Ukraine : les sirènes médiatiques de l’Occident

Dans la matinée du 29 novembre 2004, entre 7h et 9h, France-Inter diffusait une émission spéciale réalisée en direct depuis la place de l’indépendance à Kiev…

 



 

Au côté de l'animateur Stéphane Paoli avaient pris place Bernard Guetta, chroniqueur bien connu des auditeurs de la chaîne pour sa ferveur européiste, Bruno Cadene, correspondant permanent de Radio-France à Moscou, ainsi qu'un politologue ukrainien membre d'un institut de sociologie financé par l'Ouest.


A tour de rôle, les participants vont rivaliser d'empathie pour la cause des partisans du candidat « pro-européen » Viktor Iouchtchenko qui bravent courageusement le froid dans leur village de tentes, lorsqu'ils reçoivent en fin d'émission un coup de fil incongru d'un auditeur de Bruxelles prénommé Vladimir qui a le culot de leur demander à l'antenne si la couverture médiatique des événements en Ukraine ne relève pas de la manipulation ! Et l'insolent intervenant d'évoquer notamment les millions de dollars déversés par la Fondation du milliardaire américain Georges Soros pour soutenir la campagne de « l'opposition démocratique ».


Piqué au vif, Bruno Cadene qui, depuis des semaines, s'était fait le chantre de la « Révolution orange » lui rétorque aussitôt que « parler de manipulation quand des millions (sic) de personnes descendent dans la rue pour réclamer la démocratie est profondément méprisant ». Puis, bien décidé à clouer définitivement le bec au malotru, il se lance dans une tirade échevelée : « Non, Vladimir, les Ukrainiens ne sont pas des idiots qu'on manipule ! Ils voient bien que d'un côté, à l'Ouest, il y a l'Union européenne, il y a la démocratie et les médias libres, et que de l'autre côté, à l'Est, il y a un régime totalitaire … [il se reprend] autoritaire et des médias étroitement contrôlés par le pouvoir ».


Pour parachever sa séduisante démonstration géopolitique, Cadene aurait pu ajouter que, d'un côté il y avait la Côte d'azur et ses rivages ensoleillés et, de l'autre côté, la Sibérie et sa toundra gelée. Seuls les esprits chagrins reprocheront au correspondant de Radio-France d'avoir omis de rappeler que l'énergie (gaz et le pétrole) à prix préférentiel provenait du grand voisin de l'Est : un petit détail géopolitique qui n'aura pas échappé aux Ukrainiens lucides qui se gardent des sirènes médiatiques de l'Occident.