Venezuela: Hugo Chavez déraperait-il ?
- 09 Mar 2007
Le 31 janvier, les députés ont accordé au président Chavez des « pouvoirs
spéciaux » qui lui permettent de gouverner par décrets pendant dix-huit
mois, au nom de la poursuite de la « révolution socialiste ». S’agit-il
d’une dérive vers un pouvoir plus autoritaire ?
L'Humanité Dimanche du 1er AU 7 MARS 2007
Eh oui ! Si tous les médias l’assurent, le susurrent, le trompettent…
Mais en huit ans de révolution,la démocratie participative a beaucoup
progressé au Venezuela. Plus vite que la justice sociale. Celle-ci a subi
la résistance de lobbies économiques, l’inertie ou la corruption de
fonctionnaires, le coup d’État et le sabotage économique de 2002.
C’est pour donner un coup d´accélérateur aux réformes que les Vénézuéliens
ont réélu Hugo Chavez à 62,8 % en décembre. Un scrutin qualifié de «
transparent, équitable et démocratique » par l’Organisation des États
américains, l’Union européenne et le Centre Carter. Tenant ses promesses,
Chavez annonce en janvier un contrôle accru de la banque centrale pour
financer les programmes sociaux; la nationalisation des compagnies de
téléphone et d´électricité, qui permettra d´étendre le service
public aux secteurs exclus car peu « rentables » comme les secteurs
ruraux; l’accroissement des parts de l’État dans les sociétés mixtes
pétrolières
– atout majeur pour le développement et garantie, pour les ouvriers
pétroliers, de nouveaux droits sociaux ; l’explosion des « conseils
communaux » où des millions de citoyens géreront avec l’État
3,8 milliards d’euros en 2007 pour construire écoles, routes, hôpitaux,
logements sociaux, coopératives – la vigilance populaire limitant la
corruption.
Pour réaliser et accélérer ce vaste programme, le président a demandé aux
députés le permis de légiférer seul pendant 18 mois. Un droit
constitutionnel qu’il avait déjà obtenu en 2000, créant 49 lois,
dont celle de la réforme agraire ou de la nationalisation du pétrole. Les
décrets de Chavez ne visent pas à imposer, comme ailleurs, le
néolibéralisme.
Ses prédécesseurs ont usé du même droit. Thomas Shannon, le diplomate
américain chargé de l’Amérique latine a d’ailleurs concédé dans un
commentaire inhabituellement amical que cette disposition « est valable
sous la Constitution et comme tout outil démocratique, dépend de comment
on l’utilise ». Le Parlement continuera de son côté à discuter un large
éventail de lois. Faire de ces «pouvoirs spéciaux » « un pas vers la
dictature » est donc une enième supercherie, la plus absurde sans
doute, au bas d’une liste trop longue (2).
Légitimé par une dizaine d’élections en sept ans, « Chavez a injecté une
bonne dose de vitamines à la démocratie latino-américaine », dit
l’écrivain
Eduardo Galeano. En Bolivie, en Équateur, d’autres majorités exclues par
l’élite blanche refondent des républiques égalitaires au moyen d’élections
libres et d’assemblées constituantes. Chavez vante la tradition des
militaires démocrates tels le Péruvien Velazco ou le Guatémaltèque Arbenz,
promoteurs des droits de la femme et de réformes agraires. À l’académie,
déjà, il traçait une ligne de partage entre les gorilles à la Pinochet et
les militaires respectueux des libertés. Jeune soldat, il refusa de
réprimer des paysans (3).
La Constitution bolivarienne est la seule au monde à instaurer un
référendum révocatoire. Les citoyens peuvent révoquer un élu, maire ou
président, à mimandat. L’opposition en a fait usage en 2004. Chavez a
remporté le référendum, validé par les observateurs internationaux.
Bush et Blair seraient-ils encore en place si leurs peuples jouissaient
du même droit ?
En 2007, 90 % des ondes radios et TV et presque toute la presse
écrite restent aux mains d’une élite qui a mené le putsch sanglant
de 2002 contre Chavez. Le gouvernement, lui, développe la liberté
d’expression en légalisant, sans les contrôler, des centaines de radios et
télévisions associatives jadis réprimées, en créant des télévisions
publiques au service des mouvements sociaux comme TeleSur ou Vive, en
remettant la concession (qui expire en mai 2007) d’une télévision
privée putschiste à ses travailleurs, aux producteurs indépendants, aux
organisations citoyennes.
D’où la rage des médias dominants (4), qui n’hésitent plus à reprendre les
mensonges éhontés de la droite vénézuélienne. Les médias rachetés par la
Bourse veulent faire accepter à la plèbe ignorante un monde sans États,
sans services publics et punissent les contrevenants. Les peuples
d’Équateur, de Bolivie et du Venezuela leur ont dit non.
(1) www.vive-fr.org
(2) Voir à ce sujet les articles publiés
sur :www.acrimed.org
(3) « Le Venezuela de Chavez », par Maurice
Lemoine. Éditions Alternatives. Novembre 2006.
(4) Le « parti de la presse et de l’argent ».