«Si ces élections avaient eu lieu au Zimbabwe, l’Occident les aurait dénoncées»

«Les principes élémentaires pour la tenue d’élections sont tellement peu respectés que si elles avaient eu lieu en Syrie ou au Zimbabwe, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne auraient été les premiers à les dénoncer» affirme Salim Lone, ancien directeur de communication du représentant spécial de l’ONU en Irak, Sergio Vieira de Mello. Démonstration.

Un ancien officiel des Nations Unies en Irak déclare:

«Si ces élections avaient eu lieu au Zimbabwe, l’Occident les aurait dénoncées»

David Pestieau et Mohammed Hassan*

57% des électeurs inscrits ont participé aux élections, affirme la Commission électorale irakienne, désignée par l’autorité occupante américaine. 57% des inscrits, la nuance est importante quand on sait que dans les régions centrales d’Irak (les plus peuplées), le taux d’inscription était très faible.

Dans les villes de Mossoul et Baquba, les bureaux de vote étaient déserts. Dans la ville rebelle de Samarra par exemple, seuls 1.400 des 200.000 habitants sont allés voter. A Bagdad, selon la télévision arabe Al-Jazeera, la participation était jugée très basse, particulièrement dans les quartiers populaires du centre et de l’ouest.

Même si certains chefs religieux chiites avaient appelé à voter, d’autres avaient appelé au boycott comme les cheikhs Al-Baghdadi et Al-Hasni, ainsi que le mouvement de Moqtada Al-Sadr. Ainsi dans le Sud à majorité chiite, la participation était beaucoup plus basse dans la grande ville industrielle de Bassora (où le parti chiite Hezbollah avait refusé de participer) que dans les campagnes et les villes saintes.

A l’étranger, où les problèmes de sécurité étaient totalement absents, seuls 25% des Irakiens se sont inscrits sur les listes. Tous ces éléments indiquent qu’en réalité, moins de la moitié des Irakiens, voire même moins d’un tiers sont allés voter.

Les chaînes de télé ont filmé 5 bureaux de vote dans tout l’Irak

«Un exemple de démocratie» affirment a contrario les grands médias. Mais aucun journaliste indépendant n’a pu se rendre hors de certains quartiers de Bagdad, de Bassora et du Kurdistan irakien. Ce qui les rend complètement dépendants des informations de l’armée américaine et des partis pro-occupation. Les grandes chaînes de télé n’ont d’ailleurs été autorisées à filmer que devant… 5 bureaux de vote dans tout l’Irak. Quatre des cinq se trouvaient dans des régions à majorité chiite du Sud où la participation était plus importante.

Un semblant de mission internationale de contrôle a été mise sur pied: elle comprenait… 20 experts internationaux (à titre de comparaison, 2.400 observateurs ont été envoyés en Ukraine pour les dernières élections). Pourtant, les grands médias osent annoncer que «peu de fraudes ont été constatées par les observateurs».

Enfin, l’immense majorité des candidats étaient inconnus des électeurs car les partis ne les avaient pas rendus publics. D’autre part, «les bulletins étaient si compliqués que même Jalal Talabani, le dirigeant kurde, a dû recevoir un briefing pour savoir comment l’utiliser» affirme Salim Lone. Autrement dit, même ceux qui ont voté ne savent pas exactement pour qui ils ont voté et encore moins souvent pour quel programme.

Quel pouvoir pour les élus?

Quel sera le pouvoir réel de ceux qui recevront le titre de ministres en Irak? Pratiquement aucun. «Ils n’ont pas le contrôle sur le pétrole, aucune autorité sur les rues de Bagdad, pas d’armée opérationnelle et de police loyale. Leur seul pouvoir est celui de l’armée américaine» affirme le journaliste Robert Fisk.

Ceux qui auront voté en pensant donner le pouvoir à un gouvernement irakien qui améliorera leurs conditions et obtiendra le départ des troupes US, en seront pour leurs frais. Les mois qui viendront le démontreront. Car rien n’indique que leur situation matérielle s’améliorera et que les Marines quitteront l’Irak d’eux-mêmes: 16 bases militaires américaines sont déjà en construction. Un haut-gradé US à Bagdad a reconnu samedi dernier que les Etats-Unis faisaient face à une insurrection à long terme qui ne cesserait pas avant… une décennie.

* Mohammed Hassan et David Pestieau sont les auteurs de L’Irak face à l’occupation (EPO, 2004)

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