Campagne Eau et Sel : un message des prisonniers palestiniens

Cela fait aujourd’hui 65 jours consécutifs que des détenus palestiniens sont en grève de la faim. Selon les nouvelles que nous venons de recevoir des prisons, les prisonniers refusent maintenant l’eau, élément essentiel pour la vie sans lequel la mort est inévitable. Environ 100 grévistes sont actuellement à l’hôpital et Netanyahu, le Premier ministre d’Israël, a ordonné qu’ils soient alimentés de force, ce qui est une forme de torture qui viole les conventions internationales.

 

 

La détention administrative, un crime contre l’humanité

 

La détention administrative est un vestige du mandat britannique. Elle autorise que des gens soient arrêtés sans autre forme de procès et est renouvelable par ordonnance militaire. La détention sans procès est autorisée dans le droit international, mais elle ne doit s’appliquer que dans des cas extrêmes, lorsqu’il y a danger imminent. En ayant recours à la détention administrative, l’Etat d’Israël enfreint la Convention de Genève dont il est signataire. Le quotidien israélien Ha’aretz décrit la détention administrative :

 

“(…) comme l’une des mesures les plus offensives qu’un régime peut prendre contre les droits civils des individus. En Israël, tout officier militaire dans les territoires peut faire incarcérer une personne presque indéfiniment et sans supervision judiciaire. Les procédures de détention administrative n’exigent pas que le détenu soit informé des charges retenues contre lui, les avocats ne peuvent pas le défendre et les preuves à son encontre ne font pas l’objet d’un examen judiciaire.”

 

Le droit international reconnaît la détention administrative mais il en restreint l’usage en le limitant à des cas impliquant un danger pour la sécurité publique contre lequel il n’y a pas d’autre prévention. Israël, cependant, l’utilise à outrance dans les territoires, principalement pour protéger des sources d’information ou empêcher que soient exposées les méthodes des services de sécurité du Shin Bet.

 

De plus, Israël pratique un système d’apartheid. Les Palestiniens sont traduits devant des tribunaux militaires avec, d’après l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem, un taux de condamnation de 97,7%. Il y a plus de 5.200 prisonniers politiques dans les geôles de l’occupation israélienne, dont 270 enfants de moins de 18 ans, ceci en infraction aux conventions internationales pour les droits de l’enfant.

 

La grève de la faim des détenus administratifs n’a pas pour but une amélioration des conditions de détention mais est de nature politique. Le principal enjeu est de fermer à jamais le dossier de la détention administrative comme forme violente de détention. Parmi les témoignages des détenus qui ont vécu ce type de détention, Imad Abu Shamsieh raconte qu’il a été détenu administrativement à 6 reprises : 

 

“Lorsque vous êtes détenu, ils vous interrogent et vous torturent psychologiquement pendant plusieurs semaines, puis ils vous transfèrent en détention administrative sans aucun procès. Ensuite, lorsque votre période de détention est finie, vous dites au revoir à tous vos amis et vous montez dans l’autobus qui est censé vous emmener loin de la prison. Vous êtes surpris quand ils vous apportent un papier qui annonce que votre détention est renouvelée et, quelquefois, lorsque vous êtes enfin à la maison, ils vous arrêtent, ce qui affecte psychologiquement quiconque était privé de liberté et en rêvait tous les jours en prison.”

 

La grève de la faim, connue sous le nom de Campagne de l’Eau et du Sel, a engendré une mobilisation notable qui grandit au fur et à mesure que la grève se prolonge. Même sur le plan international on note davantage de soutien et de sympathie pour les prisonniers palestiniens. Dans le cadre de cette grève, de nombreux événements ont été organisés dans toute la Palestine, y compris dans la “Palestine à l’intérieur de la Ligne Verte”, unissant tous les Palestiniens où qu’ils soient autour d’une cause commune.

 

Campagnes pour la liberté, contre l’enlèvement et le châtiment collectif

 

L’objectif des nombreuses campagnes est d’attirer l’attention sur les prisonniers politiques, comme la Campagne pour la libération de Shireen al-Issawi, la soeur de Samer al-Issawi, le super-héros qui a mené la plus longue grève de la faim jamais enregistrée. Porte-parole centrale de cette campagne, Shireen était avec un groupe d’ avocats et deux de ses frères Medhat et Shadi. Elle a été arrêtée le 6 mars 2014. Medhat a déjà passé 18 ans de sa vie en prison. Shireen et lui sont toujours incarcérés. Leur mère, Raafat al-Issawi, militante politique bien connue, m’a dit que le nombre total d’années que sa famille a passé dans les geôles israéliennes était d’environ 58 ans. Elle m’a déclaré que la détention de Shireen et de ses collègues était une vengeance.

Il y a beaucoup d’autres campagnes, et parmi elles la Campagne pour Lina Al-Jarboni, âgée de 40 ans et en prison depuis 13 ans. 

Maintenant trois Israéliens, dont deux sont des colons et le troisième  soldat dans l’armée israélienne, ont disparu. On a prétendu qu’ils étaient dans le bloc de colonies “Gush Etzion” avant leur disparition, une zone sous contrôle sécuritaire total d’Israël. Le gouvernement israélien a accusé les Palestiniens, en particulier ceux qui vivent à Al-Khalil, d’être les ravisseurs.

Israël a commencé, contre toute la population de la Cisjordanie, une campagne de châtiments collectifs qui touchent 750.000 personnes. L’un d’entre eux est l’interdiction de se déplacer en empruntant le pont entre la Jordanie et la Palestine. De plus, les Israéliens empêchent les Palestiniens de Al-Khalil d’entrer en Israël pour travailler même s’ils sont en possession d’un permis de travail. Ils ont également fermé plusieurs routes qui relient la ville aux autres villes et villages. Ils ont envahi plusieurs quartiers, saccagé des maisons et leur mobilier. Ils ont arrêté près de 400 Palestiniens en quatre jours et placé certains d’entre eux en détention administrative.

Certains points valent la peine d’être notés, au sujet du soi-disant kidnapping des 3 colons : 10 heures se sont écoulées avant la première déclaration de l’opération kidnapping. Pourquoi Israël a-t-il perdu ces précieuses heures pour les retrouver ? Ensuite, une grande confusion accompagne la campagne. Quelquefois Israël accuse le Jihad islamique, puis le Hamas, et la dernière déclaration fut celle de Tzipi Livni, qui a accusé Daash, une prétendue organisation terroriste [de L’Emirat Islamique en Irak et au Levant, EIIL]. Aucune organisation palestinienne n’a revendiqué l’opération. Accuser l’organisation Daash est peut-être simplement une nouvelle tentative de lier la lutte palestinienne et le terrorisme international.

Enfin, Israël essaie de détourner l’attention sur les Israéliens kidnappés au dépens du sujet principal, l’occupation israélienne et, en particulier en ce moment, la question des prisonniers. Les Israéliens veulent que la grève de la faim passe au second plan parce qu’elle suscite un soutien populaire et même international.

Il y a quelques semaines, deux jeunes de 16 ans, Nadin Nuwara et Mohammed Abu Taher sont morts sous les balles des troupes israéliennes pendant la manifestation du jour de la Nakba, en Cisjordanie. La vidéo montre qu’au moment de leur mort ils ne constituaient aucune menace pour les forces israéliennes. Israël traite les Palestiniens comme s’ils étaient des pierres et leur dénient tout sentiment de dignité. Tout ceci se passe dans nos vies quotidiennes et nous continuons de lancer notre message de paix et de justice pour tous.

 

Un message de liberté et de paix

 

Enfin, mon message est un message de notre peuple aux Israéliens, et en particulier aux mères des kidnappés.

“Chères mères israéliennes, le temps est venu pour vous de ressentir ce que nos mères ressentent et souffrent. Nous sommes des humains comme vous_ et nous avons le même sang. Notre sang n’est pas sans valeur. Nous avons des émotions et des peines. A cause de ce qui s’est passé, nous avons besoin que vous fassiez pression sur votre gouvernement pour qu’il libère nos prisonniers politiques dans les geôles israéliennes. Puisque nous nous soucions de vos mères et compatissons pour elles, pourquoi ne vous souciez-vous pas de nos fils qui sont plus de 5.200 dans les prisons israéliennes ? Nous voulons que nos garçons rentrent à la maison sains et saufs. Nous pensons qu’un humain est un humain. L’humanité n’est pas divisée. Pourquoi ne vous souciez-vous pas de nos vies sous l’occupation israélienne ? Nous voulons vivre en paix sans occupation et sans détenus en prison. Nous ne sommes pas un peuple sanguinaire. Nous ne haïssons pas les Juifs, _ notre ennemi est l’occupation, rien d’autre, et nous sommes contre les bains de sang et la haine. Nous souhaitons que tous nos fils, des deux côtés, rentrent à la maison.”

 

 

Texte et photo: Badia Dwaik

Source: Investig’Action

 

 

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