Thielemans, Close et Mayeur (PS – Bruxelles Ville): on prend les voix des Arabes, mais on obéit à Israël !

Il y avait là un mystère. Pourquoi le bourgmestre de Bruxelles avait-il réprimé aussi violemment et sans aucune raison la manifestation « Bienvenue en Palestine » du 16 avril 2012 ? Alors qu’une grande partie de ses électeurs sont musulmans et solidaires évidemment des Palestiniens qu’Israël opprime ? Quelles que soient les convictions personnelles de Thielemans, n’était-ce pas un peu stupide au point de vue électoral ? J’ai essayé d’éclairer cette contradiction…

 
Thielemans est-il avec les Palestiniens ou avec Israël ? Eh bien, c’est pas clair… D’un côté, Thielemans s’affiche (un peu) solidaire des Palestiniens. Surtout quand il y a des caméras et beaucoup de ses électeurs dans les environs. Je me souviens l’avoir vu ainsi, lors d’une conférence de Jean Ziegler à l’Université Libre de Bruxelles, venir s’installer ostensiblement au premier rang alors que Ziegler est connu pour défendre courageusement la solidarité totale avec les Palestiniens. Alors, « Docteur Freddy pour la paix » ?
Mais de l’autre côté, il y a eu cette manif Palestine réprimée très violemment et sans aucune nécessité. Là, ça devient « Mister-Thielemans-la-matraque ». Un bourgmestre à deux visages ? Il existe un autre indice… Chaque année depuis 2002, le Mouvement Citoyen Palestine organisait dans les rues de Bruxelles une action Père Noël, distribuant tracts et bonbons afin de sensibiliser les passants de la rue Neuve : « Chaque année, depuis neuf ans, nous avons reçu beaucoup d’encouragement et de sympathie de la part du public. Mais ce jeudi 22 décembre, j’ai reçu un coup de fil de la police m’informant que l’action « Quel Père Noël pour les enfants de Gaza ? » du 23 décembre serait interdite. Sans apporter aucune autre explication que le bourgmestre ne l’autorise pas (plus) !  Or, tout acte administratif doit être formellement motivé comme le prévoit la loi du 29 juillet 1991, nous dit notre avocat. »
Mais l’association poursuit : « Le mercredi 21 décembre, Radio Judaïca, à la suite de l’intervention du CCOJB (Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique), aurait annoncé que Monsieur Thielemans avait interdit notre action du vendredi à la rue Neuve, et ceci avant même que le Mouvement Citoyen Palestine ait été informé par la police. Radio Judaïca et le CCOJB font-ils la loi à la Ville de Bruxelles ? »
 
 
 
Le rôle discret du lobby d’Israël
Voyons de plus près le rôle de ce CCOJB . En réalité, il est loin de représenter toute la communauté juive, il s’agit plutôt d’un lobby pro – Israël. Equivalent au CRIF français ou à l’AIPAC aux USA. Ces groupes de pression très agressifs cherchent à imposer l’alignement des politiques, mais aussi des médias belges sur Israël.
Bon, chacun a le droit de défendre des opinions. Ou des intérêts. Sauf que la méthode du CCOJB consiste à refuser systématiquement le débat démocratique avec ses contradicteurs. J’en ai fait plusieurs fois l’expérience, son président Maurice Sosnoswki a toujours refusé de débattre avec moi. A mon avis, il sait qu’il n’a pas d’arguments face aux faits rassemblés dans mon livre Israël, parlons-en ! Mais il y a pire : lorsqu’une association ou un cercle étudiant veut m’inviter pour un débat contradictoire sur Israël, le CCOJB fait pression en coulisses pour faire annuler cette invitation. Bref, un lobby raciste, guerrier et refusant le débat démocratique.

Pourquoi parler ici du CCOJB ? Parce que c’est un acteur discret mais très influent de la scène politique et médiatique belge (voir le livre de Lucas Catherine, De Israël-lobby, chez EPO) Chaque année, le CCOJB organise, comme le CRIF français, un grand banquet annuel où se pressent les politiciens « amis ». Et des journalistes. Parmi les convives du 20 septembre 2011, on retrouvait des pro – Israël purs et durs comme l’ancien premier ministre Leterme, l’actuel ministre belge de la Guerre, Pieter de Crem, l’actuel ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR) (voir sa répression très violente de la manif Palestine en avril 2012), Françoise Schepmans (MR), Viviane Teitelbaum (MR). Et côté médias : Marie-Cécile Royen (Le Vif), Didier Hammann (Le Soir), Stéphane Rosenblatt (RTL Belgium).
 
Thielemans offre des fleurs à Tel Aviv
Ah oui, nous avons oublié quelqu’un. Il y avait là aussi… le bourgmestre Thielemans (PS). A ses côtés, était assis son successeur : Yvan Mayeur. Un homme qui avait acquis une réputation différente sur la Palestine, mais qui semble avoir effectué un virage à 180°. Le président du CCOJB s’est d’ailleurs félicité d’avoir trouvé en lui un nouvel allié : « Notre politique est basée sur la reconstruction de relations fiables et solides avec la presse et le monde politique. (…), nous avons gagné dans ce combat de nouveaux alliés sur qui nous pourrons compter à l’avenir. Le député socialiste Yvan Mayeur, pour n’en citer qu’un, n’a pas hésité à s’engager dans ce combat à nos côtés. »
Yvan Mayeur, allié d’Israël donc. Et Freddy Thielemans aussi ? En septembre 2010, en compagnie de son échevin et bras droit Philippe Close, il s’est rendu solennellement à Tel Aviv, la capitale d’Israël. Grâce à eux, Bruxelles a offert à sa « sœur » un riche tapis de dahlias et de bégonias commandés à des horticulteurs belges. Thielemans et Close avaient-ils consulté leurs électeurs pour savoir ce qu’ils pensaient de cette fraternisation indécente après le massacre de Gaza ?
 
De quel côté, le PS ? Avec Israël et l’apartheid, ou avec les Palestiniens ?
Ceci dit, il n’y a pas que Thielemans. En fait, tout le Parti socialiste belge est assez double face. Vous avez d’un côté des gens qui s’engagent à fond pour défendre les droits des Palestiniens. Par exemple, Philippe Moureaux, Pierre Galand, Véronique Dekeyzer, Jean Cornil, Jamal Ikazban… Qui engagent des actions très concrètes de solidarité. Et récoltent des insultes à répétition en provenance d’Israël.
Bien, mais de l’autre côté, si on regarde la ligne dominante au sein de ce PS, il faut bien constater qu’il a toujours considéré comme son « parti – frère » au sein de l’Internationale socialiste le Parti travailliste israélien. Celui des fondateurs d’Israël, et celui qui a fourni quelques-uns des pires bouchers de l’Histoire du Moyen-Orient : Moshe Dayan dirigeait l’armée sioniste qui a attaqué ses voisins en 1967 et triplé le territoire volé d’Israël. Il était de ce « PS israélien ». Golda Meïr, première ministre disait en 1969 : « Les Palestiniens n’ont jamais existé ». Elle était de ce « PS israélien ». Ehud Barak était le commandant adjoint de l’armée israélienne lors de l’invasion du Liban en 1982 pour chasser l’OLP et lors du massacre de sabra et Chatila. En tant que ministre de la Guerre, il a dirigé les bombardements sur Gaza en 2008- 2009. Il était de ce « PS israélien ». Et la direction du PS belge a toujours refusé de demander que soit exclu de l’Internationale socialiste ce parti d’assassins.
A propos de Gaza, au lendemain des bombardements horribles, le président du PS, Elio Di Rupo a regretté sur son blog « les raccourcis inappropriés entre judaïsme, sionisme et colonialisme ». Effectivement, il importe de ne pas faire d’amalgame, en assimilant les juifs aux crimes commis par Israël. Ce n’est pas une guerre de religion et de nombreux juifs condamnent Israël. Mais l’actuel premier ministre jette bel et bien la confusion quand il refuse de qualifier de colonialiste le sionisme, c’est-à-dire la politique expansionniste et d’apartheid menée par Israël. Chasser 700.000 Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres pour construire un Israël ethniquement pur, n’est-ce pas du colonialisme de la pire espèce ?
Un jour, il va falloir que le PS choisisse son camp : avec les colonialistes d’Israël ou pour les droits des Palestiniens. Mais revenons à Bruxelles. La question qui se pose est : Thielemans, Close et Mayeur jouent-ils double jeu ? D’un côté, je prends les votes des Arabes et je me montre solidaire de la Palestine, surtout quand il y a des caméras ? Mais de l’autre côté, je prends mes instructions auprès du lobby Israël, car je sais que cela m’est nécessaire pour faire une belle carrière ?
 
Le problème, c’est la sociologie de Bruxelles
Pour comprendre leur dilemme, il faut examiner un peu la sociologie de Bruxelles… 50% de la population de Bruxelles – Capitale est étrangère ou d’origine étrangère. Combien de musulmans ? Pas de statistiques précises, mais on les estime entre 16% et 22%. Et dans des communes plutôt pauvres comme Bruxelles – Ville, la proportion est beaucoup plus forte. Longtemps, les Arabes ne furent pas représentés, les Noirs non plus d’ailleurs, et la politique restait « blanche », mais la situation évolue : aujourd’hui, un député bruxellois sur cinq est de culture musulmane. Voilà pourquoi, à chaque campagne électorale, on voit fleurir une multitude de portraits d’Arabes sur les vitrines des coiffeurs et des épiciers des quartiers populaires. Le PS courtise frénétiquement les votes arabes. Tandis que le CDH, ex – parti social – chrétien, drague les votes congolais.
Et ça marche ? Oui. En 2007, le CEVIPOL a effectué une large enquête à la sortie des urnes pour étudier le comportement électoral des Belges. Il en ressortait que l’électorat musulman votait à 42 % pour le Parti socialiste, à 16 % pour le CDH et seulement 14% pour le MR. Le PS attire donc une large majorité du vote musulman. Pas pour des raisons religieuses bien sûr, mais pour des raisons sociales : c’est un électorat bien plus pauvre que celui du MR, par exemple. (source : Fatma Zibouh, La représentation politique des musulmans à Bruxelles, Brussels Studies n° 55, décembre 2011)
Courtisés avant l’élection, donc. Mais ensuite ? Soyons francs : après, on s’en fout. La trahison presque générale envers les Palestiniens en est la preuve. A l’exception de certaines communes comme Molenbeek où les élus arabes ont acquis une réelle importance politique, par contre à Bruxelles – Ville et dans la plupart des autres communes, les candidats arabes (ou noirs) servent tout juste de « ramasse – voix » : on les affiche pour capter le vote de leur communauté, mais on ne les écoute pas. Qu’ils ne nous en veuillent pas, mais ils sont les « Arabes de service ». Utilisés, pas écoutés. La preuve : aucun des élus arabes de Bruxelles – Ville n’a jamais oser nous répondre à propos des violences policières racistes qui frappent massivement des membres de leur communauté. La loi du silence imposée par Thielemans. Et ceux qui sont derrière lui car c’est un bon attrape – voix à coups de verres de bière et de démagogie.
 Donc, après des années d’expérience personnelle de cette loi du silence à Bruxelles – Ville, je le dis très clairement : Thielemans, Close et Mayeur prennent les voix des Arabes, mais obéissent à Israël !Une accusation grave, certes. Qui mériterait débat bien sûr. Je suis prêt à en débattre publiquement et si je me suis trompé, je rectifierai et je m’excuserai. Les gens ont le droit de savoir.
Et les électeurs musulmans ont le droit de savoir si on les prend pour des pigeons…
 
 
 

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