Quand Israël assassinait un représentant de l’ONU

Israël survit au mépris des résolutions de l’ONU et de ses représentants. Folke Bernadotte en est l’exemple le plus frappant.

Folke Bernadotte, ou pour être précis le comte Folke Bernadotte. Il n’est pas courant dans notre journal de parler d’un comte. Surtout de celui-ci. Mais Folke Bernadotte a une histoire particulière qui mérite d’être soulevée et pourquoi pas à l’occasion du 60ème anniversaire de sa mort. Il fut en effet le premier médiateur officiel de l’histoire des Nations Unies et le premier médiateur officiel à avoir été assassiné par la dixit « plus grande démocratie du Moyen-Orient » : l’État d’Israël.

Né le 2 janvier 1895 à Stockholm, il n’était autre que le petit-fils de Oscar II, ancien roi de Suède et de Norvège et le neveu de Gustave V de Suède. Pas une petite pointure donc. Diplomate suédois pendant la seconde guerre mondiale, vice-président de la Croix-rouge suédoise, Bernadotte essaya de négocier un armistice entre l’Allemagne et les alliés en 1945 (et donc pas avec l’Union soviétique). Il reçut l’offre de reddition complète d’Heinrich Himmler lui-même vis-à-vis de la Grande-Bretagne et des États-Unis à condition que l’Allemagne puisse poursuivre la guerre contre l’Union soviétique.

Il est connu également pour avoir organiser, peu avant la fin de la guerre, le sauvetage de déportés norvégiens et danois principalement. Il libéra ainsi 15 000 personnes des camps de concentrations et y gagna sa popularité. Mais certains travaux historiques récents affirment que cela se fit sur le dos de quelque 2 000 autres prisonniers principalement russes et polonais abandonnés à leur sort.

Médiateur de l’ONU

Après la guerre, on retrouve Bernadotte au Moyen-Orient. En Palestine pour être précis. En 1947, suite au plan de partage de l’ONU qui prévoyait deux états arabe et juif en Palestine, les groupes militaires juifs passent à l’action et attaquent les populations arabes. En juin 1948, un mois après la création par la force de l’État d’Israël et au plus fort de la déportation des populations arabes, Bernadotte est nommé premier médiateur officiel des Nations unies avec pour mission de mettre fin à la guerre et de faire appliquer le plan de partage.

Devant sa volonté, la tension monte très vite avec la partie israélienne et il devient la cible d’une virulente campagne de presse. Le groupe radical juif Léhi, une des milices israéliennes, le menace ouvertement de mort. La décision de le faire assassiner est semble-t-il prise en août. Le 16 septembre, Bernadotte propose un nouveau plan de partage et prend fait et cause pour les 800 000 réfugiés palestiniens chassés de chez eux par les milices israéliennes : « Ce serait offenser les principes élémentaires que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et de plus menacent de façon permanente de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles. » Il critique « le pillage sioniste à grande échelle et la destruction de villages sans nécessité militaire apparente. »

Le 17 septembre, Bernadotte circule en voiture officielle dans le quartier de Katamon à Jérusalem, bastion juif dans la ville divisée. Une jeep leur barre soudainement le passage. Trois hommes armés revêtus de l’uniforme de l’armée israélienne et mitraillent le convoi. Bernadotte est abattu à bout portant. C’est un signal fort. Personne ne peut entraver la marche d’Israël.

Sa mort suscite une condamnation mondiale. Pour faire bonne figure, Israël passe à l’action contre le Léhi qui est interdit et dissout. Les assassins sont très vite arrêtés : Zettler l’organisateur, chef de la section du Léhi de Jérusalem, Yéhochua Cohen, Yitzhak Ben-Moshe et « Gingi » Zinger. Pour faire bonne figure seulement, car le chef du commando, Zettler, recevra la promesse formelle du ministre de l’intérieur lui-même : « Vous serez condamnés pour satisfaire l’opinion mondiale. Après quoi vous serez amnistiés ». Et c’est ce qui arriva. Yeoshua Cohen, le tireur, devient le garde du corps du premier Premier ministre d’Israël, Be Gourion lui-même. Quant au dirigeant du Léhi, Yitzhak Shamir, il sera Premier ministre d’Israël à deux reprises.

Un meurtre impuni donc, une gifle à la face de l’ONU, Israël soutenu par les puissances du moment, pouvait se le permettre. Le résultat en fut la consolidation de l’État d’Israël constitué par la force au détriment des Palestiniens et la culture israélienne de ne respecter aucune des institutions internationales, son mépris continuel pour les résolutions de l’ONU. Et Israël continue d’assassiner.

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.