Pourquoi j'approuve le "docu-fiction" de la TV belge

Hier soir, la RTBF a présenté « en direct » la scission de la Belgique après la déclaration unilatérale de sécession du Parlement flamand.

Manifs au palais, le Roi en fuite, Wallonie rattachée à la France, bouleversements dans la vie quotidienne avec les nouvelles « frontières »… Tout en direct. Sauf que c'était une fiction. Du bluff. Comme la célèbre émission radio La guerre des mondes d'Orson Welles.

Avalanche de coups de fil alarmés et grosse émotion en Belgique. Chefs politiques scandalisés. La RTBF avait-elle le droit de piéger le public par une « politique-fiction » ?

Personnellement, je trouve ça positif, même si je comprends l'émotion. Pourquoi ?

1. En tant qu'analyste des médiamensonges, je me réjouis de cette démonstration très réussie : oui, il est possible de faire avaler à un public très large quelque chose qui n'existe pas. Et j'aimerais qu'un véritable observatoire des médias fasse l'inventaire des bobards qui nous ont été servis sur les conflits des vingt dernières années : Timisoara, Panama, Nicaragua, Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Liban, Venezuela et bien d'autres. Chiche, la RTBF ?

2. Cette émotion peut être salutaire. Jusqu'à présent, le débat sur l'avenir de la Belgique a été confiné à des politiciens très intéressés : six gouvernements (enfin, je crois) dans un pays de dix millions d'habitants ! Il est temps que les simples gens interviennent : veulent-ils ces querelles artificielles ou veulent-ils au contraire qu'on s'attaque à leurs problèmes réels : emploi, niveau de vie, avenir des jeunes ?

3. Bien sûr, les séparatistes flamands prétendent que la scission permettrait justement de mieux s'occuper de ces problèmes. Supercherie ! Leur vrai but ? Détruire la Sécurité sociale pour précariser les jeunes et offrir au patronat une main d'oeuvre corvéable à merci. Etre plus « compétitifs » dans la jungle de la mondialisation. En Italie, et ailleurs, on importe des esclaves polonais. Chez nous, on les fabriquera « made in Vlaanderen ».

4. Le séparatisme aura pour conséquence, en Flandre mais aussi en Wallonie, des politiques encore plus antisociales. L'argent économisé servira pour de nouveaux cadeaux aux multinationales. Comme VW qui a reçu des milliards pour gonfler ses bénéfices et nous laisser la casse.

5. VW, parlons-en. Avec ce bazar institutionnel, les travailleurs en lutte ont eu affaire à… trois ou quatre gouvernements différents selon la région d'où ils proviennent. Pratique !

6. Mes amis français me demandent souvent : « Et alors, les Belges, c'est vrai que vous allez finir comme la Yougoslavie ? » Je leur réponds que la grande majorité des gens est totalement contre cette excitation artificielle et ces divisions. L'émission de la RTBF ne l'a pas assez montré ; elle aurait dû donner la parole à de simples Flamands.

7. Résumons. La Flandre a profité des transferts financiers entre régions pendant cent ans où elle était moins développée. A présent que la crise économique et les délocalisations frappent davantage le Sud, elle veut y mettre fin aux transferts. Mais soyons plus précis : ce sont les partis traditionnels flamands qui intoxiquent l'opinion par des discours racistes sur « les fainéants du Sud ». D'abord, ils font tout simplement jeu des fascistes du Vlaams Belang en copiant son discours sous une forme « respectable ». Mais surtout, ensuite, ils déclencheront la chasse aux « fainéants du Nord », ceux qui ne voudront pas devenir des esclaves salariés. Et on sera tous perdants.

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