Pourquoi Bush reste-t-il en Afghanistan?

Les États-Unis peuvent retirer plusieurs avantages du positionnement géographique de l’Afghanistan. Sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, ils cherchent à obtenir un certain contrôle sur la Russie, l'Iran, le Pakistan, l’Inde et la Chine et à s’approprier les ressources en pétrole et en gaz de l’Asie.

Au mois de mars 2003, l’armée des États-Unis envahit l’Irak. Le président américain, Georges W. Bush, affirme qu’il détient des informations sûres à propos de la présence d’armes de destruction massive sur le territoire irakien. Il en fait donc son principal motif pour déclencher l’offensive. Plusieurs mois plus tard, après que les marines se soient embourbés dans une guerre civile, on découvre que Sadam Hussein n’a jamais possédé d’arme de destruction massive. Dur constat pour l’opinion publique américaine. Jusqu’à maintenant, le conflit en Irak a fait plusieurs milliers de morts et c’est sans doute la raison pour laquelle on a oublié toute la polémique qui tourne autour d’un autre pays qui a goûté à la cuisine américaine : l’Afghanistan. En effet, à la suite des évènements du 11 septembre 2001, l’armée américaine bombarde l’Afghanistan en soutenant que c’est pour lutter contre la menace terroriste. L’opération Liberté immuable, qui devait compenser pour les 2986 civils morts lors des attentats des tours jumelles, est-elle aussi noble qu’on la qualifie dans le feu de l’action ? Bush a-t-il vraiment largué des bombes sur ce pays pour amorcer sa lutte contre le terroriste ? Avant même de répondre à cette question, il faut savoir que l’on ne s’entend pas tout à fait sur la définition à donner au terrorisme, puisque le concept diffère d’une société à l’autre. Par exemple, en Occident, on décrit le terrorisme comme l’« usage systématique d’actes de violence par une organisation politique, en vue de créer un climat d’insécurité » [1] . Toutefois, dans les pays arabes on soutient qu’il s’agit d’une « conception politico-militaire forgée par l’Amérique elle-même et la CIA, qui sert de prétexte pour intervenir militairement là où leur intérêt l’exige » . Il est donc intéressant de constater que si l’on adopte la pensée orientale, on peut d’ores et déjà affirmer que la lutte contre le terrorisme, qu’a lancé le président Bush en bombardant l’Afghanistan, n’est qu’une façade pour atteindre ses objectifs hégémoniques. Mais, comme il serait simpliste de s’arrêter à ces explications, il faudra également s’appuyer sur les causes économiques, politiques et idéologiques qui entourent la présence américaine en territoire afghan.

D’abord, à la suite des attentats de New York en septembre 2001, les pays membres de l’OTAN se sont concertés afin de voir de quelle manière il fallait répondre à cette agression sournoise. En effet, 19 membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord excipent l’article V qui soutient qu’une attaque dirigée contre un État membre de l’organisation constitue un assaut contre tous. Ce droit à la réplique défensive est aussi reconnu par l’article 51 de la charte des Nations Unies. Dans l’histoire de l’OTAN, on fait appel à cet article pour la première fois depuis la création de l’association, en 1949. En tout, 16 des 19 pays adhérents contribuent de différentes façons à la campagne de l’Afghanistan, bien que celle-ci ne soit pas une opération officielle de l’OTAN. De plus, la Russie, la Chine et quelques États du Proche-Orient et de l’Asie apportent une aide supplémentaire. Bref, on peut penser que l’attaque des forces américaines, dans un premier lieu, est motivée par la pression politique des États membres de l’organisation défensive occidentale.

Ensuite, certains experts adhèrent à l’idée que la lutte contre l’Islam extrémiste, menée par les États-Unis depuis 5 ans, répond à un besoin d’affrontement idéologique. En fait, si on se rappelle les principaux combats qu’ont dirigés les Américains depuis la Seconde Guerre mondiale, cette affirmation est plausible. D’abord, dans le cadre de la guerre de 1939, on livre une bataille au régime fasciste au sein des forces alliées. Puis, dans les années suivantes, on s’appliquera à lutter contre le communisme pendant la Guerre froide opposant l’Est et l’Ouest. Au début des années 1990, la suprématie des États-Unis et du capitalisme cherche en vain une idéologie à combattre pour expliquer sa présence hégémonique en Europe. C’est dans cette optique que l’utilisation extrémiste et nihiliste de la religion islamiste, ainsi que son expansion, justifie le troisième défi totalitaire de l’administration américaine. Cependant, le président Bush choisit de dire qu’il fait la guerre au terrorisme, parce que s’il affirmait qu’il a l’intention de livrer une bataille à l’Islam, cela le mettrait considérablement en danger. Puis, certains spécialistes arabes vont jusqu’à affirmer que les États-Unis ont manipulé intelligemment le groupe Al-Quaïda afin d’obtenir un certain contrôle sur la Russie, l’Inde et la Chine et ainsi parvenir à s’approprier les ressources pétrolières de l’Asie.

Puis, l’établissement de forces militaires en Afghanistan permet aux États-Unis de surveiller les agissements de l’Iran et éventuellement intervenir rapidement en cas de crise. Plusieurs trouveront paradoxal le fait que la première puissance mondiale ne coopère pas avec l’Iran, voisin de l’Afghanistan, qui, d’une part condamne les attentats du 11 septembre et, d’autre part, souhaite combattre le régime taliban. En fait, si les Américains refusent de faire équipe avec l’Iran, c’est simplement parce que ce pays fait partie de l’axe du mal établi par l’administration Bush. Ainsi, cette volonté d’isoler l’Iran régionalement est apparente depuis quelques années par la hausse de l’influence des États-Unis dans quelques républiques d’Asie centrale, par la présence militaire dans la région du Golfe Persique, par l’amitié américo turque, sans oublier l’exclusion des intérêts iraniens dans les projets pétroliers de la Mer Caspienne. Cependant, l’Iran est loin de vouloir se laisser traiter de cette façon et tente de sortir cet isolement en négociant des ententes commerciales avec certains États du nord. Par exemple, l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont devenus les principaux partenaires commerciaux du gouvernement iranien, brisant par la même occasion le mur derrière lequel les Américains souhaitaient le confiner. Bref, en occupant militairement l’Afghanistan et l’Irak, les États-Unis encerclent l’Iran et résistent à la volonté des pays occupés, et maintenant d’une force non étatique, de les chasser du secteur avoisinant le Golfe Persique.

Subséquemment, les États-Unis peuvent retirer plusieurs avantages du positionnement géographique de l’Afghanistan. En établissant des forces militaires de l’OTAN en sol afghan, ils ont bien sûr la possibilité d’intervenir rapidement en Iran, mais également dans d’autres pays qui pourraient s’avérer menaçants. On parle entre autres du Pakistan et de l’Inde où les Américains doivent intervenir en 1998 pour éviter que l’on emploie l’arme atomique, dans le cadre des tensions entourant la région du Cachemire. Puis, même si la Guerre froide a pris fin avec la chute de l’URSS, la grande puissance mondiale peut, par son établissement en Afghanistan, surveiller de près les activités de la Russie et de ses pays satellitaires. De plus, la montée économique de la Chine a quelque chose d’inquiétant pour l’Occident. Si jamais la Chine devenait trop dangereuse, il serait plus facile d’intervenir à partir de l’Afghanistan. En résumé, l’emplacement géographique du territoire que les Américains ont entrepris d’occuper, à la suite du 11 septembre 2001, leur permet de tenir à l’œil des pays comme l’Iran, le Pakistan, l’Inde, la Russie ainsi que la Chine.

Enfin, les intérêts américains dans l’opération Liberté immuable, sont surtout d’ordre économique. En effet, les finances des États-Unis, en ce début de 21e siècle, sont principalement basées sur le pétrole . L’Afghanistan représente donc un endroit stratégique qui sera appelé à jouer le rôle de voix d’acheminement du pétrole et du gaz de l’Asie centrale vers l’Océan Indien. D’ailleurs, les batailles en territoire afghan lors des dernières années de la Guerre froide n’étaient pas étrangères à cet enjeu. Puis, depuis 1991, bien qu’aucun accord définitif n’ait été convenu, la Russie, les États-Unis et l’Iran se disputent le contrôle de l’acheminement des hydrocarbures de la Mer Caspienne vers les marchés asiatiques et européens. Les principaux objets de convoitise dans cette région du monde sont composés du gaz du Turkménistan, du pétrole de la Mer Caspienne, de l’or de l’Ouzbékistan ainsi que du coton du Kirghizstan. De plus, il est à noter que l’on a identifié d’importants gisements dans d’autres pays de l’ex-URSS, soit en Azerbaïdjan et au Kazakhstan.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas tous les pays de cette région riche en hydrocarbures qui s’opposent à la présence américaine. En fait, l’influence des États-Unis est même la bienvenue, puisqu’elle sert à régler quelques litiges et permet de faire certains compromis. C’est notamment le cas des républiques d’Asie centrale qui, avec le soutien tactique des Américains, veulent se dégager du réseau qui traverse la Russie et souhaitent éviter de passer par l’Iran. Il y a également le cas du Turkménistan qui désire évacuer son gaz naturel en le faisant transiter par l’Afghanistan. Bien entendu, pour que cette opération puisse s’accomplir sans anicroche, les compagnies turkmènes ont besoin de la paix chez leur voisin, l’Afghanistan, peu importe qui en sera le bénéficiaire. L’intervention américaine en sol afghan prend alors tout son sens.

On peut donc assurément conclure que l’argument invoqué par l’administration Bush, à la suite des évènements du World Trade Center, ne tient pas la route. Étant donné que le terrorisme est une cible dynamique et insaisissable, il est impossible que le bombardement d’un pays permette d’éradiquer un tel phénomène. D’ailleurs, nous sommes à même de constater, 5 ans plus tard que l’occupation de l’Afghanistan n’a toujours pas permis de faire diminuer les actes terroristes. Au contraire, on enregistre une recrudescence des actes de violence à motivation politique dirigés contre des non-combattants. Il va donc s’en dire que le prétexte de lutte contre le terrorisme désigné par les États-Unis n’est qu’une façade et qu’il faut chercher un peu plus loin pour identifier les réels motifs derrière l’occupation de l’Afghanistan. Ainsi, comme je l’ai exposé précédemment, on peut supposer, voire affirmer que ce sont des intérêts politiques, idéologiques, économiques, géographiques et hégémoniques qui sont à la base des opérations militaires. Bref, l’article V de l’OTAN, la lutte idéologique contre l’Islam, l’isolement de l’Iran, la proximité géographique de certains pays et la garantie d’approvisionnement en pétrole sont à l’origine de l’intervention américaine en Afghanistan. L’histoire nous a démontré une fois de plus, avec les interventions en Irak et en Afghanistan, qu’il ne faut jamais se contenter des explications fournies par les dirigeants. Il faut chercher plus loin pour découvrir la vérité et l’exposer au grand jour.

Notes

[1] Antidote RX, 2006

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