplomate

américain chargé de l’Amérique latine a d’ailleurs concédé dans un

commentaire inhabituellement amical que cette disposition « est valable

sous la Constitution et comme tout outil démocratique, dépend de comment

on l’utilise ». Le Parlement continuera de son côté à discuter un large

éventail de lois. Faire de ces «pouvoirs spéciaux » « un pas vers la

dictature » est donc une enième supercherie, la plus absurde sans

doute, au bas d’une liste trop longue (2).

Légitimé par une dizaine d’élections en sept ans, « Chavez a injecté une

bonne dose de vitamines à la démocratie latino-américaine », dit

l’écrivain

Eduardo Galeano. En Bolivie, en Équateur, d’autres majorités exclues par

l’élite blanche refondent des républiques égalitaires au moyen d’élections

libres et d’assemblées constituantes. Chavez vante la tradition des

militaires démocrates tels le Péruvien Velazco ou le Guatémaltèque Arbenz,

promoteurs des droits de la femme et de réformes agraires. À l’académie,

déjà, il traçait une ligne de partage entre les gorilles à la Pinochet et

les militaires respectueux des libertés. Jeune soldat, il refusa de

réprimer des paysans (3).

La Constitution bolivarienne est la seule au monde à instaurer un

référendum révocatoire. Les citoyens peuvent révoquer un élu, maire ou

président, à mimandat. L’opposition en a fait usage en 2004. Chavez a

remporté le référendum, validé par les observateurs internationaux.

Bush et Blair seraient-ils encore en place si leurs peuples jouissaient

du même droit ?

En 2007, 90 % des ondes radios et TV et presque toute la presse

écrite restent aux mains d’une élite qui a mené le putsch sanglant

de 2002 contre Chavez. Le gouvernement, lui, développe la liberté

d’expression en légalisant, sans les contrôler, des centaines de radios et

télévisions associatives jadis réprimées, en créant des télévisions

publiques au service des mouvements sociaux comme TeleSur ou Vive, en

remettant la concession (qui expire en mai 2007) d’une télévision

privée putschiste à ses travailleurs, aux producteurs indépendants, aux

organisations citoyennes.

D’où la rage des médias dominants (4), qui n’hésitent plus à reprendre les

mensonges éhontés de la droite vénézuélienne. Les médias rachetés par la

Bourse veulent faire accepter à la plèbe ignorante un monde sans États,

sans services publics et punissent les contrevenants. Les peuples

d’Équateur, de Bolivie et du Venezuela leur ont dit non.

(1) www.vive-fr.org

(2) Voir à ce sujet les articles publiés

sur :www.acrimed.org

(3) « Le Venezuela de Chavez », par Maurice

Lemoine. Éditions Alternatives. Novembre 2006.

(4) Le « parti de la presse et de l’argent ».

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