Témoignage – Ce qui se passe en Syrie…

Qui dit la vérité sur ce qui se passe réellement en Syrie ? Les services de renseignements israéliens qui œuvrent depuis des années pour faire tomber un régime qui leur résiste ? Les journalistes communautaires qui font écho à la propagande distillée par les ambassades d’Israël ? Les Syriens réfugiés à la frontière turque ? Ceux qui disent que beaucoup de ces derniers étaient liés aux bandes armées qui tirent sur l’armée syrienne ? Les Syriens connus hier pour leur attitude critique vis-à-vis du régime de Bachar El Assad mais qui le soutiennent aujourd’hui en dénonçant un complot visant à démembrer le pays ? Le témoignage de ce médecin syrien – comme celui donné en mai par la religieuse carmélite Mère Agnès-Mariam de la Croix – ne concorde nullement avec l’information à sens unique livrée depuis plusieurs mois par les médias occidentaux.

Ce qui se passe en Syrie depuis maintenant trois mois n’a rien à voir avec une révolution et est loin d’aboutir à un « printemps ». Il s’agit d’un mouvement de sédition (selon le Larousse, sédition est un soulèvement concerté et préparé contre l’autorité établie) préparé depuis longtemps avec une distribution des rôles et une logistique prêtes et qui attendait une occasion pour mettre à exécution le plan déjà établi. L’occasion s’est présentée à la mi-mars avec une très grosse bavure des forces de sécurité à Dara’a (petite ville du sud à la frontière avec la Jordanie).

 



 
Ce mouvement de sédition :
 
1. Est armé. Il ne s’agit pas du tout, comme le disent les médias occidentaux, de manifestations pacifiques.

  • Les manifestants tuent. Ils ont besoin qu’il y ait le maximum de tués des  deux bords pour aggraver la situation, créer un état de non-retour et émouvoir  l’opinion publique locale et étrangère.  
  • Le nombre de membres des forces de l’ordre tués est impressionnant (et il  ne s’agit pas de soldats tués par leurs supérieurs parce qu’ils n’ont pas tiré  sur la foule comme le colportent les opposants et les médias…quelle blague  !!! si c’était vrai, la plupart des soldats auraient su et déserté pour ne pas  subir le même sort).  
  • Les manifestations commencent par des slogans appelant au renversement du  régime et se terminent par des tirs sur les forces de l’ordre, le saccage et  l’incendie des bâtiments publics (bureau de poste, compagnies d’électricité…).  
  • Un exemple parmi d’autres : Jisr Al Shougour, la dernière ville citée par  les médias. Un de mes malades qui vient de cette ville me raconte : «  Heureusement, que l’armée est intervenue pour nous débarrasser de ces  "protestataires". Depuis un mois, des bandes armées circulaient à moto ou en  voiture dans la ville et les environs et y semaient la terreur. Puis ils ont  tué des policiers (Les TV ont montré deux charniers découverts par l’armée  après son entrée dans la ville), ont mis le feu aux bâtiments publics et ont  détruit à l’explosif l’immeuble des forces de sécurité tuant 67  personnes ». Ce n’est que trois jours plus tard que l’armée est  entrée dans la ville.

– 2. Est soutenu par des médias qui manipulent l’information, truquent les vidéos, exagèrent les faits et tout simplement incitent à la rébellion et au soulèvement ; qui pratiquent plus la désinformation que l’information. Des exemples :
 

  • Beaucoup de mensonges : Les titres de la une d’aujourd’hui samedi 18 juin  : « Alep gagnée par la contestation, un tué… ». Ceci est complètement  faux, il n y a pas eu de manifestations à Alep et une personne est décédée  hier en sortant de la prière du vendredi succombant à une crise cardiaque  (rapport du médecin légiste et témoignage du frère du défunt qui  l’accompagnait).  
  • Beaucoup d’exagération et d’incitation à la sédition : « l’horreur en  Syrie » « on tire sans sommation sur les manifestants non  armés » « comment peut-on se taire devant ces actes de  barbarie » « comment l’OTAN n’est-il pas encore intervenu  en Syrie ? » etc.  
  • Beaucoup de parti pris : le 5 juin, anniversaire de la triste guerre des  six jours, des manifestants pacifiques non armés ont décidé de traverser la  ligne de démarcation entre la Syrie et le Golan occupé (que tous les pays,  même les plus pro-israélien considèrent comme occupé et ne reconnaissent pas  son annexion par Israël). L’armée israélienne leur a tiré dessus et en a tué  20. Cette information a été presque occultée par les médias occidentaux ; et  quand ils en ont parlé, c’est pour répéter avec conviction ce que le 1er  ministre Netanyahou avait dit qu’Israël avait le droit de se défendre !!!  
  • Beaucoup de vidéos diffusées se sont avérées être des vidéos d’archives  des guerres au Liban et en Irak.  
  • Beaucoup d’information erronées. Il y a dix jours, les TV satellitaires  ont annoncé, avec vidéo à l’appui, que des hélicoptères ont tiré sur les  manifestants à Marrât. Deux jours plus tard, ils confirment l’histoire des  hélicoptères mais en ajoutant qu’il n’y a pas eu de tirs sur les manifestants.  Mais le mal était déjà fait avec les protestations et les menaces de  sanctions.  
  • La fameuse femme lesbienne syro-américaine qui avait diffusé plein de  fausses informations sur le Web relayées par les médias, et qui aurait été  enlevée par les services syriens s’est avérée une mystification d’un américain  qui a volé l’identité d’une personne et la photo d’une autre sur Facebook.  
  • L’Ambassadeur de France en Syrie, M. Eric Chevallier, un homme  remarquable, s’est vu tirer dessus à boulets rouges par les médias français  parce qu'il a osé dire leur qu’ils mentaient. Ils l’ont accusé d’être  l’Ambassadeur de Assad en France.  
  • Les TV françaises annoncent sans prendre la peine de vérifier la démission  de Mme l’Ambassadeur de Syrie en France qui se serait ralliée aux  protestataires. Démenti le lendemain.  
  • Les réfugiés de Jisr en Turquie : dix milles au total ; la plupart sont  des familles des personnes armées qui avaient semé la terreur ou des personnes  ayant fui les zones de combat par peur. Or, cette nouvelle fait la une de tous  les journaux télévisés depuis six jours.

Quand on pense que lors de l’invasion de l’Irak par l’armée américaine et ses alliés en 2003, il y a eu UN MILLION ET DEMI de réfugiés irakiens en Syrie et cette information n’avait jamais eu la faveur des médias alors que dix milles, il faut en parler tous les jours… Et encore, les réfugiés irakiens sont restés en Syrie des années alors que les réfugiés syriens de Jisr ont été invités à rentrer chez eux maintenant que leur ville a retrouvé son calme.
 
– 3. Est composé :

  • de quelques opposants historiques au régime,  
  • de quelques centaines de militants des droits de l’homme qui ont passé des  années dans les prisons syriennes et, idéalistes, continuent leur combat,  
  • de beaucoup d’opportunistes composés d’ex-membres du régime qui en avaient  beaucoup profité dans le passé,  
  • de nombreuses personnes qui sont armées d’un désir de vengeance à cause de  la perte de personnes chères tuées ou emprisonnées dans le passé,  
  • de gens payés pour manifester et semer le désordre,  
  • et surtout d’islamistes et de frères musulmans (dont les fiefs depuis les  années 1980 sont justement les villes citées beaucoup par les médias : Marrât  Al Nooman, Hama, Idlib, Jisr Al Shougour…) Et puis les médias, à chaque fois  qu’ils citent Hama, parlent de la répression sanglante qui a touché les  islamistes de Hama en 1982 avec la mort, dit-on, de vingt milles personnes. Il  serait plus objectif de dire qu’avant que le régime n’attaque Hama, haut lieu  des frères musulmans, c’est-à-dire de 1979 à 1982, les frères musulmans  avaient tentés de renverser le régime par les armes, en assassinant des  médecins, avocats et doyens, en terrorisant la population par des explosions  dans les gares et lieux publics et pour couronner le tout en tuant de sang  froid 200 cadets alaouites de l’école d’artillerie de l’armée.

– 4. Parrainé, sinon commandité par des gouvernements arabes (Arabie Saoudite, Quatar et Hariri) et occidentaux (France, Grande Bretagne et USA en tête) dans le cadre d’un plan préétabli ou, disons le franchement, d’un complot :
 

  • Des armes avaient été introduites en Syrie et cachées.  
  • Des activistes avaient suivi, depuis deux ans, en Jordanie, en Turquie et  aux USA des séminaires sur les moyens de transmission et des appareils  ultrasophistiqués avaient été introduits clandestinement (cf. le nouvel  observateur du 19 mai).  
  • Certains médias étaient préparés à propager les nouvelles vraies et  surtout fausses dont la Arabia, BBC, France 24 et surtout Al Jazeera (connue  pour la diffusion en exclusivité des déclarations de Ben Laden) qui appartient  à l’Emir du Quatar. Celui ci avait renversé son père avec l’aide des  américains qui avaient obtenu, en contrepartie, l’installation de la plus  grande base navale de la région, le gaz et Al Jazeera (la CNN arabe !!!).  
  • Enfin les dirigeants occidentaux qui, dès le début, font des déclarations  tonitruantes et émettent des menaces non justifiées dans le but de discréditer  et de déstabiliser le régime.  
  • Restait la Turquie qui, depuis des années, avait des relations  privilégiées avec la Syrie et ses dirigeants. Il fallait qu’elle retourne sa  veste et elle l’a fait !!! Pourquoi ? Il y a trois semaines, sort comme d’un  chapeau d’un magicien une proposition de loi à la Knesset israélienne visant à  reconnaître le génocide arménien perpétué par les Ottomans en 1915. Sujet  hautement sensible pour les Turcs (le bâton). Quelques jours après la  volte-face de la Turquie, la France arrête 3 membres du PKK (la carotte) et  bien sûr, la proposition de loi a subitement disparu comme elle avait apparu.  
  • Le mot de la fin à ce sujet revient au ministre adjoint des Affaires  étrangères américain qui a déclaré que les troubles finiront en Syrie si elle  coupe ses liens avec l’Iran et arrête de soutenir le Hezbollah !!!

La majorité des 23 millions de syriens sont contre le mouvement de protestation et de sédition qui vise à renverser le régime (aucune personne : amis, parents, connaissances, collègues, clients et malades qui viennent me voir de toutes les régions de la Syrie, m’a dit approuver la sédition). Ils aspirent à la sécurité et à la stabilité qui caractérisaient la vie en Syrie et que nous enviaient la plupart des pays. Ils aspirent à cette relative prospérité qui existe depuis une décennie (croissance du PNB de 4-5%/an, depuis des années) et à la libéralisation lente mais progressive du régime. La vie continue normalement à Damas et à Alep avec les embouteillages habituels, les cafés-trottoir bondés et les très nombreux piétons qui vaguent à leurs occupations. Les examens officiels (brevet et Bac.) se déroulent normalement etc…
 
Les amis étrangers qui sont déjà venus à Alep ou Damas ne verraient rien d’anormal s’ils revenaient maintenant. Il n y a ni police ni armée dans les rues et en ville. Avant le 15 mars, cette même majorité critiquait le régime pour avoir plus de liberté, plus de démocratie et moins de corruption, mais d’une façon pacifique et sans mettre en péril le pays.
 
La majorité des Syriens estiment que si le mouvement de sédition continue, la Syrie ne s’acheminera pas vers un scénario pacifique à la tunisienne ou à l’égyptienne (et encore… beaucoup d’égyptiens, qui avaient soutenu les manifestants, commencent se mordre les doigts par crainte d’un régime islamiste qui s’annonce et qu’ils ne veulent pas) mais aboutira à une des trois hypothèses :


– La moins mauvaise. Un régime islamiste alors que le régime actuel était  laïque et traitait toutes les confessions à pied d’égalité.
 
 
 
– La mauvaise. Une guerre civile puisque l’armée, (contrairement à  l’armée tunisienne ou égyptienne qui étaient neutres au début des événements  et qui, en prenant le parti des insurgés, avaient donné la victoire aux «  révolutionnaires ») en Syrie est loyale au régime.
 
 
 
– La pire. Un éclatement de la Syrie à l’irakienne avec un découpage  confessionnel ou ethnique.

Ces scénarios, la majorité des syriens les refusent et ils sont révoltés par ce plan diabolique qui vise à détruire leur pays et à y mettre le chaos. La majorité du peuple n’est ni assez pauvre ni assez opprimée pour faire une révolution. Alors, messieurs les dirigeants des pays étrangers, cessez de vous immiscer dans les affaires de la Syrie et occupez vous plutôt des problèmes de vos pays qui sont au bord de la faillite et dont vous augmentez la dette en dépensant des milliards d’euro dans la guerre en Irak et par vos frappes en Libye. Et vous messieurs les journalistes des médias malhonnêtes, occupez vous plutôt des faits divers de vos pays avec le scandale Berlusconi, l’affaire DSK etc.…
 
Nabil Antaki, médecin
Alep le 19/6/2011.

En annexe. Quelques réflexions sur la politique des pays occidentaux

1- Droit et devoir d’ingérence

Cette comédie du « devoir d’ingérence humanitaire » a été inventée pour justifier l’ingérence de certains pays dans les affaires intérieures des autres, en d’autres termes, le devoir d’ingérence, c’est la loi du plus fort, c’est le colonialisme des temps modernes. Un exemple ? La France et ses alliés ont évoqué les raisons humanitaires pour intervenir en Libye et protéger les « civils désarmés attaqués par les forces de Kadhafi ». Quelle blague ? Ils ont pris le parti des insurgés contre le pouvoir en place et ont bombardé des villes dont Tripoli en tuant beaucoup de civils. Ils veulent traduire les dirigeants syriens et libyens en justice pour crime contre l’humanité ?
 
C’est Sarkozy, Juppé et consorts qu’il faut accuser de crimes contre l’humanité. Le droit d’ingérence humanitaire les autorise t-il à renverser le pouvoir en place ? Au nom de quel droit, Sarkozy peut décider que ce président, fut-il un dictateur, devrait être renversé ? Que les pays occidentaux commencent à balayer devant leurs portes et qu’ils renversent les dictateurs qu’ils ont soutenus depuis des années. Qu’auriez vous fait si un président du tiers monde avait déclaré, lors des émeutes des banlieues en France ou des manifestations contre le nouveau régime des retraites, que la situation en France est intolérable et que le président français devrait quitter le pouvoir ?
 
2- Droits de l’Homme.

Une autre mascarade de la diplomatie occidentale. Elle l’utilise quand bon lui semble et toujours à sens unique. La diplomatie américaine répète depuis le début de la crise syrienne que les droits de l’Homme sont bafoués en Syrie par l’arrestation arbitraire des personnes et par leur détention sans jugement. Est-ce que Guantanamo vous dit quelque chose ? Les USA y ont détenus des centaines (et continuent) de personnes arbitrairement, sans jugement et sans le recours à des avocats et ce depuis DIX ANS. Alors, qu’on commence à traduire les dirigeants américains en justice…
 
3- Démocratie.

Les dirigeants occidentaux nous veulent beaucoup de bien. Ils sont tellement amoureux de la démocratie qu’ils veulent l’imposer chez les autres de force au risque de détruire la Libye ou la Syrie. Bien sûr, ces deux pays ne sont pas très démocratiques mais il y a pire. L’Arabie Saoudite est le pays où il y a le moins de démocratie et pourtant on n’entend aucun dirigeant occidental réclamer plus de démocratie à leur fidèle allié ou appeler au renversement du régime en place. Le pétrole remplace t-il la démocratie ?
 
4- Al Qu’aida.

Oui, c’est l’ennemi public No 1. Ce qu’il a fait le 11 septembre 2001 est horrible et inacceptable. Or, les trois pays où Al Qu’aida n’existait pas et plus encore où il était combattu, c’était l’Irak, la Libye et la Syrie et pourtant, les occidentaux ont envahi l’un et sont entrain de détruire les deux autres. Alors !!!
 
5- La politique du mensonge.

La politique des pays occidentaux est basée sur le mensonge depuis des siècles et pourtant ils tiennent des discours moralisateurs aux autres pays. Quelle hypocrisie.
 
Voulez-vous des exemples. En voici quelques uns (liste qui est loin d’être exhaustive) :
 
– Lors de la 1ère guerre mondiale, la France et la Grande Bretagne avait promis au Chérif Hussein l’indépendance d’un grand royaume arabe si les arabes aidaient les alliés en se soulevant contre les Ottomans. Entretemps, les ministres français et anglais des affaires étrangères ont signé les accords Sykes-Picot pour se partager la région. Hypocrisie…
 
– Après la 2ème guerre mondiale, les pays occidentaux ont fait circuler l’idée d’ « un pays sans peuple pour un peuple sans pays » pour justifier l’installation de millions de juifs européens en Palestine. Quel mensonge ! La Palestine était habitée… par les Palestiniens.
 
– Vous-rappelez vous de Timisoara ? En 1989, les médias occidentaux, surtout français, et les dirigeants européens annoncent la découverte d’un charnier (avec vidéos et photos à l’appui), dans cette ville de Roumanie, qui contiendrait des milliers de cadavres d’opposants et de manifestants et appellent donc, devant cette horreur à la chute de Ceausescu. Deux mois plus tard, le monde, stupéfait, découvre qu’il n y avait pas de charnier et que les cadavres montrés avaient été déterrés des cimetières !!
 
– En 2002, GW Bush invoque la présence d’armes de destruction massive en Irak pour justifier l’invasion de l’Irak et le renversement de Saddam. Ce mensonge était le prétexte à l’invasion et tout le monde savait que ce n’était pas vrai. Mais de quel droit Bush et ses acolytes peuvent décider le renversement de Saddam, tout dictateur qu’il fut ? A voir le chaos qui existe en Irak maintenant, même les plus farouches opposants à Saddam regrettent son régime.
 
Nabil Antaki, médecin
Alep le 19/6/2011

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