Ponce Pilate sévit à Mons

Vous avez été nombreux à exprimer votre solidarité avec le jeune « Elio » souffrant de schizophrénie et emprisonné illégalement depuis cinq mois à Mons. Et à demander de ses nouvelles. Les voici. Pas bonnes, malheureusement…

« Elio » (nom d’emprunt) se trouve toujours en prison. Il ne reçoit pas les médicaments que sa maladie nécessite impérativement. Son état se dégrade à vue d’œil, ses parents sont désespérés. Pendant ce temps, des responsables politiques et judiciaires se renvoient la balle dans un ping-pong répugnant d’irresponsabilité. Jugez plutôt vous-même…

Ping-pong : « C’est pas moi, c’est l’autre ! »

Le président du PS, Monsieur Di Rupo, qui est aussi bourgmestre de Mons, a accusé réception de ma « Lettre ouverte » (http://www.investigaction.net/articles.php?dateaccess=2007-02-16%2007:00:24&log=articles) le jour même. Mais il n’a pas pris position, se contentant de transmettre à la ministre de la Justice. Celle-ci, Madame Laurette Onkelinx, n’a toujours pas retrouvé la clé de sa boîte aux lettres et ne répond pas aux courriers qui lui sont envoyés.

L’audience du 7 février fut plutôt mauvaise. Les parents avaient assigné l’Etat belge en urgence afin de faire sortir de prison le jeune « Elio » (qui n’est pas un délinquant !) et de pouvoir le soigner dans un établissement compétent. Le positif, c’est que le ministère de la Justice a reconnu que la place de ce jeune malade n’était évidemment pas en prison. Difficile de prétendre le contraire. Selon les Recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les règles pénitentiaires européennes: " les aliénés ne doivent pas être détenus dans les prisons et des dispositions doivent être prises pour les transférer aussitôt que possible dans des établissements appropriés pour malades mentaux ".

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé, le 30 juillet 1998, que « l’annexe psychiatrique de Lantin (Liège) ne peut être considérée comme un établissement approprié à la détention d’aliénés. La détention dans cette annexe implique donc violation de l’article 5 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. »

Par contre, à la même audience, le ministère de la région wallonne en charge de la Santé (dirigé par Madame Vienne), a estimé qu’il manquait de place dans les institutions psychiatriques et qu’il n’y avait aucune urgence. Qu’il reste en prison quelques mois de plus !

Au secours, le ministère est fou !

Voilà qui est absurde et amène à se poser de sérieuses questions sur la… santé mentale des gens de ce ministère ! Un schizophrène n’est pas un délinquant. C’est une personne malade, au cerveau atteint de dysfonctionnements qui le font décrocher de la réalité. C’est aussi une personne qui souffre terriblement, étant plongée dans une situation très angoissante. Tous les médecins du monde disent que les schizophrènes ont besoin non de répression, mais de soins. C’est-à-dire, vu que c’est une maladie très complexe, des médicaments aux effets très délicats à évaluer, mais surtout un encadrement psychologique par des gens spécialisés, et en institution psychiatrique quand l’état s’aggrave.

Plonger un malade mental qui, je le rappelle, n’est pas un délinquant, dans l’ambiance d’une prison et dire qu’il n’y a aucune urgence, c’est comme envoyer un alcoolique se soigner dans un bar ou proposer à un cardiaque grave d’attendre six mois avant de prendre ses médicaments.

Aucune urgence, madame la ministre Vienne ? Mais vous délirez ? Chaque jour qui passe voit la santé du jeune « Elio » se dégrader. Je souhaite sincèrement qu’il s’en sorte. Mais si vous avez consacré cinq minutes de votre temps précieux à vous renseigner, vous savez que plus le temps passe sans traitement, plus les effets de la maladie s’aggravent. Et vous savez aussi que le taux de suicide est malheureusement très élevé chez ces personnes. Vous serez donc personnellement responsable des conséquences de cet emprisonnement absurde et inhumain. Il s’agit clairement de non-assistance à personne en danger, et même pire que cela.

Un juge qui se contredit lui-même

Le juge vient de rendre son jugement le 21. Ponce Pilate est devenu magistrat à Mons, écoutez : « Le système de la liste d’attente, même s’il est fort critiqué, reste le seul moyen équitable de trancher. Il n’est pas question de demander aux tribunaux de cautionner par la demande dont question des carences des pouvoirs organisateurs des établissements de défense sociale. Il n’est pas acquis qu’un placement dans un établissement de défense sociale pourrait provoquer une quelconque amélioration de l’état du jeune. »

Il est facile de réfuter ce jugement :

1. Le juge admet donc que les pouvoirs publics sont en défaut car ils refusent de consacrer les moyens nécessaires pour soigner les malades.

2. Mais il se contredit. D’abord, il reconnaît que les malades doivent être soignés et non emprisonnés. Mais ensuite, il prétend qu’il n’y a pas d’urgence et que rester six mois sans soins n’aurait pas de conséquences ! Bon, alors, faudrait savoir : être soigné, ça fait une différence ou pas ?

3. Evidemment, que dans une telle maladie, la guérison n’est jamais totalement garantie. Mais si on ne fait rien, il est sûr qu’elle va s’aggraver. Faut-il avoir étudié pendant des années pour proférer de telles bêtises ?

4. Le juge prétend ne pas vouloir sauver « Elio » pour ne pas faire de « discriminations ». Mais le jugement déjà cité de la Cour Européenne ajoute : « Il importe peu que son sort soit partagé par d’autres personnes. »

5. Le juge prétend qu’il ne peut se substituer aux autorités politiques. Faux également, la Cour de Cassation belge a confirmé que : « Le pouvoir judiciaire est compétent tant pour prévenir une lésion illicite d’un droit civil que pour en ordonner la réparation, quel que soit l’auteur de la lésion. » (21 mars 1985, Journal des Tribunaux, 1985, p. 697). Donc, si l’Etat viole un droit de l’homme, la Justice est compétente. Un peu de courage, svp !

6. En refusant de mettre fin à cette violation des Droits de l’Homme, ce juge couvre une privation de liberté illégale et arbitraire.

N’y a-t-il pas autre chose derrière ce jugement scandaleux ? En réalité, toute cette affaire pue la connerie, l’irresponsabilité et surtout la violation des droits démocratiques élémentaires.

Au départ, il y a un médecin psychiatre qui a fait emprisonner ce jeune « Elio » sans raison valable. Ses justifications : « Il souffre de paranoïa, il prétend être normal, il refuse de se soigner ». En tant que père d’une jeune schizophrène qui a fini par se tuer, je ne sais pas si je dois rire ou hurler devant tant d’idioties ! Ce que dit ce médecin, mais c’est la définition même de la maladie ! Absolument tous les schizophrènes sont comme ça !

Quand cela m’est tombé dessus, j’ai participé à des réunions de parents de schizophrènes. Tous les parents racontaient les mêmes tristes histoires : leurs enfants disent tous qu’ils n’ont rien et ne veulent donc pas prendre de médicaments. C’est justement ça la maladie, et c’est justement pour ça qu’il faut les soigner ! Est-il possible de confier des malades à des gens d’une telle incompétence ?

La police a-t-elle le droit d’emprisonner sans jugement ?

Ensuite, et c’est peut-être le plus grave, il y a la façon dont on a mis le jeune « Elio » en prison. Par un jugement, comme dans tout Etat de droit ? Pas du tout ! C’est tout simplement la police qui l’y a conduit.

Mais où va-t-on si la police peut faire emprisonner quelqu’un sans jugement ? Demain, on enfermera les SDF « parce qu’il n’y a pas de place ailleurs » ? Et les sans-papiers ? (Ah pardon, ça, la Belgique le fait déjà !) Et les contestataires politiques ?

Dans un Etat démocratique, la loi exige que tout emprisonnement soit décidé par un jugement. Or « Elio » a été emprisonné quatre mois avant que le jugement tombe. Le juge a-t-il voulu « couvrir » cette illégalité ?

Enfin, à la prison de Mons, des gardiens ont battu le jeune « Elio » devant témoins. Excellente thérapie, n’est-ce pas monsieur le juge ? Y a-t-il eu des sanctions ? Sommes-nous encore dans un Etat de droit ?

Pour toutes ces illégalités, la Belgique est à nouveau en train de se préparer une belle condamnation à Strasbourg.

Le combat continue

Le jeune « Elio » a besoin d’être hospitalisé au plus vite dans un établissement spécialisé et compétent. Un hôpital psychiatrique de Liège s’est dit prêt à l’accueillir. L’avocat, Maître Arnould, est évidemment allé en appel de ce jugement aberrant et inhumain.

Les parents sont sous le choc, mais continuent à se battre courageusement. Ils ont besoin de votre soutien. Il faudrait absolument que des journalistes de médias importants médiatisent l’affaire. Si vous en connaissez, contactez-les, svp. Merci d’avance.

Ponce Pilate, ça doit cesser !

MICHEL COLLON

ADRESSES POUR PROTESTER :

– Christiane Vienne ?Ministre de la Santé, ?Rue des Brigades d'Irlande, 4?- 5100 JAMBES?Tél.: 081/32.34.11?Fax: 081/32.34.09

N.B. Nous n’avons pas son adresse mail. Mais vous pouvez trouver les adresses, téléphones et mails des antennes de la région wallonne de votre région à :

http://mrw.wallonie.be/mrw/rapports/2002/adresses.html

– Elio Di Rupo ?Ministre-Président du Gouvernement wallon ?Rue Mazy, 25-27?- 5100 JAMBES?Tél.: 081/33.12.11?Fax: 081/33.12.99

elio@ps.be

– Laurette Onkelinx, ministère de la Justice, 115 boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles, 02 542 65 11 info@just.fgov.be

INFOS, SOLIDARITE :

– Pour envoyer un petit message de solidarité à ses parents, écrivez à : fb439354@skynet.be

– Un blog a été ouvert par la famille, où chacun peut s’informer, témoigner sa solidarité, signer une pétition de soutien : http://pourfabrizio.skyblog.com

– Texte « Peut-être connaissez-vous, sans le savoir, un proche atteint de schizophrénie ? » : http://www.mariecollon.info

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